L’hôpital de Soavinandriana en 1898. |
Entre 1860 et 1895, Antananarivo voit, par sa transformation, les résultats de trente années d'efforts. Son trait dominant est le grand nombre d'édifices religieux. « Quelle que soit la direction vers laquelle on se tourne, quand on est tout en haut de la colline sur laquelle la ville est construite, les églises se détachent et donnent l'impression d'un peuple profondément religieux en apparence » (Pool, architecte).
Cependant, le développement de la voirie et de l'urbanisme ne vont pas de pair avec le système d'architecture et de constructions. Les rues sont inexistantes et seuls les sentiers et fondrières permettent de communiquer d'un quartier à l'autre et de circuler d'une bâtisse à l'autre. « Malgré les ordres royaux, aucun entretien, aucun nettoyage n'est effectué par les habitants, dont l'éducation sociale reste à faire » (chroniqueur anonyme).
Ainsi, ordures, tas de fumiers et cloaques surgissent à chaque pas. Aucun service public ne fonctionne pour la propreté ou l'hygiène. La peste, le typhus, la variole et le paludisme font des ravages constants et considérables. Le Dr. Davidson, premier médecin européen arrivé en 1861, ouvre un dispensaire qui donne cinq à six mille consultations, bon an mal an.
Quelques médecins dépendant de la Mission de Londres, de celle d'Edimbourg, de la Mission norvégienne ou de la Mission catholique, venus en renfort, ne peuvent suffire à la tâche. « Le premier hôpital digne d'être mentionné, celui de Soavinandriana, inauguré en 1890, hospitalisa mille cent malades jusqu'à l'arrivée des soldats de la conquête française qui y trouvèrent les premiers soins. »
Une route pavée est établie entre le Rova et la place d'Andohalo, ainsi qu'un petit tronçon à la descente d'Ambatovinaky. Un kilomètre de chemins est aussi régularisé. Mais on s'en tient là.
Néanmoins, de très grands changements surviennent dans la condition des habitants.
« Les transformations marquantes relèvent, en général, de l'extrême facilité avec laquelle la population imérinienne adopte, dans l'ordre matériel, toute nouvelle manière d'être, de se loger ou de se nourrir. »
En matière vestimentaire, le désir d'être au niveau des modèles européens est d'ailleurs favorisé par les missionnaires. « Le zèle des catéchumènes est évalué, bien arbitrairement, à l'allure plus ou moins occidentale de leur habillement. » En 1857, la voyageuse Ida Pfeiffer signale que les dames de la Cour cherchent à suivre la mode parisienne. À partir de 1862, fin du règne de Ranavalona Ire, la ville est inondée de costumes défraîchis, de friperie d'Occident, de tenues militaires hors d'usage…
En décembre 1873, le costume anglais est imposé à la Cour. « Tandis qu'une grande partie de la population va à peu près nue ou grelotte sous des fibres grossières à moins que ce ne soit de légères cotonnades, une minorité se pavane sous des chapeaux à plume, des crinolines et des habits brodés. On met des souliers à l'entrée du temple, on les enlève pour en sortir...»
Avec l'évolution de l'habillement, d'autres usages pénètrent dans la capitale. L'importation de toiles, calicots et indiennes, qui se développe depuis 1863, permet à la population de se vêtir, tout au moins le dimanche, d'une manière décente. En 1890, tout le monde connaît l'usage du savon et s'en sert. Des ateliers de bijouterie et bimbeloterie s'ouvrent. À la mission catholique, des femmes s'initient aux finesses de la dentelle et de la broderie.
Alors qu'il n'y a aucune boutique européenne trente ans plus tôt, nombreuses sont celles qui bordent le chemin qui descend d'Ambatonakanga vers Antaninarenina. « Au contact des Étrangers, la population apprend aussi à manger du pain, des gâteaux, du lait, du beurre, du café, du thé, du sucre raffiné et nombreux autres produits ignorés auparavant.»
Pela Ravalitera