DÉVELOPPEMENT - L’écosystème des marchés publics à revoir

Les travaux publics figurent parmi les secteurs qui dépendent fortement des commandes publiques.

Considéré comme étant à l’origine d’un lourd manque à gagner pour les caisses de l’État du fait de sa mauvaise gouvernance, l’écosystème des marchés publics est appelé à s’améliorer et à se mettre au diapason des principaux enjeux liés au développement du pays.

D’après la loi du 25 janvier 2017, les marchés publics concernent « les contrats administratifs écrits, conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les autorités contractantes… pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures, de services ou de prestations intellectuelles. » En principe donc, les contrats sont écrits, mais la jurisprudence administrative reconnaît l’existence de contrats verbaux. Dans ce cadre, le cocontractant de l’Administration doit tirer un intérêt direct ou indirect dans l’opération. Il est rémunéré par application des prix unitaires ou forfaitaires versés par l’Administration à la suite des services rendus. Ceci n’exclut cependant pas le versement par les usagers d’un complément de rémunération.

Les marchés publics représentent un poids économique considérable. La part qu’ils représentent varie chaque année entre 10 et 15 % du PIB et concerne un grand nombre de secteurs clés, des BTP aux produits de consommation courante en passant par les divers équipements. Les chiffres de 2020 produits par l’ARMP (Autorité de Régulation des Marchés Publics) montrent que le montant des commandes publiques s’élevait à près de 1 800 milliards d’ariary. Et les différentes estimations, notamment celles effectuées par les partenaires techniques et financiers, évaluent les pertes de l’État à plusieurs centaines de milliards en raison des failles dans la gestion des commandes publiques.

Selon les responsables, au premier rang desquels le ministère chargé de l’Économie et des Finances (MEF) et les organes en charge de la lutte contre la corruption, des efforts importants sont menés pour améliorer la gouvernance des marchés publics. Ils consistent notamment à renforcer les contrôles et les capacités des ressources humaines, à mettre en place des outils modernes ou encore à intensifier les actions de sensibilisation.

Une initiative saluée par l’opinion publique qui, jusqu’ici, estime que les marchés publics riment toujours avec détournement, favoritisme, trafic d’influence, bakchich ou encore marchés fictifs. C’est dans ce contexte qu’est mise en place la méthodologie MAPS II qui comprend divers paramètres tels que la loi type de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international sur la passation des marchés publics (2011), les directives de l’Union européenne sur la passation des marchés publics (2014) et les cadres de passation des marchés utilisés par les banques multilatérales de développement.

Pour l’implémentation de cet outil, un atelier a été organisé au mois de juillet dernier à Antananarivo. Il s’agissait de lancer le processus d’évaluation du système de passation des marchés publics de Madagascar. Soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) en collaboration avec la Banque mondiale, l’objectif de l’évaluation était d’aboutir à des solutions efficientes pour garantir la réussite des réformes du système national des marchés publics.

Impulser une réforme durable

La ministre de l’Économie et des Finances, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, et le responsable du bureau pays de la BAD à Madagascar, Adam Amoumoun, ont présidé la rencontre à laquelle participaient le coordonnateur régional des acquisitions de la Banque, Amilcar Bilale, des partenaires techniques et financiers, ainsi que des représentants d’institutions gouvernementales, du secteur privé et de la société civile.

Selon les explications fournies lors de cet atelier, l’exercice d’évaluation fait suite à la demande du gouvernement malgache qui a sollicité l’appui de la Banque africaine de développement pour réformer le système de passation des marchés publics du pays. On sait en outre que depuis 2003, le système de passation des marchés de Madagascar a fait l’objet de plusieurs évaluations et des avancées ont été réalisées en vue de son alignement sur les standards internationaux. Cependant, il reste encore de nombreuses améliorations à apporter. Un constat partagé notamment par le secteur privé.

L’évaluation devrait fournir des orientations essentielles pour une réforme durable et inclusive des marchés publics. Elle contribuera à la formulation de recommandations pour rendre le cadre de passation des marchés plus propice aux besoins du pays. La dernière évaluation complète des marchés publics remonte à l’année 2016, avant la promulgation de la loi en vigueur sur les marchés publics. « J’ai grand espoir quant aux recommandations issues de l’évaluation du système de passation de marché de Madagascar et j’attends une implication et une participation totale de tous les acteurs pour assurer une appropriation des réformes qui en découleront », a déclaré le membre du gouvernement. On sait en outre que les actions menées visent à identifier et analyser les forces et les faiblesses du système national des marchés publics en vue d’en améliorer l’efficacité et l’efficience, et de renforcer l’intégrité et la transparence dans l’utilisation des fonds publics. Il s’agit aussi d’obtenir la certification MAPS, gage de conformité à une norme universelle, normalisée et internationalement reconnue.

Le chef du bureau pays de la BAD à Madagascar, Adam Amoumoun, a rappelé pour sa part que la Grande Île est appuyée dans « un processus devant aboutir à la mise en place d’un système de passation des marchés publics plus moderne, efficace, simplifié, durable et plus inclusif, à travers les réformes qui seront mises en œuvre ». Il a assuré la ministre de l’Économie et des Finances de l’engagement continu du Groupe de la Banque Africaine de Développement à poursuivre son accompagnement auprès du gouvernement pour le développement socioéconomique de Madagascar. À noter que les activités liées à l’évaluation du système de passation des marchés publics dans le pays s’étalent sur plusieurs mois, suivant un protocole universel qui implique la participation active de plusieurs parties prenantes, dont les autorités nationales, le secteur privé, la société civile, ainsi que les partenaires techniques et financiers.

Les autorités misent sur la dématérialisation pour améliorer la gestion des marchés publics.

Nouveaux partenariats

Les initiatives en faveur de l’amélioration de la gestion des marchés publics ont aussi été soulignées dernièrement lors de la semaine consacrée à la Commission Nationale des Marchés Publics (CNM) et à la célébration du lancement du premier code des marchés publics. 

Occasion pour les responsables de noter que la bonne gouvernance des finances publiques, et notamment des commandes publiques, à travers la redevabilité ainsi que la transparence, constitue l’une des valeurs principales qui guident l’Administration. « Ce qui rejoint et arbore l’un des trois piliers fondamentaux du président de la République de Madagascar, la bonne gouvernance, afin de guider les actions pour le développement du pays », a-t-on aussi indiqué. Ce rendez-vous a aussi été mis à profit pour présenter officiellement les résultats des opérations de contrôle effectuées.

Selon le MEF, l’amélioration de la gouvernance des marchés publics à Madagascar passe par l’uniformisation des pratiques de contrôle, la formation sur l’utilisation du PRS (Procurement Review System), la vulgarisation des outils de contrôle a posteriori, la sensibilisation sur la lutte contre la corruption et le renforcement des échanges relatifs aux ressources humaines. À l’issue de cette semaine, les participants auront renforcé leurs compétences, actualisé leurs pratiques de contrôle, appréhendé leurs responsabilités dans la lutte contre la corruption, et seront mieux équipés pour gérer les défis liés aux marchés publics et à la gestion administrative et financière. À l’occasion, des équipements ont été remis aux équipes de la CNM pour mieux accomplir leurs missions.

À signaler également que des signatures de partenariats stratégiques ont eu lieu entre la CNM, dirigée par Sitraka Tsitohaina Randrianarison, et le directeur général de Samifin, Mamitiana Rajaonarison, ainsi qu’entre la CNM et le Directeur des Systèmes Informatiques, Zo Ny Aina Lala Arson. Ces collaborations visent à échanger les bonnes pratiques et l’assistance technique mutuelle, à renforcer la coopération, la coordination et l’efficacité des activités en matière de marchés publics. Rappelons que la CNM a pour mission première de contrôler la conformité des procédures de passation et des actes liés à l’exécution des marchés publics. Récemment, pour répondre à l’augmentation du volume de dossiers, une entité dédiée au contrôle a posteriori a été instaurée.

Dématérialisation

La Grande Île à l’heure de la réforme de l’e-GP

Atelier sur la réforme de l’e-GP ou electronic Government Procurement,  le 1er mars 2024. 

Madagascar s’est lancé dans la dématérialisation des procédures de marchés publics. Une initiative marquée il y a quelques années par la remise officielle à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics de la plateforme en ligne « e-GP » (Electronic Government Procurement). Cette dernière a été développée avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement, à travers son projet de Gestion Budgétaire pour la Croissance Inclusive pour l’atteinte des objectifs de développement durable (GBCI), et mise en œuvre en partenariat avec le ministère de l’Économie et des Finances.

Le mois dernier, le MEF a indiqué que le projet de réforme d’e-GP se poursuit. Pour ce faire, une réunion du comité de pilotage s’est tenue, dont l’objet était de faire le point sur les avancées du projet ainsi que de définir les prochaines étapes. Plusieurs points ont été abordés lors de cette séance de travail. Le premier point a été la restitution de la mission de benchmarking effectuée au Rwanda. Le second a été la mise en exergue des points de situation du chantier de réforme e-GP et le troisième les préparatifs de la prise en main du consultant Business Process Reengineering (BPR) pour ressortir l’état des lieux de la gestion des marchés publics et proposer les solutions digitales adéquates.

Le comité du pilotage a rappelé que ce projet de réforme devrait s’inscrire dans la continuité, en s’alignant sur une vision claire et une synergie d’action tout en tenant compte de la capitalisation des acquis et du dynamisme. Ces points d’attention seront mis en pratique par l’ensemble des parties prenantes du projet. À l’issue de cette réunion, le comité technique tiendra une séance de travail pour établir les différents jalons de la feuille de route. Ce planning sera partagé avec toutes les parties prenantes. « En adoptant une approche agile, le projet e-GP vise à moderniser la gestion des marchés publics dans une démarche de continuelle amélioration », a-t-on aussi indiqué.

VERBATIM

Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, ministre de l’Économie et des Finances

« Madagascar se conforme à la norme internationale de commande publique. Dans ce cadre, la plateforme e-GP vient moderniser le système déjà existant qu’est le Système Informatisé de Gestion des Marchés Publics ou SIGMP, qui faisait déjà office de système de centralisation des données des marchés publics. Jusqu’à présent, 70 % du processus se faisait encore avec des demandes manuscrites, des validations manuelles, et les 30 % des dossiers restants étaient gérés par le logiciel SIGMP. Mais la donne est en train de changer. »

Rasahavelo,  directeur général du Contrôle financier

« Le Contrôle financier est une entité essentielle au fonctionnement des affaires administratives de l’État, notamment pour les transactions comme les marchés publics. Notre intervention est matérialisée par des visas. Nous nous chargeons aussi de constater les préjudices financiers auprès des administrations publiques, particulièrement à travers le contrôle a posteriori. Les fautes de gestion relatives aux marchés publics et aux marchés fictifs sont sévèrement punies. »

LES MARCHÉS PUBLICS EN CHIFFRES


L'Express de Madagascar

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne