L'Isalo et ses grandes murailles. |
Entreprendre une mission dans les conditions que peut assurer Madagascar dans le premier tiers du siècle dernier, équivaut à se lancer dans une aventure, dont l'issue n'est pas toujours assurée.
En 1936, chargé par le Muséum français d'histoire naturelle d'effectuer des recherches scientifiques, l’entomologiste René Catala est amené à se déplacer dans le Sud. Pour ce faire, il adopte un moyen de locomotion et de transport de matériel plus pratique que le filanjana et le portage. « Outre que ces modes archaïques de déplacement représentent des frais considérables, ils ont un gros inconvénient de faire perdre un temps précieux. »
Le réseau routier déjà existant lui permet d'utiliser une roulotte automobile pour une expédition « semi-touristique ». Bien entendu, il s'agit moins « de l'une de ces maisons roulantes au confort dernier cri » que celle qui fait penser aux romanichels. En vérité, c'est une grande cabine montée sur un châssis de camionnette!
Étant donné la diversité des recherches à mener, un matériel varié et lourd et souvent très fragile est nécessaire. En ajoutant celui de campement et les provisions alimentaires, on arrive vite aux 1200 kg de charges maxima. Il faut donc laisser le petit « frigelux » à pétrole dont « l'agrément aurait rendu moins pénibles certains arrêts dans l'Androy ».
Seul Européen, René Catala est assisté, dans cette randonnée de plusieurs mois, d'un aide-préparateur merina, de deux chasseurs et d'un cuisinier-homme à tout faire tanala ainsi que d'un mécanicien-forgeron-menuisier betsileo.
Quant à l'itinéraire à suivre, il part de Fianara-ntsoa pour joindre Faux-Cap. L'équipée aborde quelques jours plus tard, les premiers contreforts de l'Isalo. Elle y pénètre en début de soirée. Les rayons lunaires, éclairant l'une après l'autre les arêtes de ces falaises bizarres, donnent à cet endroit un aspect étrange et irréel.
« Décor fantastique dans le cadre duquel ces découpures qui ont des formes de silhouettes humaines ou animales, paraissent douées de vie. » De quoi alimenter les histoires de bandits qui hantent l'Isalo, toujours à l'affût d'un mauvais coup à perpétrer et qui s'endui-sent de graisse pour échapper à toute capture. Et le comportement de ses accompagnateurs traduit déjà une peur qui s'infiltre insidieusement dans leur esprit.
Déjà René Catala s'impatiente de visiter le site de ces roches tourmen-tées, dont la moindre pierre examinée est une réplique en miniature de ce qui se trouve alentour, de faire une récolte intéressante parce que très caracté-ristique d'une faune bien localisée, de superbes palmiers...
Dans la nuit, il se réveille en sursaut en entendant des frôlements bizarres qui bientôt s'avèrent être le glissement d'hommes sous la roulotte. N'ayant aucune arme quelconque à portée de main, il appelle les deux chasseurs tanala. Ne voilà-t-il pas qu'ils répondent tout près de lui, « car les terribles bandits qui rôdaient sous la voiture, ne sont autres que mes hommes grelottants de peur et de froid, nus comme des vers malgré toutes les couvertures qu'ils ont reçues ».
Le campement qui est prévu se prolonger, doit être écourté quand le lendemain tous aperçoivent « quelques grands diables complètement nus, adaptés à la configuration d'un sol inégal. Ils se glissent sans hésitation et sans difficulté apparente d'une terrasse à celle inférieure avec une agilité de singes ».
Mais ils disparaissent dans un couloir souterrain pour, assurément, fuir l'homme blanc et son équipe qu'ils prennent sans doute pour des collecteurs d'impôts ou des « chasseurs» de vagabonds. Mais disparus ou non, la peur des accompagnateurs de René Catala devient vaguement palpable. Et c'est avec regret et déception qu'il quitte immédiatement l'Isalo où il voit « une magnifique figuration de sphinx égyptien » veillant sur ces roches millénaires, « une petite dame en crinoline », toute une série de pierres taillées comme des sarcophages...
« Peu après dans le lointain, baignées dans une lumière diffuse un peu mystérieuse, des roches énormes comparables à des montants de portiques gigantesques semblent être les vraies portes de l'Isalo. Région formée de dédales de couloirs profonds qui doivent tenir en réserve la collection la plus extraordinaire des fantômes pétrifiés. »
Pela Ravalitera