INNOVATION FINANCIÈRE - La dynamique ne fléchit pas

Participation de BFM à la table ronde sur l’innovation financière à Maurice, le 6 septembre 2024.

La dématérialisation en cours des services financiers et de la monnaie crée des possibilités d’offrir des services financiers plus innovants et plus inclusifs. Madagascar, malgré quelques retards enregistrés, s’active aussi dans ce domaine marqué par une dynamique forte qui n’est pas près de retomber.

En matière d’innovation financière, le gouvernement est appelé à en tirer parti pour mettre en œuvre des stratégies qui favorisent et encouragent le changement sans risque et l’adoption de nouveaux produits. Nous sommes dans un contexte où les progrès technologiques brouillent les frontières entre les entreprises financières et le secteur financier. Les nouveaux fournisseurs, les produits et modèles économiques ainsi que les nouvelles infrastructures et structures de marché influent grandement sur l’évolution rapide du secteur. D’où la nécessité de veiller à ce que ces résultats concordent avec les objectifs fondamentaux de l’action publique à mesure que le secteur financier poursuit sa mue.

Différentes études récentes analysent les impacts de la technologie financière et de la transformation numérique des services financiers, aussi bien sur les résultats que sur la réglementation et la surveillance du marché, et s’intéressent aux interactions entre ces éléments. Ainsi, les décideurs disposent aujourd’hui d’un tableau d’ensemble et d’études pointues qui détaillent les points saillants de ce que l’on appelle le phénomène de l’innovation financière.

Innovation en matière de services financiers fondés sur la technologie, la fintech est en train de transformer profondément les produits financiers, les modes de paiement, les modèles économiques, les acteurs et la structure du marché, voire l’argent proprement dit. La pandémie de Covid-19 a accéléré l’adoption de la fintech, ce qui stimule le développement financier en promouvant des objectifs stratégiques fondamentaux tels que la stabilité, l’intégrité, l’inclusion, l’efficacité, l’innovation et la concurrence dans le secteur financier, et fournit des bases solides pour l’épanouissement de l’économie numérique.

Pour Madagascar, les spécialistes soutiennent que les produits basés sur la fintech peuvent rendre son économie plus résiliente et favoriser une croissance plus dynamique et plus équitable. Mais les pouvoirs publics doivent adopter une approche équilibrée pour atténuer également les divers risques liés, entre autres, à la stabilité et l’intégrité financières, à la protection des consommateurs et des investisseurs, à la concurrence loyale et à la confidentialité des données. Les deux principaux déterminants de cette vague de fintech sont la connectivité omniprésente grâce aux appareils mobiles connectés à l’internet et aux réseaux de communication, ainsi que l’informatique et le stockage de données à faible coût.

Transformation des chaînes de valeur

Les applications qui profitent à fond de ces progrès, notamment celles liées au commerce électronique et aux communications mobiles, compilent des mégadonnées sur les utilisateurs et les transactions. L’informatique et le stockage à faible coût permettent d’exploiter ces données pour en tirer des informations. Les données et la connectivité peuvent atténuer les principaux obstacles à la fourniture de services financiers, tels que les asymétries d’information et les coûts de transaction, facilitent la mise en place d’un large éventail d’applications de produits et d’automatisation des processus basées sur les données.

Ainsi, par exemple, le prêteur qui, auparavant s’appuyait sur les antécédents de crédit ou les garanties d’un emprunteur pour obtenir les informations sur les flux de trésorerie et la capacité de remboursement de ce dernier, va désormais miser sur l’évaluation de la cote de crédit basée sur les données et l’information en temps réel sur les paiements qui rendent compte des flux de trésorerie pour accorder des crédits à des particuliers et des petites et moyennes entreprises (PME) auparavant négligés, en les desservant à moindre coût via des canaux mobiles.

Du côté de Banky Foiben’i Madagasikara (BFM), on reconnaît que ces facteurs contribuent à la transformation des chaînes de valeur qui produisent des services financiers. La réduction des coûts de transaction et la fluidité de l’information permettent de reconfigurer les chaînes de valeur et les groupes de produits des services financiers. La banque des banques note que la connectivité et l’échange de données permettent aujourd’hui de décomposer un produit ou un service en des éléments distincts, qui peuvent être proposés par différents fournisseurs et recomposés de nouvelles manières. L’ouverture de comptes, par exemple, a évolué passant d’un service à fournisseur unique dans une agence bancaire qui utilise ses propres guichets et services administratifs, à une série de configurations potentielles.

Dégroupage des services financiers

En outre, la capacité des clients et des fournisseurs à accéder aux informations et à transférer plus facilement les fonds a permis de dégrouper les services financiers. On s’attend alors à ce que les prestataires spécialisés offrent des produits uniques et que les clients aient le choix parmi un ensemble de fournisseurs de services qui répondent collectivement à leurs besoins. Plutôt que d’utiliser les produits de dépôt, de paiement et de prêt d’une seule institution, le client pourra choisir de conserver ses dépôts dans une ou plusieurs établissements, rechercher la meilleure offre de prêt, et avoir recours à différents fournisseurs de services de paiement pour différents usages. Les clients pourront également composer leur propre paquet de services et regrouper ces derniers au niveau des icônes d’application sur l’écran de leur smartphone.

Au mois de mai dernier, lors d’une série de conférences organisées à Antananarivo, BFM a insisté sur le fait que l’innovation et le digital façonnent le monde d’aujourd’hui, notamment le secteur financier, avec leurs risques et opportunités. « Banky Foiben’i Madagasikara joue un rôle clé afin d’accompagner l’économie malgache dans le monde de demain », a souligné cette institution à cette occasion. Les participants aux conférences ont, pour leur part, reconnu l’importance pour la Grande Île d’accélérer les réformes et de renforcer les appuis aux projets afin de se doter d’un secteur financier innovant et plus inclusif. La digitalisation des chaînes de valeur agricoles a souvent été mise en avant lors de ces rencontres.

Amboara Fifaliana Ramanalinarivo de la direction de la gestion du Système de Paiement, département des Études et de la Surveillance de BFM, a fait remarquer que ces dernières années, avec les tendances changeantes de la consommation et la digitalisation, les innovations bouleversent l’écosystème des paiements. Une panoplie d’initiatives s’est concrétisée dans l’industrie et affecte toute la chaîne de valeur des moyens de paiement, allant du support physique et du procédé à la solution elle-même.

Dans ce contexte, les nouveaux acteurs cherchent à intensifier leur rôle en s’appuyant sur leur expertise technique et technologique. Dans cette foulée, les acteurs bancaires font preuve de dynamisme en offrant des services de paiement qui priorisent les parcours clients et qui se veulent de plus en plus intégrés à l’acte d’achat. Ces nouvelles données font apparaître un éventail de solutions de paiement, sources de nouveaux risques mais possédant des avantages indéniables. Ces solutions émergentes se font dans un environnement omnicanal et permettent des transactions avec un parcours d’utilisation plus simple, rapide, dématérialisé, intégré et sécurisé.

Mais toute cette transformation n’implique pas toujours l’émergence de nouveaux moyens de paiement. Bien que certaines opérations soient réalisées à partir de supports connectés ou fassent appel à de nouvelles fonctionnalités, le dénouement de la transaction fait généralement intervenir un ou des moyens de paiement existants. Ainsi, ces solutions de paiement ne sont pas considérées comme de nouveaux moyens de paiement mais plutôt comme de nouveaux usages basés sur des déclinaisons de technologie.

Madagascar adhère au PAPSS ou «Pan African Payment and Settlement System».

Le PIC 3 en appui

En ce qui concerne Madagascar, les nouvelles solutions commencent à s’imposer. Au fil des ans, les investissements dans les infrastructures, les réformes dans la réglementation, les stratégies nationales en matière d’inclusion financière ont conduit au développement des paiements électroniques et à l’entrée de nouveaux acteurs innovants au sein du secteur. Cependant, malgré cette avancée, l’utilisation du cash reste prédominante. Les statistiques sur l’usage des moyens de paiement montrent que les moyens de paiement traditionnels hors fiduciaires occupent toujours, en termes de valeur, une part plus importante dans le quotidien des utilisateurs. C’est la raison pour laquelle les partenaires techniques et financiers renforcent leurs appuis en faveur de l’inclusion financière. Ainsi, au mois de février dernier, BFM a signé un accord avec le Projet PIC3 (Banque mondiale) et la société BPC pour la mise en place du Switch National de Paiement.

Un rappel a été fait à cette occasion que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), en accord avec la Banque mondiale, a pris la décision de transférer certaines activités du Projet d’Inclusion Financière de Madagascar (PIFM) vers le PIC3. Ces activités concernent l’appui auprès de BFM pour la mise en place du Switch National de Paiement, et l’appui aux Institutions de Microfinance (IMF) pour la digitalisation de leurs services, l’expansion de leurs agences vers des zones rurales mal desservies.

Le Switch National de Paiement est bien plus qu’une simple infrastructure financière. C’est une passerelle vers une économie plus moderne et inclusive. Ce mécanisme centralisé est conçu pour faciliter les transactions électroniques entre les différents acteurs du système financier malgache. Son rôle est d’acheminer, traiter et sécuriser les paiements électroniques effectués par les entreprises, les banques, les établissements de monnaie électronique ou encore les acteurs de la microfinance.

Banquiers centraux
Échanges sur un secteur en mutation

La Commission de supervision bancaire et financière (CSBF) veille au respect de la réglementation du secteur financier.

Le 6 septembre 2024, Bank of Mauritius a accueilli la première édition de l’événement intitulé « Table Ronde OCDE », avec deux thèmes clés : « Le financement numérique: les paiements numériques et le système bancaire comme leviers de transformation pour le développement de l’Afrique », et « La finance verte : libérer le potentiel de la finance verte dans le parcours de durabilité de l’Afrique ». La rencontre a vu la participation du Malawi, de l’Eswatini, du Lesotho, de la Tanzanie ou encore de Madagascar. Aivo  Andrianarivelo, gouverneur de Banky Foiben’i Madagasikara, a fait d’ailleurs partie des modérateurs. Selon les organisateurs, cet événement a mis en lumière le développement rapide de l’innovation financière et l’urgence de la finance verte pour relever les défis climatiques en Afrique.

Malgré son potentiel, la finance innovante verte reste sous-utilisée à cause de barrières financières et du manque de normes et de données adaptées. Les banques centrales ont un rôle clé à jouer dans l’intégration des risques climatiques et la promotion de pratiques durables. Dans ce contexte, la coopération régionale et internationale tient une place prépondérante pour assurer une croissance économique durable.

Autre constat : l’innovation financière, portée par la Fintech, transforme profondément le secteur bancaire, mais elle soulève aussi de nouveaux défis, notamment en matière de cybersécurité. Le 4 septembre 2024, le gouverneur de Banky Foiben’i Madagasikara a participé au lancement de « Innovation Hub : innov8 », une plateforme dédiée à la collaboration entre banques centrales et parties prenantes. Cet espace vise à renforcer le partenariat et à développer des projets communs à l’échelle internationale.

On sait en outre qu’un document a été échangé entre Bank Of Mauritius et huit pays africains, dont Madagascar, pour officialiser cette collaboration prometteuse. « L’Innovation Hub d’une banque centrale est cruciale pour moderniser le système financier. Elle explore des technologies émergentes, comme la blockchain et l’IA, et stimule la collaboration autour des fintechs », a-t-on soutenu lors de cette cérémonie de lancement.

VERBATIM

Aivo Andrianarivelo, gouverneur de Banky Foiben’i Madagasikara

« En matière d’innovation financière, la mise en place du Switch National de Paiement est une priorité absolue. Cette infrastructure financière, conçue pour faciliter les échanges électroniques, représente une avancée majeure pour le secteur financier malgache. En favorisant l’efficacité des transactions et en réduisant les délais de traitement des paiements, elle améliorera notamment l’environnement des affaires. »

Wale Shonibare,  directeur des solutions financières à la Banque Africaine de Développement

« L’Afrique doit avoir une idée visionnaire «moonshot» visant à transformer son paysage financier. Parmi les projets à concrétiser, il y a la création d’une Banque des règlements africains et l’introduction d’une nouvelle monnaie adossée aux réserves de matières premières. Il est essentiel de comprendre que la proposition vise à tirer parti de la richesse en matières premières de l’Afrique pour créer une nouvelle architecture financière. »

L’INNOVATION FINANCIÈRE EN CHIFFRES


L'Express de Madagascar

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