Rond-point : et pourtant, ça tourne

Cette Chronique vient en écho d’une conversation entendue dans un bus à Quimper. Quelqu’un avait prétendu que le rond-point avait été inventé dans cette ville de Bretagne. En fait, la multiplication des rond-points à Quimper, à partir de 1976, est due à l’influence d’un des ingénieurs pionniers issus de la direction de l’équipement de l’Essonne : la mutation de Jacques Guellec à Quimper fera du Finistère un département précurseur en matière de giratoires. Grâce aux nouveaux rond-points, le nombre d’accidents a chuté de moitié à Quimper, entre 1978 et 1983, statistiques formidables qui valurent sans doute à cette ville la réputation d’être la capitale française des rond-points. 

Mais, rendons à Hénard ce qui est à Eugène Hénard (1849-1923) : l’invention du rond-point. Dans «Les voitures et les passants, carrefours libres et carrefours à giration», ouvrage publié en mai 1906. Il établit une loi mathématique : «la largeur de la chaussée annulaire de giration doit être égale au quart de la somme des largeurs des chaussées qui y aboutissent». 

Architecte, élève de l’École des Beaux-Arts. Un profil technique, comme celui des ingénieurs de la direction départementale de l’Équipement de l’Essonne , sous la conduite de Paul-Loup Massat, dans les années 1969-1976. La France doit à ce groupe d’ingénieurs l’introduction d’une dérogation à la règle de la priorité à droite instaurée par la convention internationale de Vienne (8 novembre 1968). La «priorité à l’anneau», donc à gauche, sera introduite en France en 1984, par le décret 83-797 du 6 septembre 1983. 

À Paris, de nombreux ronds-points ont été aménagés, à l’emplacement d’anciennes portes d’entrée, lors de la démolition des remparts. On peut imaginer dans les rond-points parisiens quelques réminiscences symboliques de l’entrée des villes fortifiées et de l’enceinte fiscale des Fermiers Généraux. Chez nous, ce furent des «vohitra» entourés de «hadivory». Fait conscient ou simple hasard qu’en lieu et place des Ankadinandriana, Ankadilanana, Ankaditapaka, on ait aménagé des giratoires, certes sans octroi, encore exempts de péage. 

Depuis Ivato par le nord-ouest, c’est par le rond-point de Tsarasaotra qu’on accède à la Capitale ; fonction presque similaire qu’assure le rond-point d’Ankazomanga si on se souvient qu’Ambohimanarina avait été une commune autonome ; le «vavahady» Ambohitrarahaba-Analamahitsy serait figuré par le rond-point d’Andranobevava ; les rond-points d’Anosizato et d’Andohatapenaka doublent la fonction de frontière naturelle qu’y constitue le fleuve Ikopa ; le rond-point d’Ankadimbahoaka-Anosimahavelona conforte l’en quelque sorte pont-levis du pont de Tanjombato ; notons que l’ancienne «frontière» était matérialisée par la voie ferrée qui voisinait avec le rond-point au pied de Soanierana ; le giratoire d’Ambohimangakely-Amboromanina accueille ceux qui arrivent d’Ambohitrombihavana, Ambohipiainana, Ambohimalaza, Manjakandriana, Moramanga, Brickaville, Toamasina... 

Le «Carrefour à giration» part d’une idée simple: remplacer les lignes droites par des lignes courbes autour d’un obstacle central et instaurer un sens circulatoire, sans l’inconvénient du «feu rouge», un stop absurde lorsque personne ne circule. 

Dans les rond-points traditionnels, la priorité était donnée aux véhicules qui entrent dans l’anneau. Dans le carrefour giratoire (moderne), les véhicules qui entrent cèdent la priorité aux véhicules déjà engagés. La fluidité de la circulation dépend fondamentalement de la réduction du nombre des points de conflit à une intersection : dans un carrefour à quatre branches, on compte 32 points de conflit, dont 16 sécants, par conflit de cisaillement ; le même carrefour, transformé en giratoire, ramène le nombre des points de conflit à 8 et supprime par la même occasion les conflits de cisaillement. 

Le rond-point est une chose tellement sérieuse que lui fut consacré un colloque international : «Giratoires 92» (Nantes, 14, 15, 16 octobre 1992). À des ingénieurs des Ponts et Chaussées, on pourrait confier une analyse sur le miracle permanent d’un immense carrefour comme celui de l’Étoile à Paris (110.000 voitures par jour), avec ses douze voies affluent-effluent, dont la conception fut confiée à Eugène Hénard dès 1905-1907. Et comment transposer le modèle circulaire autour de l’Arc de Triomphe aux rond-points d’Ampasampito-Météo, d’Anosizato, de la rocade d’Ankerana, d’Ankorondrano-Logistique pétrolière, d’Alarobia-Ivandry, devenus des goulets d’étranglement faisant l’hypertension quotidienne de milliers d’automobilistes. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja


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