48 heures après le scrutin, les résultats arrivent au compte-gouttes à la Ceni. |
Les tendances officielles des législatives sont publiées au compte-gouttes par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). En parallèle, cependant, une guerre de communication s’intensifie pour revendiquer la victoire ou contester les résultats.
Un formatage d’opinion. C’est à quoi s’adonnent des candidats et des factions politiques de différents bords. Au lendemain des élections législatives, une guerre de communication s’engage. Certains revendiquent une victoire, avant l’heure. D’autres tentent de légitimer une contestation des résultats officiels à venir.
La nature a horreur du vide, selon l’adage. Dans la course aux sièges à l'Assemblée nationale, le vide qui s’installe dans l’attente des résultats tend à engendrer une pétaudière. Jusqu’ici, les tendances officielles sont distillées au compte-gouttes par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), sur sa page Facebook. Les chiffres publiés, par circonscription, sont issus d’une poignée de bureaux de vote. Des données qui ne permettent pas d’avoir une visibilité fiable sur l’issue des scrutins législatifs de mercredi.
En face, les acteurs politiques envahissent le terrain de la communication. Dès la fin des dépouillements, des candidats affirmant avoir l’ensemble des résultats des bureaux de vote dans leur circonscription martèlent qu’ils sont élus. D’autres qui ont été distancés dans les décomptes de voix vocifèrent l’existence de fraudes massives. Les accusations de tentatives de fraude ou d’achat de voix, ou bien d’intimidation fusent de partout. Certains affirment être victimes d’intimidation et de violences.
À l’instar des faits qui ont été recensés durant le jour du vote, des candidats menacent de se faire justice eux-mêmes et de mener la foule dans les rues si les résultats, même provisoires, n'étaient pas les mêmes que ceux dont ils revendiquent la détention. La bataille sur le terrain de la communication est particulièrement âpre dans les circonscriptions où les scores sont serrés. Les candidats et leurs partisans multiplient ainsi les publications sur les réseaux sociaux des photos des tableaux des décomptes de voix qui leur sont favorables.
À l’exemple des six arrondissements d’Antananarivo, des districts d’Antsirabe, de Faratsiho et de Toliara I, ou encore, ceux d’Ambatofinandrahana, d’Ambositra, d’Ikongo et de Mahajanga, où la victoire des uns et la défaite des autres auront aussi une portée symbolique. À l’instar de la tendance des résultats publiés par la Ceni, jusqu’ici, exposer sur les réseaux sociaux l’issue des décomptes des résultats dans une dizaine de bureaux de vote, voire moins, ne permet pas encore de dire si untel a gagné ou untel a perdu.
Mode de calcul
Pour bétonner leurs affirmations, les candidats qui vocifèrent attestent avoir des preuves. Il y a ceux qui exposent sur les réseaux sociaux, toujours, les piles de copies de procès-verbaux (PV) en leur possession. Des prétendants à siéger à la Chambre basse affirment d'emblée leur intention d’engager des recours auprès de la Ceni et de la Haute cour constitutionnelle (HCC). Les PV sont effectivement les premières pièces à verser à un dossier en contentieux électoral pour un candidat.
“Les observations et les réclamations ou contestations du délégué sur le déroulement des opérations dans le bureau de vote pour lequel il est désigné doivent être annexées au procès-verbal des opérations électorales, et dûment signées par lui-même. Son nom et sa qualité de délégué doivent être consignés dans le procès-verbal”, prévoit la loi organique sur le régime général des élections et des référendums.
Dans les faits, pourtant, certains candidats n’ont pas eu suffisamment de délégués pour couvrir l’ensemble des bureaux de vote de leur circonscription. Un autre angle de tir dans la guerre de communication qui s’engage actuellement est le mode de calcul sur l’attribution des deux sièges de député pour les circonscriptions concernées. Certes, il s’agit d’un mode de calcul “à la plus forte moyenne”. Mais contrairement à ce que soutiennent certains acteurs politiques, le calcul n’est pas fait à partir du pourcentage de voix obtenu par les candidats.
Selon Soava Andriamarotafika, rapporteur général de la Ceni, “les calculs sont faits sur la base des suffrages exprimés et le nombre de voix obtenues par chaque candidat”. Le cafouillage gagne même les médias qui reprennent et font écho aux accusations sans filtre, sans tenir compte de la présomption d’innocence. Pareillement, pour la publication des tendances non officielles et revendications de victoire.
Les médias sont pourtant tenus de ne s’en tenir qu’aux tendances et aux résultats provisoires publiés par la Ceni et aux résultats officiels proclamés par la HCC. De même pour les contentieux électoraux et les infractions électorales ayant une portée pénale. Ceci, dans un souci de préserver l’ordre public et d’éviter justement les manipulations d’opinion.
Garry Fabrice Ranaivoson