Il était une fois l’eau

Depuis 1982, la centrale hydro-électrique d’Andekaleka demeure le plus important investissement public en matière énergétique. Quand les services de la Jirama communiquent sur certains détails «techniques», ils sont le plus souvent inaudibles parce que les clients victimes du délestage tournant ne sont plus à même d’écouter. Ce n’est pas pourtant pas à la Jirama de veiller au reboisement de Madagascar pour garantir un niveau normal d’humidité et de pluviométrie. Ce n’est pas à la Jirama de convoquer les masses nuageuses pour, au moins, provoquer des pluies artificielles. Ce n’est pas certainement pas la faute de la Jirama si les sources tarissent, si les rivières sont en étiage, si les lacs s’assèchent (quand ils ne sont pas remblayés). Là est cependant le vrai problème : qu’il s’agisse de l’eau alimentaire ou de l’eau énergétique, c’est justement l’eau qui vient désormais à manquer. En fait de magie, ou de miracle, il faudra s’en remettre à la saison des cyclones et de leur profusion de précipitations si utiles à nos chères nappes phréatiques. 

Retour vers le futur et un document de la Banque mondiale. Le complexe hydro-électrique d’Andekaleka sera situé sur la Vohitra, à environ 115 km à l’Est d’Antananarivo. Il comprendra notamment : (a) un barrage de dérivation en béton d’environ 10 mètres de haut et 125 mètres de long et une prise d’eau ; (b) un canal d’amenée de 5,2 mètres de diamètre et 4 km de long conduisant la prise d’eau à une centrale souterraine prévue pour quatre unités de 28 MW, avec un canal de fuite et des galeries d’accès ; (e) une ligne de transport à 138 kV, sur 150 km, vers Antananarivo. L’installation d’Andekaleka utilisera une dénivellation exceptionnelle de 242 m de la Vohitra, sur une distance de 10 km. (...) Le tunnel est conçu pour une utilisation optimale de trois unités de 28 MW. La quatrième unité de 28 MW sera utilisée en réserve et en période de pointe (...) la quatrième unité ne se justifie que s’il y aune réserve d’eau suffisante : (grâce) à un barrage-réservoir d’une capacité de 400 à 500 millions de m3, à Ankorahotra, 45 km en amont d’Andekaleka.

La partie «Écologie», qui correspond à nos actuelles «études d’impact environnemental», était consignée en fin de chapitre, une corvée rapidement expédiée : «le barrage de dérivation est trop bas pour avoir une incidence importante sur la partie amont de la rivière ; la zone n’est pas peuplée ; la retenue porte seulement sur 700 mètres en amont avec un réservoir de 150.000 m3 dont les fluctuations de niveau seront minimes, compte tenu des flux moyens. Lorsque les deux premières unités seront opérationnelles, le flux sera minimal ou nul sur environ 4 km en aval du barrage, jusqu’au confluent avec son affluent, la Sahantsiva, pendant près de 120 jours par an. Cela n’aura guère d’effet car de toute façon, les chutes de Tarariana, de 25 mètres de haut, empêchent la migration du poisson, et les lacs qui se forment près des chutes garderont la population piscicole pendant les jours où le flux est nul. L’approvisionnement des villages en eau ne sera pas modifiée par une variation du flux. La mission considère que la première phase de construction n’exige pas d’étude écologique plus poussée. Une telle étude sera nécessaire lorsque le barrage réservoir d’Ankorahotra sera construit». 

Une note de 2009, pour le compte de la Banque mondiale, reprend le truisme quant au «potentiel hydroélectrique considérable» dont disposerait Madagascar. Il faudra l’actualiser à l’aune des dernières évolutions climatiques. La note en question recensait les nombreux sites possibles pour la production hydroélectrique : «Ces sites sont biens répartis sur le territoire, et très diversifiés par leur taille (depuis la micro-hydraulique aux sites de plusieurs centaines de MW). Les ressources hydroélectriques offrent une réponse potentielle à deux problématiques distinctes. D’une part, il faut satisfaire la demande des activités économiques et des populations urbaines en expansion. De manière heureuse, plusieurs sites candidats de taille significative (supérieure à 100 MW) se situent à proximité des principaux centres de population du pays (Antananarivo, Antsirabe, Toamasina, Fianarantsoa)». 

Pour en revenir à Andekaleka, le bel optimisme de 1976-1978 a été rattrapé par une triple réalité des années 2000-2024 : l’emballement démographique, la surpopulation d’Antananarivo-Ville et du Grand Tana, le dérèglement climatique conjugué à un déboisement catastrophique. Et c’est bien une note en bas de la page 36 du «Rapport d’évaluation» qui revient aujourd’hui en exergue : «L’analyse se fonde sur la capacité d’une année moyenne, et non d’une année sèche, la constitution de réserves plus importantes destinées à minimiser les risques d’interruption de service ne se justifiant pas à Madagascar ; d’autant que les services locaux produisent la capacité de pointe et que l’utilisation industrielle ne serait pas affectée dans le cas d’une coupure des approvisionnements locaux à la suite d’une pénurie. Statistiquement, on compte une année sèche tous les 10 ans et la capacité s’y trouve diminuée de 20%». Cinquante ans plus tard, une année sèche ne relève désormais plus de la science-fiction. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne