Zafiry, un notable connu dans la région Atsimo-Andrefana. |
Ancien président de Fivondronona de Toliara II sous le règne de Didier Ratsiraka (dénomination des actuels districts), ancien conseiller de cet ex-président de la République, Zafiry est considéré comme un notable connu dans la région Atsimo-Andrefana. Opérateur économique et actuel président de l’association « Tahake Vezo », il nous livre ses réflexions sur la situation politique, sociale et économique de la région. Malgré ses 76 ans, Zafiry dépeint toujours avec lucidité ce qu’il a vécu et ce qu’il recommande pour le développement de Toliara en général.
L’Express de Madagascar : Seriez-vous candidat aux prochaines élections législatives pour représenter la circonscription de Toliara II ?
Zafiry : Non, je ne suis pas et ne serai pas candidat aux députations. Je ne ferai pas de politique. J’ai trop servi la nation. J’ai fait 42 ans de service. Et vu mon âge, je reste observateur et conseiller quand il le faut.
Justement comment voyez-vous les préparatifs et propagandes avant la lettre qu’on constate déjà ici et là pour les députations à Toliara ?
Je peux juste dire que ceux qui seront prochainement élus ne seront pas des représentants des populations des circonscriptions. Cela ne concerne pas seulement Toliara mais partout à Madagascar.
Et pourquoi dites-vous qu’ils ne seront pas des représentants des populations ?
Ceux qui seront élus sont ceux qui ont les moyens financiers et pas seulement les cautions mais tout ce qui est nécessaire pour les propagandes. Pour ne parler que de la circonscription de Toliara II que je connais le mieux, qui d’entre les communautés ou les populations serait en mesure de disposer de 20 millions d'ariary et d’autres moyens pour se faire élire ? Alors qu’un député devrait être issu de ces populations et accepté par ces dernières comme appartenant réellement à leurs communautés. Ceux qui se lancent actuellement, officiellement ou officieusement, dans la course aux législatives n’appartiennent pas à ces communautés. Ce sont des individus qui ont de l’argent et qui recherchent une place dorée sur l’échiquier politique. Ils viennent d’en haut pour se mêler à ceux qui sont en bas et cherchent à se faire beaux. Pourtant, ils doivent être issus du bas pour représenter leurs pairs en haut.
Ceux qui seront élus ne seront pas alors des députés, selon vous ?
Pour moi, ils seront des représentants d’eux-mêmes et non de la population. Comme pour le cas de Toliara II où les députés n’ont pas grandement investi pour le développement mais ont essentiellement accaparé des terrains, de gré ou de force. Un député, selon ses dires, a « acheté » un fokontany entier dans la commune d’Ankililoaka, district de Toliara II. Où sont passés les budgets pour les CLD ? Les petites réalisations démontrées ici et là sont tout juste des justificatifs de dépenses de ces fonds mais ne représentent pas ce dont Toliara II a besoin. Ce n’est pas de cette manière qu’on représente ses communautés selon moi. D’ailleurs, je ne les ai jamais vus prendre la parole à l’Assemblée nationale ni proposer des lois sur la gestion agricole ou sur l’insécurité grandissante, ne serait-ce que pour leur circonscription.
Et qu’avez-vous fait par rapport à ces formes d’abus que vous dénoncez ?
En bon citoyen, je suis juste allé étape par étape et ai dénoncé effectivement à toutes les hiérarchies, les abus dont souffre Toliara II. J’attends avec impatience l’issue de toutes mes démarches. Je plains juste le fait qu’à Toliara notamment, les hors-la-loi sont craints par les faiseurs de loi et tous ceux qui devront appliquer la loi. Et cet état amorphe des faiseurs de lois est une forme de non-prise de responsabilité, une forme de corruption et une forme d’abus de fonction en même temps.
Pourquoi a-t-on peur des hors-la-loi ou ceux qui sont au-dessus des lois ?
C’est la force de l’argent tout simplement. C’est une mentalité ancrée depuis des générations que de toujours chercher son intérêt personnel au détriment de l’intérêt public dans des cas qui concernent pourtant le public. Du temps de la société d’État Fitaterana Malagasy (FIMA) alors que j’étais président du Fivondronana de Toliara II, la situation a été très malheureuse. Quarante véhicules encore en très bon état de marche ont été vendus, car recherchés par des riches de Toliara, à un prix dérisoire de vingt millions de FMG ou quatre millions d'ariary. Il en était de même pour les sociétés Toly et Sumatex et la société d’huilerie ou encore Samangoky. On a maquillé la détérioration des matériels de ces sociétés pour qu’on puisse les vendre en ce temps-là. Ce sont les riches de Toliara même avec la complicité de ceux qui sont censés appliquer la loi qui ont détruit Toliara et qui continuent à le faire malheureusement.
Pour vous, Toliara restera alors un éternel cimetière de projets ?
« Toliara cimetière de projets » a été un slogan de grève des étudiants de Maninday, qui n’ont pas vu le démarrage de la construction des infrastructures de l’université de Toliara alors que le reste du pays possédait déjà les leurs. Et le slogan est resté depuis les problèmes des sociétés d’État expressément détruites que j’ai évoqués plus haut. Du temps des Conseillers suprêmes de la révolution (CSR), il y eut des imbroglios avec la gestion économique de Toliara qui s’étendait de Morondava à Tolagnaro. Ces CSR n’étaient peut-être pas à la hauteur de ce qu’on attendait d’eux dans l’application de la loi. Et cela continue jusqu’à ce jour. Les tenants du pouvoir qui ont succédé n’arrivent pas à émerger Toliara du flot de la pauvreté. Toliara reste un cimetière de projets.
Comment faire alors, qui devrait faire quoi pour faire avancer Toliara ?
Je propose l’intensification des sensibilisations agricoles menées avec les services déconcentrés de l’État, sécuriser les agriculteurs, les canaux, les eaux de source, la santé humaine et animale et surtout mettre un accent particulier sur la sécurisation foncière. Une politique d’investissement efficace pour faire régner un climat d’affaires normal dans la région Atsimo-Andrefana, dans les secteurs pêche, artisanat, touristique, minier. Base Toliara par exemple reste floue. Et pourquoi les informations officielles restent-elles floues justement ? Ce ne sont pas les décisionnaires d’Antananarivo qui bloquent le développement de Toliara, c’est Toliara lui-même. C’est comme un adage malgache disant en traduction libre que c’est comme une sorcière faible qui ne cible que les membres de sa famille.
Côté social, que pensez-vous de la récente loi sur la castration des violeurs ?
Les jeunes filles se marient à 14 ans dans les communes éloignées de la région Atsimo-Andrefana. Peut-on considérer leurs maris comme des violeurs alors ? Je pense que d’autres détails suivront cette loi considérant chaque cas spécifique des crimes. Il y a la question des droits de l’Homme également.
Parlez-nous un peu de l’association « Tahake Vezo ». Est-ce une association dérivée de « Vavea » ?
« Tahake Vezo » ou modèle Vezo agit en tant que plateforme qui règle les conflits sociaux. Selon la présentation des cas, les membres de la plateforme cherchent des intervenants pour aider à la résolution des conflits. Nous sommes par exemple intervenus lors de la diffusion d’affichages demandant aux « Ambaniandro » de rentrer chez eux. Ou lors des menaces graves sur une juge venant de Fianarantsoa. Nous cherchons des moyens d’arranger les situations. Vavea (Vahatse ty Vezo Aharo) est une association regroupant l’ethnie Vezo.
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