Les Mikea, dans le Sud-Ouest de l’île, seraient les derniers chasseurs-cueilleurs de Madagascar. C’est quoi être chasseurs-cueilleurs ? Trois chercheurs américains, que j’ai découverts, dans un article de Sylvain Urfer (Madagascar, une société en mutation : pour quel développement ?, 2011) en esquissent une explication : «L’histoire de l’humanité dans son entier n’a connu que trois ordres sociaux. Le premier est l’ordre de prédation, caractéristique des petits groupes de chasseurs-cueilleurs» (Douglass C. North, John Joseph Wallis et Barry R. Weingast, «Violence et ordres sociaux. Un cadre conceptuel pour interpréter l’histoire de l’humanité», Gallimard, 2010, p. 18-19).
Constitue prédation le pillage des ornements métalliques des tombes du cimetière d’Ambohipo. Est prédation le vol, suivi de dépeçage, des bacs à ordures de la Ville d’Antananarivo. Fruit de la prédation que la disparition quotidienne du garde-corps métallique du pont d’Ankadihevo sur le bypass. Logique de prédation que l’assaut, par des «petites mains», des vatolampy granitiques des collines autour d’Ambohimalaza, Imerinkasinina, Ambatomanoina : petite armée de petites gens qui suivent en cela le double précédent des trous béants d’Ambohimahitsy et d’Ambatomaro, lesquels se font face par-delà la route vers Ambohimangakely. Caractéristique de la prédation de chasseurs-cueilleurs le prélèvement quotidien de bois de chauffe dans la forêt, et tant pis si elle est réserve naturelle (prétendument) protégée.
Un millier de lémuriens de Madagascar et une cinquantaine de tortues, tout aussi endémiques, arrivent clandestinement en Thaïlande. Un modeste passager arraisonné à une station de taxi-brousse avec 232 tortues radiata et 129 autres du genre Pyxis arachnoides : trafic à grande échelle ou survie d’un cueilleur-chasseur dans un pays ruiné ?
Grillages de protection, panneaux de signalisation, lampadaires d’éclairage public, gravillons en soubassement d’une route à grande circulation, fils électriques de la JIRAMA : qu’est-ce qui n’a pas déjà fait l’objet d’une prédation de cueilleurs-chasseurs au coeur même de la Capitale, sans aucun doute l’endroit le plus diamétralement éloigné du mode de vie des Mikea.
À propos cette fois des Zafimaniry, du Centre-Est de Madagascar, Daniel Coulaud avait pu parler d’un «groupe ethnique à la poursuite de la forêt» (1973). C’était déjà il y a cinquante ans. Depuis, combien de corridors forestiers, comme celui de Ankeniheny-Zahamena qui se meurt sous nos yeux, n’ont-ils pas disparu.
Une définition ancienne, mais qui m’a durablement marqué, est celle de la barbarie : que des gens, pour attraper ses fruits, abattent l’arbre. Et le lendemain, passer à un autre arbre, jusqu’au dernier qui ne cachera plus rien de la forêt disparue. Survivre au jour le jour, continuer à faire des enfants, auxquels on ne laissera plus rien.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja