L’Homme loup

"Homo homini lupus” écrivait le dramaturge romain Plaute. Une citation dont la postérité a été surtout assurée par Thomas Hobbes qui l’a reprise et qui lui a donné une résonance particulière quand le francophone lit ou entend la traduction française : “L’homme est un loup pour l’homme”. Une phrase des plus élémentaires mais qui garde une force percutante, qui est toujours un miroir qui réfléchit, avec une grande acuité, la dure vie tumultueuse et son mécanisme détraqué.

Thomas Hobbes mit en évidence l’utilité et la nécessité des lois pour régenter ce que Kant a désigné comme “l’insociable sociabilité des hommes”. Dans une société qui se prive des balises des lois, ou dont les bornes sont fragiles et instables, les pulsions primaires ne connaissent également aucune limite. Elle invite la jungle et toute sa violence à raser la ville et ses principes civiques. L’anarchie, l’absence de pouvoir coercitif, fait son appel irrésistible à la satisfaction du principe de plaisir et assomme le principe de réalité.

Et c’est ainsi qu’inéluctablement, le laxisme et la faiblesse des garants du respect de la loi, les détenteurs de ce que Max Weber appelle le “monopole de la violence légitime”, instaurent un climat en permanence délétère, où la violence est devenue la propriété de tous. Chacun en use à sa manière, les loups s’entredéchirent en se livrant à différents actes de brigandage, de cambriolage, de vol à la tire, sans parler des violences insalubres qui s’attaquent à l’hygiène et ceux qui massacrent l’environnement.

On a alors une libération des instincts nocifs et nuisibles, et on assiste à un désolant spectacle comme celui où a abouti le groupe d’enfants, échoués sur une île déserte, du roman Sa majesté des mouches (W. Golding, 1954), où la sauvagerie a atteint son paroxysme. Comme ces enfants, la masse, affranchie de la crainte des dépositaires de la loi qui ont semblé démissionner, libère aussi toute la barbarie de la nature humaine.

Telle est l’atmosphère oppressante et lancinante que nous respirons quotidiennement. Nous sommes en présence d’une résurgence des forces chaotiques qui met à mal le cosmos. Et dans la mythologie grecque, Zeus, le roi des dieux, consacre ses forces à combattre ceux qui s’opposent à l’ordre cosmique qu’il a instauré. La cacophonie actuelle demande aussi l’intervention d’un pouvoir suprême.

Thomas Hobbes a postulé que sans la puissance d’une autorité qui fait respecter l’ordre, l’individu, réduit à être “solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève”, est livré, avec ses semblables, dans une “guerre de tous contre tous”, nécessitant la protection d’un État fort et tout-puissant symbolisé par le Léviathan, un monstre biblique. Et aujourd’hui, dans ces circonstances où la société cède au côté obscur de la nature humaine, cette solution radicale est ce qui peut sauver.

Fenitra Ratefiarivony

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