Le déplacement en filanjana de Leopold von Jedina pour monter dans la ville haute. |
Leopold von Jedina, enseigne royal et impérial de vaisseau, commandant de la corvette autrichienne Helgoland , voyage autour de l'Afrique dans les années 1873-1875. Cependant, dans l'ouvrage qu'il écrit, il cite aussi Madagascar, notamment Nosy Be et Mahajanga.
Arrivé dans cette dernière ville et avec les recommandations du père Lacôme en poste à Hell-Ville, il contacte André Ambolahery, directeur de la douane, qui le guide dans la visite de Mahajanga. De prime abord, il constate que cette ville, autrement appelée cité des Fleurs, se compose de deux parties distinctes, le quartier hova fait d'un fort sur la butte, et la ville commerciale sur le rivage. Elle compte alors huit mille âmes environ.
Dans la ville haute, seuls les Merina et leurs familles demeurent et, comme chaque homme, appartient à la classe des guerriers, la population masculine (un millier d'hommes) constitue également la garnison placée sous les ordres du gouverneur.
À l'exception du palais de celui-ci bâti en pierre, les maisons des Merina sont construites en bois. « Mais toutes sont d'une élégance et d'une propreté extraordinaires. » Les décrivant, Leopold von Jedina parle d'un toit élevé, pointu et couvert de palmiers, de murailles extérieures si artistement décorées de feuilles de palmier en éventail « que l'on croirait à s'y méprendre qu'elles sont lambrissées ». À l'intérieur, les murs et le sol sont tapissés d'étoffes en rabane et de nattes. Pour tout mobilier, en général, il y a la « kitanda », lit en usage dans le pays fait en raphia, et quelques chaises basses. En revanche, les personnages importants disposent d'un ameublement européen.
À l'extérieur, « les rues étroites prouvent l'esprit d'ordre des Hovas ». Les ouvrages fortifiés de la ville haute de Mahajanga ne sont pas très redoutables. Un fossé de quelques pieds de profondeur entoure la ville, de vieux canons aussi dangereux pour les ennemis que pour les servants sont installés, çà et là, sur les glacis. Néanmoins, ils sont soigneusement préservés des intempéries par un toit de paille.
La partie basse de Mahajanga renferme aussi quelques belles constructions en pierre appartenant à de riches Indiens, mais la majeure partie de la population, constituée d’Arabes, de Sakalava et de Cafres, habite dans des cabanes. Au centre de la ville basse, se trouve un grand bâtiment de pierre avec une longue véranda où flotte un drapeau, indiquant que c'est un établissement officiel. C'est effectivement, le « Lapa », l'Hôtel de ville où se tiennent les conseils publics et assemblées appelés « Kabary ». C'est là que se règlent les affaires de la commune.
Selon le voyageur autrichien, lorsque la reine expédie des ordres, le gouverneur les communique au chef de la basse-ville qui convoque les « kabary » et leur en donne connaissance. Chaque membre en particulier doit avoir soin que toutes les communications soient comprises et, en cas de nécessité, le conseil est convoqué une seconde fois. Grâce à cette organisation, les arrêtés et les nouvelles sont rapidement connus au-dehors et nul ne peut prétexter de son ignorance.
Poursuivant sa promenade dans la ville, le soir avant de rentrer à bord, Leopold von Jedina apprécie la fraîcheur donnée par les palmiers, les magnifiques magnolias et les taillis luxuriants qui bordent le chemin conduisant dans l'intérieur du pays. « L'air était tiède et chargé de parfums balsamiques. Les derniers feux du jour luttaient avec la clarté de la lune qui se levait. Tout était en harmonie avec le tableau pittoresque que formait, avec ses costumes et ses nuances de teint variés la population revenant des champs. »
Le lendemain à 8 heures, le commandant du Helgoland et ses proches collaborateurs descendent à terre pour rendre visite au gouverneur. Des palanquins « primitifs » les attendent avec une escorte d'honneur. Un officier, « noir comme l'ébène », vêtu d'un froc rouge, d'un tricorne « posé de travers » et surmonté d'une touffe de plumes blanches, leur rend les honneurs et fait présenter les armes par douze de ses soldats en grosse casaque et justaucorps de coton blanc et képi bleu.
« Ce n'était cependant pas chose si facile. Tout soldat madécasse porte de chaque côté un poignard; il est également armé d'un fusil à pierre et d'un bâton en bois dur. Toutes les fois qu'il veut manier son fusil, il doit commencer par enfoncer le bâton devant lui dans le sol. »
Poursuivant sa description, l'Allemand ajoute qu’un second officier en habits civils et avec un chapeau haut de forme, dirige strictement l'exécution de chaque manœuvre. Et tout cela sur fond de l'hymne national joué avec des violons, des flûtes et des tambours de toutes les tailles. La réception solennelle est achevée et tous s'installent sur les palanquins pour monter vers le fort, la musique et le piquet d'honneur en tête.
Pela Ravalitera