CONSTRUCTION - Le secteur immobilier reste dynamique

Madagascar enregistre un gap de huit cent mille logements urbains.

Le secteur de l’immobilier maintient son dynamisme en dépit des impacts de la crise pandémique et de l’inflation mondiale. Les constructions abondent à Antananarivo et dans les autres villes du pays. Toujours considéré comme une valeur refuge en temps d’incertitudes, le bâtiment continue d’attirer les capitaux.

Selon les prévisionnistes, les investisseurs et les professionnels du secteur de l’immobilier pourraient miser plus de 300 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Ce chiffre est justifié quand on sait que le pays enregistre un déficit de huit cent mille logements. La commercialisation ou la gestion des nouvelles constructions sont de plus en plus confiées à des agences immobilières expérimentées. Les grands noms internationaux du secteur, comme Century 21, envisagent également de s’implanter dans la Grande île.

On notera aussi que depuis quelques années, la « gestion locative » est devenue une option à la mode. Cette formule permet à une agence gestionnaire d’agir au nom du propriétaire pour rechercher un locataire, signer le bail, procéder à l’état des lieux, percevoir les loyers ou encore réaliser les travaux relevant de la responsabilité du propriétaire. Le syndic permet, une fois l’immeuble terminé, l’organisation des parties communes, leur entretien, leur sécurité ou leur amélioration. Il est également habilité à représenter la copropriété en justice.

Sur le plan financier, on remarque qu’à Madagascar, le prêt bancaire est souvent un complément au budget immobilier, car il est rare que la banque accorde le financement nécessaire pour l’ensemble du projet. Le montant prélevé par mois est limité en fonction du revenu de l’emprunteur. La vente-location est, pour sa part, considérée comme une réelle solution en tant que facilité de paiement. Les promoteurs proposent un loyer fixe sur 10 à 15 ans et à la fin du contrat, le locataire devient propriétaire du bien. Le montant est logiquement plus élevé par rapport aux loyers pratiqués sur le marché pour le même type de logement et de superficie équivalente. L’environnement du quartier et l’éloignement par rapport au centre-ville sont des critères qui entrent en jeu pour apprécier la valeur.

Selon le cabinet britannique Knight Frank, qui produit régulièrement l'étude intitulée « Africa Report - Real Estate Markets in a continent of Growth and Opportunity », le secteur de l’immobilier est en plein essor dans la capitale de Madagascar. Les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à investir dans le secteur, avec l’évolution du marché qui favorise un taux de rendement élevé pour les investissements. L'étude soutient qu'Antananarivo est en tête de liste dans le classement des villes d’Afrique les plus favorables aux investissements immobiliers.

Le foncier et l’immobilier selon l’UN-Habitat

Cette agence spécialisée des Nations unies estime qu'entre 50 et 70% des propriétés privées dans les zones urbaines de Madagascar sont enregistrées. Le registre central des actes de propriété utilise toujours le papier pour les enregistrements et il n’existe pas de base de données électronique. Le même système papier est utilisé pour les registres des titres et des droits fonciers. Des initiatives de numérisation du système d’enregistrement des actes sont cependant entreprises. Les données relatives à la propriété immobilière depuis 2020 indiquent qu’entre 60 et 70% des constructions sont louées. En raison de la nature informelle du système de détention des terres, les propriétaires peuvent fixer les prix sans tenir compte de la qualité ou des règlements, et les prix sont principalement basés sur l’emplacement des immeubles.

L’UN-Habitat fait remarquer que la forte demande de location a entraîné une pénurie de terrains dans des villes telles qu’Antananarivo, ce qui influence également le prix des bâtiments. La plupart des ventes de terrains (plus de 90%) se font entre membres de la famille ou amis, et une minorité entre agents officiels. 17% des ménages qui occupent des terres sont en situation d’insécurité foncière et risquent d’être expulsés si les propriétaires décèdent ou vendent leurs biens.

L’UN-Habitat rappelle aussi le rapport de la Banque mondiale qui note que Madagascar doit faire des efforts pour faciliter l’obtention de permis de construire et l’enregistrement du titre de propriété. L’indice global du pays pour l’obtention d’un permis de construire est de six, ce qui est inférieur au score moyen subsaharien de 8,5. L’urbanisation rapide a cependant poussé les autorités à mettre en place un environnement propice aux investissements privés dans l’immobilier. Cette stratégie est soutenue par des institutions internationales. Trois politiques clés ont été mises en œuvre dans ce sens. La première est la Politique de réforme de la gouvernance foncière urbaine de 2005, qui se concentre sur la décentralisation de la gestion foncière et sur les procédures de sécurisation du régime foncier. La deuxième politique est la Politique nationale de l'Habitat de 2006, une politique nationale visant à promouvoir l’habitat accessible et durable. La dernière politique mise en œuvre est la Réforme du Code de l’Habitat et de l’Urbanisme de 2015, qui a donné lieu à des lois d’aménagement et d’urbanisation.

Ces lois imposent une surface minimale de 150 m², augmentant ainsi la taille actuelle des parcelles dans les villes. La Banque mondiale a mené une étude en 2020 qui a abouti à trois principales recommandations. La première concerne la mise à jour des informations foncières par une évaluation systématique et l’élaboration de plans locaux d’occupation des sols urbains. La seconde recommandation vise la formalisation et la sécurisation de l’occupation à grande échelle en utilisant des outils innovants. Et enfin, la troisième propose la création d’une agence spécialisée chargée de coordonner et de mettre en œuvre les opérations foncières urbaines.

À noter, par ailleurs, que les bailleurs de fonds encouragent Madagascar à réglementer davantage le secteur de l’habitat par la création d’organismes de réglementation, de cadres juridiques et de technologies de recherche. « La clé pour atteindre les objectifs est la promotion continue de la coopération du secteur privé ainsi que la promotion des systèmes de location et l’offre d’incitations fiscales aux promoteurs immobiliers. Les synergies entre le secteur financier et le gouvernement, les promoteurs immobiliers et les investisseurs doivent être identifiées et renforcées pour créer des instruments financiers avec moins d’obstacles », souligne l’UN-Habitat.

Une nouvelle ville en création dans la Région Itasy.

Amélioration du cadre législatif

L’Economic development board of Madagascar (EDBM), l’agence nationale de promotion des investissements, soutient que le cadre législatif s'améliore au profit des acteurs de l’immobilier à Madagascar. Cette agence note que l'établissement des grands principes du droit des investissements offre la liberté d'investir pour toute personne physique ou morale, malgache ou étrangère, l'égalité de traitement entre les investisseurs locaux et étrangers, la protection des droits de propriété des investisseurs contre la nationalisation et, enfin, le transfert libre, sans autorisation préalable, des bénéfices après impôts, dividendes, revenus salariaux, rémunérations et épargnes des salariés expatriés.

En sa qualité de médiateur et de facilitateur, l’EDBM préconise la collaboration entre les opérateurs locaux et étrangers. Ce type de partenariats (privé-privé) permet de protéger les investissements. Fruit de leur collaboration, les groupes Andilana (Espagne) et Filatex (Madagascar), les groupes Rajabali (Madagascar) et Accor (France) ont, par exemple, construit à Antananarivo. L’intérêt de grands groupes de renommée internationale semble ne pas démentir l’attractivité de Madagascar dans le secteur touristique et immobilier. De nouveaux partenariats devraient être annoncés.

L’enquête menée par le service économique de l’ambassade de France montre pour sa part que le secteur de la construction et de l’immobilier représente une part significative de l’économie du pays (plus de 10% du PIB malgache : 473 MUSD) et plus encore du nombre d’emplois. Les principaux vecteurs de croissance du secteur sont la croissance démographique et urbaine avec les logements et bâtiments commerciaux (financement largement privés) et les grands projets d’infrastructures (financements publics notamment des bailleurs).

Les données du dernier recensement général de la population démontrent, de leur côté, que le secteur emploie 1,7% de la population active (15-59 ans), soit environ cent soixante-cinq mille six cents personnes. Il représenterait aussi près de 5% des emplois informels, surtout composés d’auto-entrepreneurs individuels. Ce service économique estime que l’immobilier reste dynamique à Madagascar, porté principalement par des opérateurs locaux et de plus en plus d’entreprises étrangères, qui répondent globalement à une demande locale.

Notons également qu’une étude sur le marché foncier à Antananarivo, menée avec l'appui de l’Institut des Métiers de la Ville, a indiqué que la valeur monétaire du bien foncier importe dorénavant autant que son substrat social et sa dimension culturelle. Ce qui a généré l'augmentation des "ventes définitives" matérialisée par le transfert foncier en contrepartie du prix d’achat. Peu à peu, la logique économique a pris le pas sur celle, ancienne, fondée prioritairement sur les rapports sociaux. Le foncier est ainsi devenu un objet qui s’échange sur le marché au plus offrant. On assiste ainsi à une « économisation du foncier » qui prend peu en compte, lors de la transaction, le substrat social et culturel initial.

Promotion des investissements
L’immobilier parmi les secteurs cibles

Plus de 300 millions USD d’investissements privés attendus dans l’immobilier.
La politique de développement de Madagascar a permis, selon les observateurs, des réformes légales et économiques qui ont rendu plus intéressant d’investir dans un certain nombre de secteurs dont l’immobilier.

Les lois de Finances, depuis quatre ans, prévoient un taux d’investissement s’élevant à plus de 20% contre 17,8% en 2020, constatent toujours ces observateurs. L’État mise notamment sur des investissements structurants. La loi sur les investissements donne le droit aux entreprises étrangères d’acquérir des terrains et des biens immobiliers sous certaines conditions. Pour un investisseur, l’acquisition d’un terrain peut s’effectuer par le biais d’un bail emphytéotique de 18 à 99 ans renouvelables, cessible et transformable pour les étrangers, et en pleine propriété pour les nationaux.
Pour la protection des investissements, Madagascar a signé des accords de Promotion et Protection des Investissements étrangers avec plusieurs pays (Canada, Maurice, France, Allemagne, Chine, etc ). Ces accords mettent en place un cadre légal pour les investissements étrangers, couvrant aussi bien les droits que les devoirs. La loi malgache reconnaît le droit à la propriété privée et l’expropriation ne peut se faire que dans le cadre de la loi avec compensation appropriée.
Les entreprises exportatrices peuvent demander le statut d’entreprise franche (Export Free Zone) pour obtenir les avantages décrits dans loi de 2007 et qui offrent des opportunités pour investir dans les infrastructures (bureaux, usines…). Dans les autres secteurs, des incitations fiscales sont décidées dans la loi d’Orientation Fiscale adoptée par le Parlement. À remarquer également que certains textes de base qui régissent la législation foncière, établis dans les années 1960, suite à l’indépendance, ont été récemment mis à jour ou complétés du fait de la réforme foncière (notamment suite à l’adoption de la loi du 17 octobre 2005).
Soulignons enfin que lorsqu’une société désire faire l’acquisition d’un bien immobilier à Madagascar, le propriétaire de l’entreprise est tenu de présenter un programme d’investissement auprès du gouvernement et de l’EDBM, les deux entités chargées de prendre la décision sur l’acceptation ou le rejet du projet. Pour ce faire, celles-ci devront se référer au décret de 2003 qui traite des cas d’immigration afin de bénéficier d’un droit d’accession. Plusieurs documents sont à fournir au préalable, notamment un formulaire de demande, un certificat de situation juridique ainsi que le certificat d’immatriculation du bien en question.

VERBATIM

Gérard Andriamanohisoa, secrétaire d’État chargé des Nouvelles Villes et de l'Habitat

“Nous constatons au fil des années que l’intérêt des Malgaches pour le logement croît constamment. L’immobilier et l’habitat sont ainsi des garanties sûres pouvant grandement contribuer à l’économie du pays. Et la collaboration entre l’État et le secteur privé dans ce domaine doit être renforcée car c’est le meilleur moyen d’avancer plus vite”.

Ahmed Musa Dangiwa, président du Conseil exécutif d’ONU-Habitat

"Nous plaidons en faveur d’un partenariat stratégique entre Shelter Afrique Development Bank (ShafDB) et ONU-Habitat. Une telle initiative de collaboration est essentielle pour relever les défis pressants de l’Afrique en matière de logement. Le continent a besoin d'une gestion efficace et à long terme pour venir à bout de la crise du logement et promouvoir l'immobilier durable".

L’IMMOBILIER EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

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