Le poids de l’Eau

Vivre ou survivre. Quand l’eau, qui est la vie selon une célèbre citation de Saint-Exupéry, peine à satisfaire nos besoins vitaux les plus élémentaires, chaque jour se présente comme un défi, un combat continuel pour résister aux assauts des démons du stress. Car une journée «normale» consiste, dès l’aurore jusqu’au crépuscule, à s’épuiser en luttant contre des obstacles routiniers auxquels s’est ajoutée cette course éreintante contre la fuite de l’eau. 

En «domestiquant» l’eau, les grandes civilisations se sont affirmées en Mésopotamie, le long du Nil ou dans la vallée de l’Indus, lieux d’épanouissement de l’agriculture irriguée. L’histoire ne peut ainsi que nous apprendre que la maîtrise de l’eau, son accessibilité, fut à la source du jaillissement des cités, ces communautés où l’homme peut conquérir son essence qui consiste, selon Aristote, à être un «animal politique.» Quand l’eau se fait rare, c’est le développement des sociétés humaines qui est menacé. 

Dans les réalisations techniques autour de l’eau, se sont reflétées les lumières du progrès et du développement. C’est ainsi que, portées par l’évolution de l’ingénierie hydraulique, les grandes villes représentatives de la grandeur de l’Empire romain ont été «ornées» par les aqueducs, ces conduits qui pouvaient faire parcourir de longues distances à l’eau pour qu’elle puisse assouvir les besoins des citoyens. D’où l’importance de l’entretien des infrastructures pour qu’elles puissent avoir un pouvoir optimal à même de contribuer à ce développement tant galvaudé et convoité.

Mais depuis le passage de la révolution industrielle, la demande a connu une croissance importante : l’eau, en plus de devoir assouvir les besoins essentiels du quotidien, doit aussi apporter sa part incontournable et considérable à la production. Un processus qui a également apporté la pollution et, avec elle, une détérioration effrénée de l’environnement dont les conséquences, couplées au poids des siècles de déboisement et de pratique des feux de végétation, sont vécues dans la pesanteur lancinante de cette pénurie d’eau. 

Dans Dune (1965), le roman de Frank Herbert, la disette vécue par les habitants de la planète désertique d’Arrakis a fait de l’eau une denrée rare obtenue par des techniques sophistiquées comme celle qui permet la conservation des liquides corporels. La situation, chez nous, n’est peut-être pas encore aussi extrême mais elle possède un potentiel dont la puissance de destruction s’intensifie avec la gradation de nos instincts antiécologiques qui peuvent mener à une catastrophe qui devrait inspirer la peur. Une appréhension qui devrait nous aider à éviter le cataclysme redouté. Une leçon que le philosophe Hans Jonas a baptisée «heuristique de la peur» et qui consiste à envisager le pire pour prévenir sa réalisation.

Fenitra Ratefiarivony

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