Dans le livret de Cours Élémentaire, «Eto Madagasikara, Nosy Malalantsika» («Joies et Travaux de l’île heureuse», en sa version française), la première leçon de l’élève Rabe lui fait lire la phrase «Nipaoka zanak’akoho ny papango». Cette simple phrase est à double évocation. D’abord, celle du couple poussin-milan étranger à la génération citadine actuelle qui n’a pas connu le charme de l’élevage urbain. Ensuite, l’usage d’un mot vieilli, «nipaoka» (l’oiseau de proie qui enlève de force le faible volatile), qu’il ne faut pas confondre avec son presque homonyme par métathèse, «nipoaka» (exploser).
Le Papango en piqué comme les Hitsikitsika en sarabande ont déserté le ciel de nos villes polluées, et désormais plus minérales que végétales. Ce n’est pas sans joie qu’on les distingue au loin, et de plus en plus rarement, le long de certaines routes nationales dont les environs leur offrent encore un habitat naturel. Mon père trouvait dans l’apparition du Goaika, toujours en couple, quelque augure favorable. Quant au Voromahery, ce n’est même pas dans un catalogue d’ornithologie que je l’ai rencontré, mais coulé en bronze et figé pour l’éternité à la porte du Rova d’Antananarivo.
L’Ankoay, en voie de disparition, avait été emprisonné au zoo de Tsimbazaza, dans une triste volière très éloignée de la majesté des grands espaces sur lesquels il régnait. Les animaux en cage sont à la fois acte d’accusation, interpellation et appel à prise de conscience : la vie en captivité de ces espèces endémiques deviendra malheureusement la norme pour la faune sauvage si l’humain ne réfrénait pas sa pression sur leur habitat et leur nourriture. Nombre de leurs prédécesseurs (lémuriens géants, hippopotames nains) n’existent déjà plus qu’à l’état de squelette ou de fossile au musée de paléontologie.
Je rejoins l’opinion de Ihoby Rabarijohn, curatrice et commissaire de l’exposition «Antson’ny Tontolo Miaina», quand elle place le respect au fondement de la sagesse ancestrale : «le Malgache traditionnel ne se considère pas comme un maître de la Nature, mais comme une de ses composantes». Ce respect se prolonge dans «le concept du recyclage permanent», comportement qu’on associait à la pauvreté et son système D avant qu’on ne lui redécouvre une vertu écologique.
Recyclage auquel s’est attelé l’artiste-plasticien, Iandry Randriamandroso, dont j’ai pu admirer les oeuvres au Flow Gallery d’Ivandry. L’exposition «Ny Vorontsika» (Our Birds) offrait en portrait «Nos Oiseaux» menacés d’extinction. Selon l’artiste, «les oiseaux portent le symbolisme de l’adaptation, de la résilience et de la continuité de la vie». Il faut y ajouter l’imaginaire, l’évasion, la liberté qui est celle, tout de même paradoxale, du seul peint «hors les murs» de la galerie, effigie néanmoins figée.
Iandry Randriamandroso a peint les «Vorona» (burung en langue sud-est asiatique), avec de grands yeux qui doivent hanter notre conscience, sur des canettes (récupérées dans les rues de cette Amérique où il vit), sur du lamba akotifahana (tissu en soie de prestige qui atteignait «Ariary zato» autrefois, nous raconte le Firaketana), sans oublier le papier antemoro (les anciens Malgaches fabriquaient deux types de papier, selon l’extraction des fibres, «HATSO», coton, ou «SOTRA», tige de manioc).
À suivre...
Nasolo-Valiavo Andriamihaja