Une vue de la première Assemblée représentative réunie à Tsimbazaza à la suite de la loi-cadre. |
Cinquante ans après la conquête, Français et Malgaches vont siéger de concert pour discuter des affaires de la Grande ile. Le commissaire aux Colonies, René Pleven accomplit une mission à Madagascar. Par la suite, un arrêté du 27 décembre 1943 crée la commission mixte franco-malgache, dont les travaux se terminent deux ans plus tard. Ceux-ci décident que la Commission fera désormais place à une assemblée nouvelle, en majorité élue, comportant comme elle un nombre égal de membres malgaches et français qui délibèreront en commun « sur un pied de parfaite égalité » (Louis Rakoto-malala, ancien chef de la diplomatie malgache et ancien ambassadeur à Washington).
Ainsi à partir de 1945, les Malgaches ont à faire l’essai d’une représentation complète librement élue. À la base, une représentation locale est constituée par les notables et les conseillers municipaux. Plus haut, des délégués canto-naux examinent l’ensemble des questions économiques et financières qui intéressent le district. Et enfin au sommet, se trouve un Conseil représen-tatif où, aux côtés de leurs collègues français, leurs délégués élus ont à gérer les affaires de la Colonie, à donner leur avis sur certaines d’entre elles et même à prendre des décisions.
Parallèlement, il y a une représentation indigène au sein de la future Assemblée constituante. « La partie la plus attachante de cette organisation, celle qui réclame de l’Administration et de la population malgache le plus grand effort d’adaptation, est celle des collectivités indigènes. » Le collège électoral, composé des hommes et des femmes de chaque collectivité, désigne les notables chargés de son administration, qui devront se familiariser avec les responsabilités des affaires publiques. Désormais, leurs attributions ne sont plus nominales. « Ils auront à cœur de les remplir avec conscience et dévouement, et d’être réellement ce que le législateur a voulu qu’ils soient : les représentants naturels des populations autochtones, leur porte-parole auprès de l’Administration supérieure. »
C’est dire que, dans le cadre du village, l’habitant doit se sentir de plus en plus en sécurité et, ayant librement désigné ses notables, il doit être à l’abri de toute pré-occupation autre que « celle d’accomplir sa tâche sociale et ses devoirs envers la collectivité, devoirs à la fixation desquels il aura librement participé ».
Les chefs de région et de district doivent, de leur côté, comprendre toute l’importance de la réforme des collectivités. « Il est nécessaire qu’ils se pénètrent bien de cette idée que tout ce qui renforce l’autorité et les responsabilités des chefs de village et des notables contribue à une meilleure administration. Ils éviteront donc tout ce qui risquerait de diminuer le prestige de ces collaborateurs. De la conjugaison de ces efforts naîtront des contacts plus confiants entre administrateurs et administrés. »
Le Conseil représentatif est, comme dit précédemment, composé d’un nombre égal de membres français et malgaches. « Ce qui est une bonne chose, Madagascar, on l’oublie trop souvent, était, avant son annexion, un pays indépendant », avec un Premier ministre entouré de nombreux conseillers, et un monarque qui, dans les grandes occasions, délibère avec le peuple.
L’histoire conserve le souvenir de certaines des grandes assises de la monarchie merina. Vers 1702, Andriamasinavalona convie le peuple à un grand kabary sur la Place d’Andohalo pour lui annoncer le partage de son royaume entre ses quatre fils. Durant le règne d’Andrianampoinimerina, le peuple est régulièrement convoqué aux kabary royaux qui se tiennent à Andohalo, sorte d’états généraux où chacun peut proposer ce qu’il juge sage. Un conseil de soixante-dix «vadintany supérieurs » assiste le roi et délibère sur toutes les affaires importantes du gouvernement. C’est au cours d’un grand kabary qu’il soumet au peuple l’ordre de succession au trône. Plus tard, fort de l’approbation de son peuple, son fils Radama Ier entreprend une vaste réorganisation intérieure…
Lorsque la période de pacification est passée, le gouverneur général Gallieni se penche sur le problème de la représentation intérieure et provoque le décret du 9 mars 1902 relatif au Foko-nolona. Par la suite, les délé-gations financières, créées sous le gouverneur général Garbit, comportent une section financière qui délibèrent séparément de la section française. Les inconvénients de ce système sont manifestes et les divergences de points de vue sont souvent irrédu-ctibles. En revanche, au cours des séances de la Commission mixte, « les membres ont fait montre de compréhension et d’estime réciproques. Ils ont appris l’art subtil du compromis ».
Pela Ravalitera