Comme au Rova de Madagascar à Antananarivo, les « tranomanara » sur les tombes royales sont un emblème de haute naissance. |
Fortement ancrés sur leur territoire depuis la « nuit des temps », le plus souvent alliés des Sakalava, les anciens Tompontany ne sont pas déplacés à l’exception de quelques Zanamihoatra qui ont tenu tête à Andrianam-poinimerina, connus sous le nom de Zanakantitra (issus de la Vadibe ou Ire épouse) et exilés en Imamo. Dans le cas de l’Imerinatsimo, les groupes semblent avoir privilégié une forte endogamie de village et de statuts constituant ainsi un rempart contre le « nouveau » pouvoir royal (Ramisandrazana Rakotoariseheno, membre titulaire de l’Académie Malgache- Section II « Notions de Tanindrazana en Imerina à travers l’histoire », lire précédentes Notes)
Selon l’auteure de l’étude, les appellations identitaires de l’époque ancienne font référence à deux notions principales : les « Ante » et les « Zafy ». Le mot « Ante » traduit la notion de parenté et de continuité, tandis que « Zafy » évoque des gens venus de loin, mais qui gardent toujours leur histoire et les choses les plus sacrées léguées par leurs ancêtres (Ramisandrazana Rakotoariseheno, S. Ranaivoson « Atlas provisoire des anciens Tompontany », Bulletin de l’Académie Malgache tome XCVI/2016). Les premières identités soulignent, à la fois et en même temps, l’espace géographique sacralisé, les noms de groupes et les noms de lignage.
Dans l’Avaradrano, la branche Zafimamy, appelée aussi Antazafy par Mayeur et les autres traitants, avec comme grand ancêtre Andriantomara, est venue de Maroantsetra en même temps que la branche d’Andrian-tsaratahiry. Elle figure parmi les premiers occupants des lieux, maîtres des sources de la Mananara, et « sembleraient ne pas être des Hovas pour cette époque» d’après Savaron (C. Savaron «Note d’histoire malgache, contribution à l’histoire merina », 1931, Bulletin de l’Académie Malgache ns, t, XIV).
Mais à la fin du XIXe siècle, Maillard Piolet, commandant du Cercle annexe de Moramanga, recueille que la branche Zafimamy est bien une petite colonie de Hova restée en terre Bezanozano pour des raisons stratégiques liées au commerce de longue distance (« Le pays Bezanozano du cercle de Moramanga », 1898). Tout le massif du Fody est très peuplé « ainsi que l’attestent la tradition, les ruines des villages, (Ambolahota, Mangatsiaka, Ambohiborona etc.), des fortifications et des tombeaux », précise le capitaine Maillard.
En partant du sommet d’Ambatomanitrahasina, sa première capitale, la branche Zafimamy se répand dans le Nord, le long de la rivière Isahasarotra, jusqu’aux portes de l’Ankibonimerina. D’après l’académicienne, sa généalogie est retracée par Ramilison, en mettant en valeur les noms les plus célèbres : Andriantomara, Andriamangodohodoamintany, Andriandambodanitra, Andrianony, Andriantsitako qui règne à Vodivato, Andrian-keliladina, Andriamamilazabe contemporain d’Andriamanelo, Andriamamilaza II.
Le roi Ralambo les fait venir en Imerina après avoir traversé la lisière orientale de la forêt : « Ces gens-là sont mes parents et il les fit installer sur toute la lisière occidentale de la forêt, pays qu’ils occupent encore » (Pourat, Lefèvre, « Légendes du cercle d’Anjozorobe ou pays des Mandiavato », N.R.E, 1898).
On les retrouve de nouveau dans l’histoire merina vers la fin du XVIIIe siècle. Les Zafimamy, alliés des Betsimisaraka à cette époque, ne réapparaissent dans le royaume merina qu’après la réunification de l’ « Imerina enintoko». Andrianampoinimerina reconnait Andriamamilazabe comme étant son parent (lire précédente Note). Il lui accorde le « tranomanara », la maison en bois sur les tombes royales et princières comme emblème de haute naissance, à lui seul à Anjohy en récompense des services rendus.
D’après Ramisandrazana Rakotoariseheno, ils ont la charge honorifique d’apporter le miel, le « tsotsoraka » du rituel royal, ce qui est une charge princière, mais ils deviennent par la suite Velondraiamandreny « tsy very tantara », maîtres des us et coutumes et gardiens des lois des ancêtres royaux. Et ce, à l’instar d’autres groupes considérés comme des princes Tompontany tels les Antairoka et autres « nouveaux groupes » au XVIIIe siècle.
L’académicienne résume alors : « Le statut est une nouvelle réorganisation des sociétés par l’attribution des privilèges et/ou par la recomposition sociale. Ceux qui ont su imposer leur existence et leur histoire, reçoivent de nouvelles charges honorifiques qui constituent leur nouvelle identité. Dans tous les cas de figures, les identités sont source de légitimité. Ce statut de Velondraiamandreny fut régulièrement renouvelé au cours des différentes conquêtes et chaque toko en possédait de nouveaux. Ce qui est une stratégie idéologique et politique pour qu’ils soient proches du souverain, proximité qui sert à les contrôler tout en flattant leurs egos. »
Pela Ravalitera