Lampistes

Les lampions se sont éteints. Peut-être à jamais. À l’allure où va l’invasion des lampions chinois, le fameux arendrina n’a peut-être plus que quelques années à vivre.

Le constat est amer mais implacable. Dans la soirée du 25 juin comme il est de tradition depuis la première République, interrompue par la transition révolutionnaire de 1975 à 1988, les feux d’artifice constituent le point culminant de la célébration de la Fête nationale, du moins pour la population. Une tradition héritée de longue date de la fameuse retraite au flambeau des années de la monarchie. 

De la torche on est passé aux lampions, plus pratiques et adaptés aux enfants. Et on en restait là. Non pas par réticence à l’évolution technologique mais l’arendrina constitue une identité nationale, une espèce endémique, un symbole fort de la nation, une illustration de l’indépendance culturelle. Mais l’invasion des lampions chinois risque à court ou moyen terme d’anéantir l’arendrina. 

Dans la soirée de mardi des centaines de milliers de personnes ont convergé vers Anosy. Une marée humaine composée surtout d’enfants. Et dans cette ruée, tout le monde est équipé d’un lampion chinois ainsi que d’un laser pour se donner un jeu de lumière éblouissant. Personne ou presque ne brandit un arendrina.

Pour une célébration du 64e anniversaire du retour de l’Indépendance, on a plutôt le sentiment d’une nouvelle colonisation culturelle. Comment pouvons-nous nous épanouir si on se laisse envahir par toutes sortes de gadget. Pire, parmi ces babioles, certaines sont munies d’une stroboscopie agrémentée de l’hymne national sans fausse note. La copie est donc bien meilleure que l’original.

C’est peut-être un sujet insignifiant pour ceux qui estiment qu’il s’agit rien de plus que des jouets le temps d’une fête mais quand on regarde  le chiffre d’affaires réalisé par les industries chinoises de fabrication de ces bibelots, on comprend mieux qu’on perd sur tous les tableaux, culturel et financier.

On a beau être indépendant, on reste des lampistes pour éclairer le passage du train à grande vitesse du développement.

C’est surtout dans ce genre de situation qu’il faut marquer l’expression de la souveraineté nationale. Elle ne doit pas rester à l’état de slogan ou de discours.

Sylvain ranjalahy

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