L’essor du commerce en ligne se renforce chaque année. |
Le développement du commerce en ligne à Madagascar a connu une accélération certaine ces dernières années. Après le coup de boost inattendu donné par la crise pandémique, du fait notamment des périodes de confinement qui ont poussé les ménages urbains à multiplier les achats à distance, le secteur poursuit son essor.
Selon les analystes, les consommateurs vont être de plus en plus nombreux à être convaincus des avantages qu’ils peuvent tirer des possibilités modernes d’acheter et de vendre une multitude de produits tant sur le marché domestique qu'à l’extérieur. Après une assez longue période d’hésitation, Madagascar a donc fini par entrer pleinement dans l’ère du commerce en ligne. L’augmentation significative du taux de pénétration d’Internet, passant de moins de 2 % en 2012 à plus de 18% actuellement, a aussi beaucoup contribué à la dynamisation de ce secteur.
« Différents paramètres nouveaux ont permis de faire bouger les lignes après plusieurs années de tergiversations. Ainsi, depuis 2020, on a pu assister au développement spectaculaire d’un nombre conséquent de sites locaux de commerce électronique. Si ce secteur émergent doit encore faire face à des défis multiples, il est incontestable que son avenir est désormais tracé », s’enthousiasme Harilanto Rakotomalala, qui s’est lancé il y a deux ans dans la vente en ligne de produits vestimentaires.
Chaque semaine, une nouvelle plateforme de vente en ligne s’annonce. Ces nouveaux acteurs de la « nouvelle économie » offrent des produits et des services souvent bien adaptés aux attentes des consommateurs et des entreprises. Les achats et les ventes sur Internet sont bien entrés dans les usages de consommation quotidienne des populations urbaines et en particulier ceux de la capitale. Du côté du ministère en charge du Commerce (MIC), on confirme que l’accroissement de la population vivant dans les agglomérations urbaines est l’une des raisons du boom du commerce en ligne. L’émergence d’une classe moyenne qui accorde une importance particulière aux nouvelles technologies qui deviennent de plus en plus accessibles en est une autre.
« L’e-commerce à Madagascar représente un potentiel énorme. Toutefois, son développement demeure tributaire des infrastructures du pays. À commencer par les infrastructures logistiques : réseaux routiers, points relais, adressage des rues… voilà autant de points à améliorer pour optimiser les circuits de livraison », tempère cependant Rado Rasoamanana, un consultant qui s’est penché sur l’évolution du secteur. Pour le Groupement des Opérateurs en Technologies de l’Information et de la Communication (Goticom), il est temps pour les responsables publics et les différentes parties prenantes de s’attaquer aux « dernières faiblesses » qui ralentissent encore le développement du commerce en ligne dans le pays qui devrait représenter plus de 5% du PIB d’ici à 2030. Ainsi, il est recommandé d’étendre encore la couverture internet, de multiplier les solutions d’hébergement et d’améliorer la qualité des services en se référant à des pays de la région comme le Kenya.
Adopter les nouveaux moyens de paiement
Pour les acteurs les plus en vue du secteur, la promotion des moyens de paiement en ligne sécurisés constitue aussi une priorité. « Si l’on voit l’offre mise sur le marché dans les autres pays de la région, force est de constater que la Grande île a encore du chemin à faire », soutiennent-ils. Pour les commerçants en ligne, et particulièrement ceux qui ciblent le marché international, les retards accumulés constituent « un obstacle de taille que les autorités devraient solutionner dans les plus brefs délais ».
À remarquer qu’à Madagascar, les échanges commerciaux utilisant les TIC ont toujours massivement recours aux règlements en espèces. Ainsi, malgré les risques aggravés par le phénomène d’insécurité, aussi bien en milieu rural que dans les zones urbaines, le cash reste le moyen de paiement admis par la plupart des commerçants. Pourtant, les moyens de paiements électroniques tendent à se multiplier. Mais ces nouveaux outils ne sont pas tous interopérables et ne contribuent que lentement à démocratiser les facilités de paiement. Pour un dirigeant de l'une des plateformes de grande distribution en ligne, l’enjeu est désormais de s’adapter aux contraintes logistiques et financières liées à la croissance rapide du marché...
En outre, les opérateurs tournés vers le commerce international désirent la mise en place d’un guichet unique qui réduira de manière significative les délais et coûts associés à l’entrée et à la sortie des marchandises. Une plateforme qui dynamisera les échanges commerciaux et simplifiera les procédures en éliminant l’obligation pour les opérateurs de se rendre physiquement dans les différents services de l’État. Tous les paiements et démarches pourront ainsi s’effectuer à travers un portail unique et intégralement en ligne. Sur ce sujet, le ministère de l’Industrialisation et du Commerce (MIC) souligne que c’est l’une des principales raisons du lancement du Portail d’Informations Commerciales de Madagascar (PICM).
Du côté de l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM), on fait remarquer que d’importantes initiatives sont prises pour accompagner l’évolution du pays dans ce mouvement global. Et cette agence d’ajouter que les acteurs du secteur offrent déjà une palette de solutions innovantes. L’EDBM, qui se base sur des échanges réalisés avec des acteurs du secteur financier, note que les autorités sont de plus en plus actives pour pousser les opérateurs économiques à entrer dans le secteur formel, à se bancariser et à miser sur le numérique pour doper leurs revenus.
« Le circuit de paiement devrait passer par les structures formelles. Le rôle des banques et des acteurs de la fintech est central. Ils doivent pouvoir accompagner les entreprises dans leur développement et leur permettre d’offrir à leurs clients tous les nouveaux usages de paiement. Des investissements ont été réalisés pour les clients dans ces nouveaux usages et d’offrir une variété de solutions sécurisées et innovantes pour le marché », a fait savoir l’EDBM qui a aussi rappelé la mise en place de la première plateforme bancaire de e-paiement à Madagascar.
« L’utilisation des modes de paiement électronique est en forte croissance dans le monde. Madagascar s’arrime à cette dynamique planétaire. Tous les acteurs économiques, privés ou publics convergent vers le développement du commerce en ligne et des paiements automatisés, qu’ils soient domestiques ou internationaux. En effet, ces nouveaux modes de paiement sont les seuls à pouvoir associer sécurité, rapidité et traçabilité des opérations pour tous », soutient pour sa part Julien Arnaud qui se prépare à lancer une startup spécialisée dans l’accompagnement des petites entreprises opérant dans la vente en ligne de produits touristiques.
L’augmentation de la population urbaine booste le secteur de l’e-commerce. |
Rapidité et sécurité sont les principales attentes
Les établissements financiers et leurs partenaires insistent sur le fait que le principal avantage du paiement électronique est la sécurité qu’il confère. « Cet outil est efficace pour éviter le risque de fraudes, de non-paiement et de vol de cash notamment », assure-t-on avant d’ajouter que l’offre de paiement électronique répond aux normes de sécurité utilisées au plan international (PCCI, authentification des cartes 3D Secure, etc.). « Nos partenaires sur ces produits sont d’ailleurs des leaders mondiaux dans leur domaine et le fait de répondre à ces standards de sécurité est un critère de choix pour nous », soutiennent aussi les banques.
Selon un commerçant en ligne qui a franchi le pas, la rapidité et la traçabilité des opérations sont réelles. Et le fait de pouvoir initier et valider ces opérations depuis différents appareils (ordinateur, tablette et mobile) procure un avantage certain. De n’importe quel endroit (ou presque), à n’importe quel moment est un atout pour le consommateur (entreprise ou particulier). Cela ouvre de nouveaux horizons pour développer les ventes.
Pour les acheteurs, le paiement sécurisé limite l’utilisation du cash et fait gagner du temps. Du côté des offres, grâce à leur diversité, les clients ont un large choix. On s’attend ainsi à voir la multiplication de moyens de paiement par voie électronique. Le premier du genre est effectif depuis 2019. De nombreux clients entreprises ont accepté de tester le produit. L’essai ayant été concluant, nous avons généralisé la commercialisation et procédé au lancement officiel », rapporte son initiateur.
Pour les facilitateurs, le e-commerce est un générateur de flux et permet aux marchands de booster leur chiffre d’affaires, à travers l’ouverture au monde entier. Le paiement en ligne les aide à maîtriser les charges car les marchands n’ont pas besoin d’avoir des vendeurs en chair et en os. Même les commerçants qui exercent des activités de taille modeste peuvent l’utiliser. Les marchands bénéficient d’une bonne image quand ils sont référencés sur les plateformes de vente en ligne. Le système en ligne permet de recevoir des paiements électroniques et d’avoir une trésorerie fluide et sécurisée…
Les plateformes proposant des rayons virtuels et une solution de livraison de courses à domicile en quelques clics pour les ménages en zone urbaine et périurbaine à Antananarivo sont de plus en plus nombreuses. Si les uns misent sur une gamme complète de produits courants, les autres se démarquent en se spécialisant dans les produits frais et les Vita Malagasy éco-responsables. L’un des pionniers de ce business confie que la compétition se situe surtout aujourd’hui au niveau du nombre de références (certains revendiquent plus de cinq mille) et sur la diversité des moyens de paiement en ligne.
Promotion du e-commerce - Plusieurs projets publics en cours
Les jeunes sont nombreux à se lancer dans le commerce en ligne. |
Le ministère du Développement Numérique, de la Transformation Digitale, des Télécommunications et des Postes (MNDPT) soutient que les projets publics en cours ou en préparation vont renforcer l’essor du commerce en ligne dans la Grande île. Ce département note en premier l’existence de plusieurs programmes de formation pour l’alphabétisation numérique, soutenus notamment par le Goticom (association des opérateurs TIC) avec l’aide des partenaires techniques et financiers.
Le MNDPT explique en outre que le lancement de la banque postale permettra aux entrepreneurs d’accéder à des services financiers digitaux si l’ouverture prochaine de la technologie « USSD » via SMS va faciliter les paiements numériques. Ce ministère a également révélé qu’une étude est en cours pour la mise en place d’un "Startup Act" qui devrait accompagner le développement des projets innovants notamment dans le commerce électronique. Il a aussi noté la collaboration avec Smart Africa pour faciliter les échanges électroniques. Il faut savoir que Smart Africa est un engagement des chefs d’État africains pour accélérer le développement socio-économique durable sur le continent, accompagner l’Afrique vers l’économie du savoir à travers l’accès abordable à l’internet haut débit et l’utilisation des technologies de l’information et des communications.
Le lancement officiel du projet du programme Miary dans le secteur digital, l’année dernière, est aussi considéré par le MNDPT comme une étape cruciale dans l’accélération du développement de l’économie numérique en général et de l’e-commerce en particulier à Madagascar. Ce projet, a-t-on expliqué, est un programme d’incubation et d’attribution de subventions pour des start-up entrepreneurs du secteur du numérique, incubés par cohortes.
Les incubateurs Orange Digital Center (ODC), Zafy Tody et Next’A ont été sélectionnés pour assurer la sélection compétitive, puis l’accompagnement des porteurs de projets et le renforcement de leurs capacités à bâtir des entreprises dans le numérique. L’incubation dure entre 6 à 12 mois par cohorte et consiste à mettre à disposition des startups des infrastructures, des services de développement de l'entreprise, des formations et des accompagnements ainsi que leur réseau pour développer leurs projets. Les bénéficiaires du programme peuvent bénéficier d’une subvention d’une valeur de 5 000$ à 15 000$. Les sollicitations sont étudiées et validées par un Comité de validation composé par le MNDPT, le MIC, le Projet PIC et la Banque mondiale.
VERBATIM
Tahina Razafindramalo, ministre en charge du Développement numérique
« Différentes initiatives sont menées pour développer le secteur de l’e-commerce à Madagascar. Mais notre pays est aussi prêt à relever les défis du marché numérique unique africain. C’est un pas décisif vers l’intégration numérique de l’Afrique et ouvre la voie à un avenir où les échanges commerciaux et sociaux sur le continent seront plus fluides, plus efficaces et plus sûrs que jamais ».
Leïla Mokaddem, directrice générale de la BAD pour l’Afrique australe
« La BAD a lancé avec ses partenaires le Projet d’appui institutionnel aux politiques de paiements numériques et de commerce électronique pour le commerce transfrontalier. Cette initiative va stimuler le développement de politiques de paiement électronique harmonisées et favoriser à terme un écosystème de commerce numérique qui génère des opportunités d’emploi sur l’ensemble du continent ».
L’E-COMMERCE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar