Tan-Tsoroka et dynamique de groupe

Cette Chronique date du 28 février 2019. Elle a été actualisée par le formidable accueil qu’ont réservé à «Côcô» les Anciens de Saint-Michel passés par sa houlette entre 1974 et les années 2000. C’était ce dimanche 21 avril 2024. Cinquante ans donc que le Révérend Père Razafindrabe Hanta Corneille (irrévérencieusement surnommé «Côcô», ce dont il ne prendra finalement pas ombrage) n’a pas fini de nous asséner ses apparentes lapalissades sur fond de citations éparses et apparemment disparates, dont on comprendra la cohérence bien des années plus tard. C’est-à-dire, finalement, aujourd’hui. Mais, en fait, depuis toujours, puisqu’on aura grandi et éduqué à notre tour avec leur souvenir en bagage. Le Père Corneille était notre Père Préfet de Vohitraivo en 1986. Avec sa mémoire d’éléphant, il se souvient, sans doute autant que moi-même, de l’âpreté de la discussion que nous eûmes ensemble, un certain mois de mai de cette année. J’en ai religieusement conservé le billet de sortie. Que cet hommage à ce prêtre jésuite, dont la seule annonce de la présence aura mobilisé trop d’affluence pour la Grande Chapelle du Collège Saint-Michel, soit une révérence envers tous les éducateurs : Maître, Sensei, Raby, «Mpampianatra»...

(Citation)

À l’entrée 1974, voilà ce qu’écrivait François de Torquat s.j. dans son livre sur le Collège Saint-Michel : «Le 20 novembre, le Père Corneille Razafindrabe s’installe au second cycle. Il est chargé de l’animation spirituelle. Si le collège est malgachisé, côté élèves et professeurs, il ne l’est pas encore du côté des éducateurs Jésuites. Il faut savoir aussi qu’on ne «fabrique» pas un Jésuite en quelques mois... Le jeune Père se met courageusement au travail. Il reste néanmoins assez isolé dans un ensemble encore trop «étranger».

Ce commentaire semble rejoindre ce qu’en disait, assez irrévérencieusement d’ailleurs, un Ancien d’avant ma génération qui qualifiait de «Mompera mpandehandeha» (le Père nomade) celui qui allait devenir notre Préfet de cycle à plusieurs générations ultérieures.

Et, à ce poste, personne de ces promotions successives ne peut avoir oublié la séance hebdomadaire de «Tan-Tsoroka», avant les «Études» du soir. Curieusement, ce mot de «Tan-Tsoroka» ne m’avait pas plus intrigué que cela, à l’époque. Nous étions dans la phase «héroïque» de la malgachisation et j’ai dû mettre ce vocable sur le compte d’une quelconque toquade patriotique : le «Petit Collège» avait déjà été transformé en «Andoharano» (la Source), le «secondaire premier cycle» en «Anketsa» (Là où l’on transplante les semis de riz), le carnet de correspondance était devenu «Andavanandroko» (Mon Quotidien)... Et je n’avais déjà rien compris aux néologismes malgachisants en algèbre et en géométrie... 

Outre de mémorables interdictions (ne pas courir dans le corridor), et avec la «dynamique de groupe» par laquelle débutaient, une semaine avant la rentrée officielle, les retrouvailles et les...surprises, le «Tan-Tsoroka» restera un totem de l’ère Corneille, celui que les élèves avaient surnommé «Côcô». 

Et voilà, qu’au détour d’un tout autre travail, je tombe sur ce mot de «Tan-Tsoroka» dans le dictionnaire des jésuites Abinal-Malzac de 1888, à la page 665 : «Les dernières volontés». Et c’est sans doute là que l’éducation reçue à cette époque aura été la plus efficace puisque, trente-huit ans plus tard, me reviennent des mots et m’est resté un comportement. 

«Dernières volontés» donc. Cette Chronique témoigne «pour les autres et pour leur temps» ? Le Père Corneille a donc choisi «Tan-Tsoroka», délibérément, parce qu’il voulait transmettre un «hafatra» à l’insu de sa hiérarchie vazaha. Je me demande si, à leur époque, les octogénaires d’aujourd’hui employaient couramment l’expression «Tan-Tsoroka» dont pourtant la définition la limiterait au seul contexte post-mortem.  

Razafindrabe Hanta Corneille était arrivé au Collège, en septembre 1969 alors qu’il était encore jeune scolastique. Ordonné prêtre en 1974, il sera nommé Préfet de «Vohitraivo» à la rentrée 1980-1981 (il prononcera ses derniers voeux le 22 avril 1983 : il y aura 41 ans). Depuis cette époque, et pendant son long «ministère» (de 1980 à 2005, qui n’a jamais aussi bien porté son sens latin de «service»), combien de jeunes adultes n’auront pas été influencés par les «Tan-Tsoroka» ? Et, pour beaucoup, c’est ce qui leur aura sans doute permis de se reconnaître comme tels, Anciens de Saint-Michel, bien des années plus tard et partout en d’autres lieux. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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