SECTEUR MARITIME - Madagascar pose sa stratégie en matière d’économie bleue

Sensibilisation et formation aux métiers de l’économie bleue à Antsohihy le 8 août 2024.

Suite à la validation, l’année dernière, d’un document de diagnostic du secteur, Madagascar a bouclé sa stratégie de l’économie bleue. Cette dernière se dotera d’un plan de financement qui sera soumis aux partenaires.

Avant cette ultime phase, la contribution de l’économie bleue au développement du pays, les enjeux qui lui sont associés ainsi que les principales opportunités et les contraintes à lever ont été fixés. Un atelier de formation à l’outil de comptabilité des secteurs de l’économie bleue a également été organisé. Le document « Stratégie Nationale de l’Économie Bleue (SNEB) » constitue le socle de la politique du pays dans ce domaine et représente le deuxième volet d’une série de documents visant à établir les bases de l’économie bleue à Madagascar. 

On sait en outre que ce document stratégique sera accompagné d’un plan d’investissement national. La Cellule d’exécution du Projet d’Appui au Renforcement des Capacités d’Analyse des Facteurs de Vulnérabilité Structurelle et la Promotion de l’Économie Bleue (ARCEB), en collaboration avec le bureau de la Banque Africaine de Développement (BAD) à Madagascar et le ministère de la Pêche et de l’Économie Bleue, est chargé de mettre en musique la stratégie. 

Ainsi, le document stratégique souligne que Madagascar aura à élaborer des plans d’action qui intègrent efficacement les principes de l’économie bleue dans tous les secteurs, en mettant l’accent sur la conservation et l’utilisation durable des ressources marines et côtières. Il est également crucial d’assurer une coordination efficace entre les différentes parties prenantes, tant au niveau gouvernemental qu’au sein du secteur privé et des communautés locales. Cela implique de promouvoir une gouvernance transparente et participative, ainsi que des partenariats stratégiques pour maximiser l’impact de chaque initiative. 

D’un point de vue technique, la mise en œuvre de l’économie bleue exige des capacités techniques avancées pour la gestion et la surveillance des activités marines, la collecte de données précises sur l’état des écosystèmes, et le développement de technologies innovantes pour une exploitation durable des ressources. De plus, il est essentiel d’investir dans la recherche scientifique et le renforcement des compétences locales pour garantir une prise de décision éclairée et la mise en place de pratiques durables.

Gestion durable des ressources

La stratégie en question s’articule autour de 5 axes qui sont l’amélioration de la « Gouvernance Bleue », la promotion et valorisation des ressources naturelles en relation avec l’environnement, le développement des infrastructures et services pour la promotion de l’économie bleue, l’exploitation durable des ressources en eau, et le renforcement de la résilience aux impacts du changement climatique. Les axes retenus sont structurés selon une approche trans-sectorielle : ils ne sont donc pas déclinés sous la forme d’interventions spécifiques à un secteur particulier, qui font par ailleurs déjà l’objet de plusieurs initiatives et projet de développement.

De la sureté et la sécurité maritime à la réhabilitation des ports existants, en passant par la revalorisation de la pêche et de l’aquaculture, la promotion du tourisme en tant que vecteur transversal de développement de l’économie bleue et la conservation des écosystèmes marins, plusieurs domaines et secteurs économiques sont mis en avant dans le plan destiné à matérialiser la stratégie. 

Mais Madagascar a-t-il les moyens de ses ambitions pour mettre en œuvre sa stratégie de l’économie bleue ? Si les avis divergent sur cette question, le ministère de tutelle soutient que la volonté affichée des partenaires techniques et financiers, à commencer par la Banque Africaine de Développement et le Système des Nations Unies, d’accompagner le pays dans la promotion de l’économie bleue permet d’être optimiste quant à la mobilisation des ressources nécessaires qui se conformera au plan d’investissement national qui sera disponible prochainement. Selon certaines indiscrétions, plus de 200 millions de dollars américains seront nécessaires pour mettre en œuvre cette stratégie qui s’étale jusqu’en 2033.

À noter que la vision de Madagascar en matière d’économie bleue repose sur une approche intersectorielle et intégrée visant à promouvoir une gestion durable des ressources marines, côtières et des eaux continentales du pays. Selon Andriantsilavo Jean Michel Rabary, directeur de la promotion de l’économie bleue auprès du ministère malgache de la pêche et de l’économie bleue, il s’agit en premier lieu pour la Grande Ile de mettre l’accent sur la coordination entre les différents secteurs et parties prenantes impliqués dans l’économie bleue, afin de maximiser les avantages économiques tout en préservant l’intégrité écologique des écosystèmes marins. La prise en compte de la pollution notamment du plastique et du changement climatique ne se limite pas seulement à la vision de l’économie bleue, mais fait également partie des politiques et des actions globales du gouvernement en matière de développement durable.

Coordination multisectorielle

Le ministère chargé de l’Économie bleue reconnaît que la coordination multisectorielle est essentielle pour relever les défis complexes auxquels est confrontée ce secteur. C’est pourquoi il a mis en place un comité national ad hoc pour la coordination multisectorielle de l’économie bleue et de la gouvernance de l’océan. Ce comité réunit les représentants des différents ministères et organismes concernés, ainsi que des acteurs privés et de la société civile, pour favoriser la collaboration et la concertation dans la gestion des ressources marines.

Le directeur de la promotion de l’économie bleue souligne que l’un des principaux défis auxquels fait face Madagascar est la nécessité de promouvoir les chaînes de valeur des secteurs liés à l’économie bleue. Cela implique de développer des activités économiques durables dans des secteurs tels que le transport maritime et les ports, la pêche, l’aquaculture, les énergies renouvelables, le tourisme côtier et la valorisation des produits marins. Il est alors essentiel de soutenir les acteurs de ces chaînes de valeur en termes d’accès aux marchés, de formation, de financement et de renforcement des compétences techniques.

La promotion de l’emploi bleu est un autre objectif important dans la vision malgache à court terme. Ainsi, le développement de l’aquaculture peut offrir des opportunités d’emploi significatives. D’où l’organisation des séries de formations organisées par le ministère dans les différentes régions de Madagascar en matière de pisciculture. Par ailleurs, cela nécessite des investissements dans les infrastructures nécessaires. Notons que le gouvernement malgache mise sur la création des Zones d’Émergence Piscicole (ZEP) pour palier à ces besoins. 

En outre, l’éducation pour la maritimisation est considérée comme un élément clé pour assurer la durabilité de l’économie bleue. Dans ce cadre, la Grande Ile veut mieux sensibiliser les citoyens, en particulier les jeunes, aux enjeux et aux opportunités liés aux ressources marines. De plus, le renforcement des capacités techniques et professionnelles est également essentiel pour soutenir le secteur. Cela inclut la formation des acteurs impliqués dans la gestion des ressources marines, tels que les pêcheurs, les aquaculteurs, les gestionnaires des aires marines protégées, les professionnels du tourisme côtier et même les communautés locales. Ces formations seront adaptées aux besoins spécifiques des localités, de chaque secteur.

L’économie bleue représente plus de 10% du PIB de Madagascar.

Dynamiser la coopération

Les infrastructures bleues, telles que les ports, les installations de traitement des produits de la mer et les équipements de surveillance et de contrôle pour la sécurité (notamment le système d’alerte précoce), sont appelées à soutenir le développement de l’économie bleue. Des investissements dans ces infrastructures contribueront à renforcer les capacités logistiques, à améliorer l’efficacité des activités économiques et à faciliter les échanges commerciaux liés aux ressources marines.

Le gouvernement reconnaît aussi l’importance de la coopération régionale et internationale dans la promotion de l’économie bleue. Cela implique de renforcer les relations diplomatiques, de faciliter les échanges commerciaux notamment avec les îles voisines et le continent, et de promouvoir la coopération économique et les partenaires internationaux. La mise en place de partenariats stratégiques permettra d’échanger des connaissances, de partager des bonnes pratiques et de mobiliser des ressources pour soutenir l’économie bleue à Madagascar.

À noter en outre que Madagascar a pris part à la deuxième Assemblée Générale de l’ANAF (Aquaculture Network for Africa) au Kenya au début de cette année. 

« Cette réunion de haute envergure a vu la participation d’une centaine de personnes représentant les cinquante-cinq pays membres de l’Union africaine, des représentants de la SADC, des universités partenaires, des secteurs privés et du FAO. Durant leur intervention, les représentants de la Grande Ile ont présenté les efforts entrepris par le pays pour le développement du secteur. Ce qui a permis l’augmentation de la consommation de poissons par habitant et par an de 4,26 à 7kg. « Une occasion de mener des échanges et des partages pour enrichir les nouvelles techniques innovantes sur l’Aquaculture dont la plupart sont pratiquées en eau douce », a-t-on aussi rapporté.

Le pays mise sur la pisciculture durable pour booster son économie bleue.

Pisciculture

Les zones dédiées se multiplient

Pour la création des zones d’émergence piscicole, volet important dans le plan d’actions visant à matérialiser la stratégie du pays en matière d’économie bleue,  quatre sites ont été retenus à Analamanga avec 75% des travaux réalisés, à Boeny où 45% des travaux sont réalisés, à Fitovinany où 55% des travaux sont réalisés et 30% de travaux pour Anosy. Vingt mille pisciculteurs bénéficieront directement de ce projet.

Pour que les pisciculteurs puissent développer leur activité rapidement, ils doivent être bien outillés selon le ministère en charge de l’Économie bleue. C’est ainsi que des intrants, équipements et matériels de pêche en aquaculture ont été distribués. Ce ministère a déclaré que jusqu’à présent, 145 000 équipements ont été distribués ainsi que 157 739 alevins. On sait en outre que 18 238 acteurs ont reçu une formation en aquaculture.

Selon les responsables, l’initiative d’outiller les vingt mille pisciculteurs va permettre de faire évoluer significativement le paysage malgache de l’aquaculture, à l’instar du Projet d’Aquaculture Durable à Madagascar (PADM). Plus de 600 tonnes de poissons par an sont désormais accessibles à la population en insécurité alimentaire grâce aux actions du Projet. Dr Antje Göllner-Scholz, cheffe de coopération et cheffe de mission adjointe de l’ambassade d’Allemagne a annoncé un nouvel engagement du ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement allemand (BMZ) dans le secteur de l’aquaculture avec un nouveau programme mondial sur la pêche et l’aquaculture, programme qui aura un projet à Madagascar pour une durée de quatre ans. 

À noter que Madagascar définit l’économie bleue comme « l’exploitation de toutes les étendues d’eau maritimes et intérieures et de leurs ressources pour la croissance économique tout en préservant les écosystèmes ». Une définition qui met l’accent sur la conservation des habitats écologiques et des espèces associées, avec une attention particulière à l’exploitation et à l’utilisation durable des ressources au bénéfice de l’économie et des populations locales. Le pays produit aujourd’hui 15 à 20 millions d’alevins de tilapias par an. Ils permettent de produire 30 000 tonnes commercialisables par an, de ce poisson d’eau douce le plus consommé au monde. 

VERBATIM

Philippe Tous, halieute et chargé principal des ressources naturelles auprès de la Banque Africaine de Développement

« Quels secteurs pour l’avenir de l’économie bleue ? À mon avis, il faut se tourner vers les vrais secteurs innovants. Il faut penser aux énergies marines, donc les énergies durables éoliennes, les énergies tirées de l’océan, etc., penser à des formes durables d’aquaculture, penser au tourisme, et puis penser à tout ce qui est émergent, c’est-à-dire la biotechnologie, la génétique, la gestion des déchets, la restauration des écosystèmes… » 

Victor Randrianarimanana,  directeur auprès du ministère en charge de l’Économie bleue

« Madagascar a décidé la mise en place de la Planification Spatiale Maritime (PSM), un processus qui revêt une importance cruciale dans sa politique de développement de l’économie bleue. Les départements ministériels chargés de la Pêche et de l’Économie bleue, de l’Environnement et du Développement durable ainsi que de l’Aménagement du Territoire et des Services fonciers, travaillent depuis 5 ans pour collecter les données nécessaires pour mettre sur pied la PSM ».

L’ÉCONOMIE BLEUE EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

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