Ya-t-il encore de la place pour le conte et la poésie dans l’éducation ? C’est la grande question à laquelle il faut répondre avec réalisme et sans complaisance. La Journée internationale du conte et de la poésie, célébrée pour une fois, a permis de voir la vitalité de ces deux disciplines. Les talents n’ont jamais manqué, que ce soit en conte ou en poésie. Sauf qu’on en utilise rarement, voire pas du tout, dans les programmes scolaires. Aussi curieux que cela puisse paraître, ce sont les écoles françaises qui incluent dans leurs manuels, dès la maternelle, un livre de conte malgache. Il est vrai que faute d’édition en masse, ces livres de conte sont de véritables oiseaux rares et leur prix est plutôt exubérant pour en faire la promotion. À la maison comme à l’école, on connaît de moins en moins l’histoire d’Ikotofetsy sy Imahaka, de Trimobe sy Sohitika, de Kotomofo, de Kotobekibo sy Faramalemy, de Ravolahanta sy Rabeniomby… Sans oublier les contes dans les autres dialectes qui donnent une variété insoupçonnée à cette discipline et dont le célèbre conteur Paul Jaoravoana, dit Paul Congo, gardien des traditions orales dans le Nord, disparu il y a un an, en était la parfaite illustration. C’était une véritable encyclopédie et toute une bibliothèque qui disparaissaient avec lui. Paul Congo était un monument comme il n’en existe pas deux, malheureusement. Il était même le dernier dans sa spécialité, qui n’en compte déjà pas beaucoup. Les auteurs de conte sont plus ou moins nombreux, mais les conteurs figurent parmi les espèces rares.
On connaît le rôle pédagogique d’un conte dans l’éducation d’un enfant. Les contes sont empreints d’exemples de moralité et d’honnêteté. Il en est de même pour la poésie qui, outre la vertu d’entretenir la mémoire de l’enfant, véhicule également des messages de la vie quotidienne, à l’image de «Ny maso mijery fitaratra vita, Raha misy manome…».
Les auteurs malgaches excellent dans la poésie et n’ont rien à envier à Jean de la Fontaine, dont certaines fables ont d’ailleurs été traduites en malgache. Il y a bien évidemment l’inégalable Rado, dont les œuvres n’ont pas pris un pli vingt ans après sa mort et passent d’une génération à une autre avec la même fraîcheur, la même percussion, la même perspicacité. Elles restent d’ailleurs d’actualité et traversent les époques et les régimes politiques avec la même impertinence, la même acuité. Il y en a eu toute une flopée dans l’histoire, à l’image du grand Jean Joseph Rabearivelo, de Jean Verdi Salomon Razakandrainy, dit Dox, Ny Avana Ramanantoanina, Randja Zanamihoatra (Eny hoy aho Ramalagasy), Eliza Freda, Fredy Rajaofera, Joseph Rajaonah, Ignace Ratsimbazafy, Jean Narivony, Samuel Ratany… et beaucoup d’autres dont le talent n’a d’égal que la maîtrise parfaite de la langue malgache.
La poésie avait joué un rôle important dans la lutte contre la colonisation et dans la période «vanim-potoana mitady ny very» (1930-1945), littéralement «à la recherche d’une identité perdue». Ironie de l’histoire, il semblerait qu’on soit revenu à la même période avec moins de rôle politique pour la poésie en particulier et la littérature en général. Voilà, le conte est bon.
Sylvain Ranjalahy