Le Premier ministre Rainivoninahitriniony, commandant en chef de l'armée royale. |
En ce vendredi du mois d'Alahamady 1861, de nombreux feux follets scintillent au sud d'Ambohimanga, se multiplient rapidement pour recouvrir les collines, les sources pures et les rizières environnantes, puis toutes les hauteurs d'Antananarivo. « Tous ceux qui les aperçoivent, allument du feu croyant que la reine prend un petit bain », écrit le R.P Callet (« Tantara ny Andriana eto Madagascar », Tome II).
Puis, des notes de musique s'élèvent, s'amplifient, accompagnées de grondements de chants, inondant la ville, d'Isotry à Andohalo. « Mais tous ceux qui poussés par la curiosité en cherchent la source, ne trouvent rien. »
Le samedi, Ranavalona Ire se demandant ce que signifient tous ces feux follets, envoie des émissaires pour se renseigner auprès des « Olom-baventy » (les Grands du royaume). Ces derniers expliquent qu'un tel phénomène, de mémoire d'homme, n'a été vu qu'à Mangabe, à l'ouest d'Ambohi-manga, avant que le grand monarque, Andrianampoini-merina, ne tournât le dos.
Quelque temps après, la reine se sentant souffrante, réunit les Grands du royaume et les officiers du Palais. L'objectif en est de leur présenter son successeur, « le fils dont je n'ai pas accouché, mais qui est sorti de ma bouche, le remplaçant de Radama ». Un mois plus tard, Ranavalona, toujours souffrante, se déplace à Ankatso pour offrir un sacrifice « afin de chasser la maladie ».
Sur le chemin du retour, le peuple agglutiné voit avec beaucoup de tristesse à quel point le mal la mine, mal qui empire de jour en jour. Et déjà, on prodigue maints conseils au prince Rakoto-Radama pour le mettre en garde contre la malveillance d'autrui et contre « la voie de la noirceur qu'il ne faut pas suivre ».
Le jeudi 20 du mois d'Asorotany, tous les Grands du royaume, les femmes de la Cour, les chefs de clans sur tout le territoire se réunissent à nouveau au Palais. Quand ils en sortent, des guetteurs sont installés sur le mur d'enceinte du Rova, tandis qu'on intime au peuple d'arrêter de colporter des ragots sur le royaume.
Quelques jours plus tard, les officiers supérieurs -à partir des XII honneurs- sont invités chez le commandant en chef de l'armée, le Premier ministre Rainivoninahitriniony (Raharo). Ces mêmes partisans du prince héritier montent au Palais et prêtent serment entre eux avant de renforcer la défense du Rova et les rues qui y mènent. Cinq cents soldats sont placés à Andohalo, cinq cents à Antsahatsiroa, trois cents à Ambaton-drafandrana, trois cents à Ankaditapaka, tandis que mille sept cents restent en réserve en cas d'alerte.
Le peuple, vulnérable aux rumeurs, s'affole, empaquette ses biens les plus précieux pour s'enfuir car il croit à une invasion imminente. Entretemps, le prince Rakoto attristé ne quitte plus le chevet de sa mère, oubliant pour un temps ses compagnons de plaisir, les Menamaso.
Dans la nuit du 14 août 1861, la pluie tombe à verses, phénomène singulier en pleine saison froide. Au matin du 15 août, à 7 heures, la reine tourne le dos. Certains historiens placent la date de sa mort au 16 août. Le prince Rakoto s'installe alors à Manjakamiadana où il reçoit le commandant en chef Rainivoninahitriniony.
De son côté, Ramboa-salama- prévu succéder à sa tante avant que naisse Radama- croit jouer son rôle en feignant de présenter à son cousin, le futur roi, le serment d'allégeance. En fait, et c'est la raison de tout ce déploiement des troupes dans toute la ville, il est en train de préparer une révolution avec Rainijohary, co-Premier ministre, et Rabosela, chef des Voromahery. Mais il est dénoncé avant que le coup d'État n'éclate.
Trois jours plus tard, Radama II apparaît, couronne sur la tête, vêtu de « jaky » devant la Cour et les chefs de clans de l'Imerina et des territoires pacifiés. Tous l'acclament avec ferveur « tant il est aussi jeune que beau », tellement jeune qu'il se met à pleurer en les voyant. C'est alors que Rainivoninahitri-niony annonce officiellement que Radamalahimanjaka est le maître du royaume », annonce suivie du « God Save The King » joué par la musique royale. Son couronnement se déroule à Mahamasina et fait l'objet d'un faste inouï organisé par Jean Laborde qui installe près de la Vatomasina, la pierre sacrée, une estrade superbement ornée.
Tout comme son père Radama Ier -en réalité il n'en est, dit-on, que l'arrière-neveu-, il est acquis au modernisme. Mais il est faible, imprudent et certaines de ses décisions, prématurées, lui font aliéner le parti conservateur qui lui reproche, en outre, « la licence de sa vie privée ». Il signe son arrêt de mort en 1863.
Pela Ravalitera