Écuries urbaines

À Antananarivo, ville où règne la désolation, Socrate pourrait trouver une confirmation de son assertion : l’ignorance est mère de tous les maux. Lorsque l’on a une population dont le niveau d’éducation et d’instruction est encore aux antipodes des attentes et qui peine à sortir de la pente dangereuse du déclin, l’omniprésence des forces de l’ignorance fait décupler, à chaque seconde, la puissance exponentielle de nos fléaux quotidiens, les vomissures infectes symptomatiques de la maladie sévère que peut provoquer l’ignorance. Et c’est ainsi qu’ils peuvent se matérialiser par une insalubrité qui pourrit, au sens propre comme au figuré, nos vies, faisant de la lutte des esprits éclairés une cause perdue.

Notre capitale est devenue un temple dédié aux dieux de la saleté, un avatar de l’ignorance, qui assoit sa domination insolente à chaque kilomètre carré de la ville. C’est alors que nos moindres mouvements dans ces méandres infestés par la pourriture sont des occasions de confrontation avec les différents visages de l’insalubrité : les crachats omniprésents, les odeurs pestilentielles laissées par les détritus abandonnés dans des endroits autres que les dispositifs conçus pour le maintien de la « propreté », et les autres pollutions olfactives ou visuelles provoquées par l’ignorance pathologique de la discipline et de l’hygiène qui ont définitivement déserté les rues et ruelles.

Et cette attaque massive d’entités insalubres a renforcé la saleté, l’a rendue championne du continent africain selon un classement qui a récemment fait le buzz. Comment alors affronter celle qui occupe le premier rang des villes les plus sales d’Afrique ? Aux commandes de la ville, peuvent se succéder les magistrats ou autres édiles ; si leurs épaules sont ridicules comparées à la puissance surdimensionnée de cette malpropreté qui domine le continent, ils seront plus enclins à suivre la trajectoire de leurs prédécesseurs qui ont déclaré la guerre aux ordures et à la saleté, mais qui ont fini par perdre leurs batailles. Mais la guerre, espérons-le, n’est pas encore arrivée à sa conclusion.

La tâche est herculéenne et demande un dépassement des capacités habituellement mobilisées par l’être humain ordinaire. Le chantier auquel doivent s’atteler les hommes de bonne volonté est à un stade plus qu’avancé de sa maladie a priori incurable, comme l’était l’état désespéré des écuries d’Augias. On peut alors toujours essayer de prendre exemple sur Héraclès qui les a nettoyées en détournant deux cours d’eau. La solution est tout aussi radicale : faire se déverser à l’extrême les fleuves de la discipline et de l’instruction.

Fenitra Ratefiarivony

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