Ouverture de l’édition 2024 du Salon International des Transports, de la Logistique et de la Manutention. |
L’engouement suscité par le salon international dédié aux transports et à la logistique (SITLM), qui se tient cette semaine à Antananarivo, démontre que le secteur de la logistique, malgré les défis auxquels il fait face, connaît un dynamisme certain.
À l'origine, la logistique faisait partie du vocabulaire militaire, désignant l’acheminement de ressources pour approvisionner les troupes, et ce, afin de conserver une capacité opérationnelle optimale. Appliquée à l’économie et aux entreprises, la logistique conserve et concerne ces notions essentielles : la gestion des différents flux de marchandises, le stockage de ces marchandises et l’organisation de leur transport à destination des clients.
Intimement liée au secteur des transports, la logistique regroupe donc tous les processus et moyens de coordination et de mouvement des marchandises : approvisionnement en ressources et marchandises, entreposage, gestion des stocks et distribution. À ce titre, la fonction logistique est transversale à tous les services d’une organisation, puisqu’elle concerne et lie ces différents aspects de l’activité.
Mais on note parfois une confusion entre fonction logistique et chaîne logistique, ou supply chain. Selon les spécialistes, la supply chain désigne l’ensemble de la chaîne, allant de la fabrication d’un produit jusqu’à la livraison à son acheteur final. La différence entre la logistique et la chaîne logistique est alors son étendue. La logistique concerne les processus internes à une entreprise, alors que la supply chain est élargie à ses fournisseurs et partenaires, pour s’étendre aux clients et même aux clients de ses clients…
À Madagascar, comme dans d’autres pays d’Afrique, le secteur de la logistique connaît un développement continu. Cette tendance résulte de l’ouverture commerciale du pays au monde, de l’expansion de nouvelles filières comme l’e-commerce ou encore de la volonté des acteurs industriels de mieux structurer leurs activités. Et la diversité et l’activisme des participants au SITLM démontrent que la dynamique n’est pas près de fléchir.
Mais c’est aussi un secteur qui fait face à de grands défis. “Les problématiques logistiques à Madagascar sont en grande partie la résultante de son insularité et de ses équipements. Le commerce extérieur du pays repose sur le port de Toamasina, qui doit s’étendre et se moderniser. Les liaisons domestiques sont essentiellement via un réseau routier limité”, constate Michel Chan, un exportateur de produits locaux qui se base sur les résultats de l’état des lieux établi par le Service économique de l’ambassade de France.
Ce dernier fait également remarquer que Toamasina représente 76 % du volume (6,8 Mt par an) du commerce extérieur de la Grande île. Les infrastructures du port n’étant pas suffisantes pour le relier directement aux grandes lignes internationales, le fret exporté est
souvent véhiculé par des navires de taille réduite jusqu’à Port-Louis ou Saint-Denis de La Réunion. Il est ensuite transbordé sur les navires des lignes maritimes internationales. Ce qui allonge les temps de transport et augmente les coûts. Trois armateurs principaux se partagent 92 % du marché : Maersk est leader avec une part supérieure à 40 %, devant MSC (36 %) et CMA-CGM (16 %). Trois compagnies ont ensuite une part moindre : PIL (5,5 %), Happag Lloyd (0,45 %) et UAFL (moins de 0,40 %).
Des infrastructures à améliorer
Si le volume des échanges internationaux a augmenté ces dernières années à Madagascar (près de 10 Mt de marchandises actuellement contre 7,3 Mt en 2015), son essor se trouve encore confronté aux limites des infrastructures portuaires. D’où l’importance du projet d’extension du port de Toamasina qui est en surrégime (260 000 EVP traitées en 2019 pour une capacité estimée à 239 000 EVP par an). On sait, par ailleurs, que sur les dix-sept ports commerciaux de Madagascar, deux seulement peuvent accueillir les grands navires : Toamasina et Tolagnaro. Quatre autres ont la capacité d’accueillir des cargos de fret : Antsiranana, Toliara et Vohémar.
Le réseau terrestre de Madagascar est, pour sa part, structuré par des corridors économiques orientés d’Antananarivo vers les principales villes. Le maillage est jugé incomplet alors qu’il transporte plus de 90% du fret qui arrive ou part du port de Toamasina (6,6 Mt/an). Dans le même temps, les conditions de transport sur les routes nationales tendent à se dégrader. Ainsi, le mauvais état des infrastructures routières empêche les camions de plus de 15 t de circuler sur la majorité des routes nationales. Selon l’indice de compétitivité globale du Forum économique mondial, l’indice de performance logistique globale à Madagascar est de 2,39 sur 6 contre 2,72 en 2012.
Quant au cabotage, il ne représente que 12% des flux totaux (1,6 Mt/an). De son côté, le fret ferroviaire ne peut pour l’instant s’appuyer que sur un réseau restreint.
96 000 t de fret transitent en moyenne par chemin de fer chaque année (environ 1% du fret maritime). Le ferroviaire est pourtant moins cher que le transport routier sur l’île (coût de la t/km 40% inférieur au transport sur route). À noter également que la logistique aérienne demeure faible (16,250 Mt.km) et réservée en grande partie aux échanges intra-nationaux. Les exportateurs y ont peu recours. Alternative plus rapide, mais plus coûteuse et restreinte, seules les ressources telles que la vanille peuvent justifier l’usage du fret aérien.
Surtout que les infrastructures aéroportuaires du pays restent limitées et ont besoin d’être améliorées. Dernièrement, l’équipe dirigeante des Aéroports de Madagascar (Adema) a rencontré une délégation de la Banque mondiale pour échanger sur le programme de mise aux normes et de développement des principaux aéroports du pays, hormis ceux d’Ivato et de Nosy Be. Enfin, la logistique fluviale est une piste envisagée. L’Agence portuaire maritime et fluviale (APMF) oriente progressivement les fleuves vers le transport de fret. Grâce à des opérations de réhabilitation, le canal des Pangalanes devrait prochainement offrir plus de perspectives.
Par ailleurs, au niveau des entreprises opérant dans le secteur, on remarque que nombre d’entre elles sont des filiales de groupes internationaux. L’armateur CMA-CGM réalise 25% des parts de marché du transport de fret maritime à Madagascar et est présent sur l’intégralité des ports régionaux. Bolloré Logistics, dont les activités ont été reprises par Africa Global Logistics, capte la plus grande part du marché du transport multimodal à la demande. Il y a également les grandes sociétés de messagerie comme DHL et Fedex. Sans oublier les entreprises locales qui sont de plus en plus nombreuses. Elles opèrent notamment dans la livraison, le stockage et les services comme le transit.
On constate en outre que les entreprises logistiques sont de plus en plus confrontées à la problématique de la mise en place de pratiques et de solutions plus soucieuses de l’environnement. “Il faut tendre vers une logistique verte et durable. Une supply chain durable doit intégrer des processus et des stratégies visant à limiter son impact environnemental, en s’appuyant sur plusieurs leviers d’action. Il est ainsi possible d’intégrer des choix et comportements permettant de réduire l’empreinte carbone”, soutient un acteur du secteur.
Les entreprises ayant fait le choix de combiner logistique et développement durable peuvent en tirer plusieurs avantages et bénéfices. Les efforts consentis se traduisent généralement par une réduction des coûts logistiques, en raison d’une meilleure utilisation des ressources et des consommables, de l’optimisation des déplacements et des livraisons, ou de l’utilisation d’emballages mieux adaptés et recyclables. De plus, à l’intérieur de l’entrepôt, la mise en place d’un management durable tend à fixer de nouveaux objectifs à tous les collaborateurs, créant ainsi une implication supplémentaire et une amélioration sensible de la qualité de service pour le client final.
Le secteur de la logistique se dynamise et les investissements s’intensifient. |
Concurrence accrue dans la région
Selon les observateurs, l’intérêt grandissant des opérateurs logistiques internationaux pour l’Afrique devrait s’intensifier d’année en année, car le continent est devenu le terrain d’une rude compétition entre les grandes puissances économiques mondiales.
Les chiffres disponibles montrent que plus de 60% des acteurs internationaux du secteur de la logistique envisagent d’investir en Afrique cette année, malgré la persistance des incertitudes macroéconomiques et des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, selon un rapport publié en février 2024 par le groupe logistique Agility et le cabinet de recherche spécialisé Transport Intelligence.
Intitulé « Agility Emerging Markets Logistics Index 2024 », le rapport est basé sur une enquête réalisée auprès de huit cent trente dirigeants d’entreprises logistiques internationales. 47,4% des répondants indiquent qu’ils comptent réaliser des investissements supplémentaires en Afrique où ils sont déjà présents, alors que 14,2% prévoient de réaliser leur premier investissement sur le continent.
31,8% de ces dirigeants déclarent en outre que leur stratégie d'investissement et d'expansion en Afrique restera inchangée, et seulement 6,6% pensent se retirer ou réduire leurs activités sur certains marchés africains. Le rapport précise que cet intérêt grandissant des opérateurs logistiques internationaux pour l’Afrique intervient au moment où le continent est le théâtre d’une compétition féroce entre les grandes puissances économiques mondiales qui s’efforcent d’y augmenter leur engagement et leurs investissements.
L’Afrique est l’une des régions qui affichent les taux de croissance les plus élevés du transport maritime par conteneurs en 2023. Les importations conteneurisées dans des pays africains, dont Madagascar, ont augmenté de 6,7% au cours des sept premiers mois de 2023 par rapport à la même période en 2022 et de 10,1% par rapport à la même période en 2019, selon les données du courtier maritime Broker. Le principal moteur de cette croissance est la hausse des flux commerciaux entre l'Asie et l'Afrique.
La hausse du trafic conteneurisé de marchandises sur le continent devrait se poursuivre durant les prochaines années avec l’opérationnalisation progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Le sondage révèle également que les dirigeants des opérateurs logistiques internationaux restent toujours préoccupés par l’évolution de l’économie mondiale.
Facilitation des échanges
Un point clé pour les opérateurs
Le port de Toamasina demeure le pilier de la logistique maritime du pays. |
Parmi ces projets, notons le lancement des certificats phytosanitaires électroniques « e-Phyto » et du mécanisme de « Décisions anticipées » sur le classement tarifaire et l’origine douanière. Ces deux initiatives ont pour finalité de faciliter les échanges commerciaux en réduisant les délais et les coûts des formalités administratives supportés par les entreprises.
Un autre projet, tout aussi stratégique, est le développement du portail d’informations commerciales de Madagascar visant à accroître la transparence et la prévisibilité des procédures. Pour l’année 2023, le CNFE a prévu de poursuivre l’amélioration de la performance logistique de Madagascar à travers notamment des procédures rationalisées et digitalisées.
De son côté, la direction générale des Douanes affirme renforcer les actions pour mieux informer les opérateurs économiques en général et les entreprises du secteur de la logistique en particulier. D’une part, il y a les nouveaux textes réglementaires entrant dans le cadre des projets de modernisation et de réforme de la Douane Malagasy, inscrits dans l’Axe 1 de son plan stratégique.
Et d’autre part, il y a les textes ayant nécessité une mise à jour par rapport à la pratique actuelle et en vue d’assainir le secteur d’activité, mais surtout ces textes ont été élaborés pour la professionnalisation et l’assainissement du métier de commissaire agréé en douane (CAD) et des magasins et aires de dédouanement (MAD). Les séances d’information déjà organisées ont permis à l’administration des douanes d’inciter et de sensibiliser les opérateurs à se conformer aux nouvelles réglementations.
La DGD a aussi rappelé les sociétés actuelles possédant leurs agréments à se conformer à la procédure de renouvellement en vigueur. Certaines ambiguïtés sur les textes de leur application ont été également éclaircies. Des séances de consultation seront aussi organisées par rapport aux décisions d’application. Par ailleurs, des formations dédiées sont en cours de préparation pour les gérants des CAD, les déclarants, les responsables de transit.
VERBATIM
« Madagascar a l’avantage d’avoir un événement comme le Salon international des transports, de la logistique et de la manutention, coorganisé par le ministère des Transports et qui constitue un lieu de rencontre de tous les acteurs du secteur afin de conjuguer le génie national et international en vue de développer des activités à forte potentialité économique pour Madagascar. »
Ernest Lainkana Zafivanona , directeur général des Douanes
« Notre pays tend vers des procédures douanières rationalisées et digitalisées. Ce qui permet de réduire le délai de dédouanement et fluidifier les échanges au niveau des frontières. Différentes initiatives sont menées et impactent positivement sur la compétitivité de nos opérateurs, notamment ceux des secteurs du commerce, des transports et de la logistique. »
LA LOGISTIQUE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar