Quand le vert parle

Si l’on se fie à un récit dont on ne peut affirmer s’il relève de la légende ou de l’histoire, un monument botanique, sans pareil, a compté parmi les exploits humains. Vraies ou fausses, les différentes narrations que l’on doit à Hérodote ont à jamais inscrit dans les mémoires cette merveille, inspirant toujours la même admiration qu’on peut avoir pour le génie antique auquel on doit les pyramides d’Égypte, le colosse de Rhodes, le temple d’Artémis à Éphèse, la statue chryséléphantine de Zeus à Olympie, le Mausolée d’Halicarnasse, le phare d’Alexandrie.

Selon la tradition, le roi Nabuchodonosor II, présent dans la Bible comme étant l’auteur de la destruction du temple de Salomon, aurait aussi accompli une des plus grandes prouesses où s’affirmaient à la fois un talent esthétique et un esprit d’ingénierie qui élevèrent une montagne artificielle verdoyante au cœur de la plaine mésopotamienne: les jardins suspendus. Ainsi, Babylone aurait été sertie de cette parure inestimable et chatoyante où s’illuminait la vie végétale qui remplissait les terrasses agrémentées de différents arbres et plantes exotiques. Le tout constamment arrosé par un système hydraulique qui exploitait le principe de la vis d’Archimède.

Ce déploiement créatif et technologique a eu, d’après la plupart des narrateurs qui ont relaté cette formidable aventure technique, comme muse Amytis de Médie, la femme du monarque, originaire d’une région montagneuse et luxuriante qui contrastait avec les paysages arides de Babylone. Et c’est alors que, pour à nouveau faire fleurir la joie dans le cœur d’Amytis, Nabuchodonosor fit construire ce chef-d’œuvre qui, en lui rappelant sa terre natale, devrait avoir la capacité d’adoucir la nostalgie. Et peut-être aussi aurait-il été un remède à la solastalgie ambiante actuelle ?

Pour rappel, la solastalgie, un néologisme forgé par le philosophe australien Glenn Albrecht, est ce mal qui atteint la santé mentale confrontée à un bouleversement environnemental consécutif à des destructions qui touchent les paysages ou les écosystèmes. Et maintenant, quand les espaces verts disparaissent et quand l’eau est écrasée par les remblais anarchiques, la même inspiration qui se serait emparée de Nabuchodonosor II serait la bienvenue.

Fenitra Ratefiarivony

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