Ce fut un 6 mai comme aujourd’hui. Une date que l’année 1856 aura vécu comme le début de l’aiguisage du couteau qui va infliger, après la découverte de l’héliocentrisme et l’énoncé de la théorie de l’évolution, une autre blessure narcissique à l’homme. Ce jour-là, vint au monde celui qui allait bouleverser ce qu’on croyait connaître de la conscience depuis Descartes : Sigmund Freud. Un nom que l’histoire du monde n’oubliera pas car les différents pas de la marche permanente de cette dernière n’échapperont pas aux regards affûtés de la psychanalyse que Freud aura léguée à la postérité.
Cette perspective terrible sera alors toujours présente pour rappeler à l’homme qu’il n’est pas “maître dans sa maison”, autrement dit, il ne règne pas sur ses actes et ses pensées qui ne sont que des expressions de l’inconscient, l’immense partie immergée de l’iceberg où bouillonnent les désirs interdits et les souvenirs traumatiques oubliés ou refoulés, formée par l’appareil psychique, dont le feu brûlant attise nos agissements.
Ainsi éclairé et libéré des illusions de la toute-puissance de la volonté humaine, l’orgueil ne peut que s’incliner devant la domination de l’inconscient quand sa puissance s’affirme dans les lapsus, ces moments où la conscience croit avoir sorti accidentellement des mots autres que ce qu’on avait l’intention de dire mais qui sont l’expression des aspirations inconscientes inavouables, ou dans les actes manqués, quand nos gestes sont contraires à nos intentions conscientes pour masquer l’accomplissement de motifs inconscients… Freud a ainsi porté un coup étourdissant à la mégalomanie humaine, dont la prétention a été assommée, la faisant vaciller sur son trône.
William Ernest Henley a beau écrire, dans son poème “Invictus”: “Je suis le maître de mon destin, le capitaine de mon âme”, sa vie ne peut, selon une vision imprégnée des apports de Freud, s’extirper de la mainmise de l’inconscient, qui préside à nos choix. Ainsi se trouvent contestées notre autonomie et notre liberté quand se mettent en évidence les déterminismes inconscients comme lorsqu’on se fixe sur un partenaire, “décision” dont les ressorts peuvent remonter jusqu’à l’enfance, au moment où on désirait le parent de sexe opposé dans un phénomène que Freud a baptisé “Complexe d’Œdipe”.
Et le son de cloche qu’a fait sonner la psychanalyse a, jusqu’à nos jours, un terrain favorable à la propagation de sa mélodie, la théorie du moi idéal, qui s’oppose au moi réel, peut facilement trouver un écho dans le territoire des réseaux sociaux où on fictionalise notre existence. L’héritage de Freud peut encore se perpétuer malgré les voix qui se sont élevées contre lui comme celle de Michel Onfray qui a écrit sur “Le crépuscule d’une idole”.
Fenitra Ratefiarivony