Antananarivo, ville la plus sale au monde. Et alors ? À qui la faute ? On se demande comment un tel titre peut-il faire vendre un journal ? Comme si tout le monde appréciait ce classement, même si c’est rare que le pays occupe la tête dans un domaine donné. Ce n’est ni un scoop, étant donné que cette saleté ne date pas d’aujourd’hui. Ce n’est ni un décret ministériel ni une volonté délibérée des dirigeants. C’est un fait récurrent depuis plusieurs années. Elle est peut-être amplifiée par des monticules d’ordures jonchant les rues. Mais là aussi, il s’agit d’une situation habituelle quelle que soit le régime et la période. Certes, il y a une responsabilité non assumée de la mairie faute de moyens financiers et matériels, mais la population est également un acteur principal de ce désastre environnemental. On crache dans la soupe.
Exode rural étant, la population de la capitale s’est transformée petit à petit. Les couches de la population tananarivienne ont radicalement changé. Elles sont composées aujourd’hui d’une majorité de migrants et d’une partie flottante qui vient pour vendre dans la journée et rentre le soir. Autrement dit, une grande partie de la population ignore et ne respecte pas les normes à observer dans une vie citadine. Une méconnaissance assimilée en une indiscipline et muée en anarchie. Ni les bacs à ordures ni les heures pour jeter les déchets ménagers ne sont respectés. Chacun fait ce qui lui plaît sans aucun souci de la propreté et de l’hygiène. Au contraire, on s’accommode bien de ces montagnes d’immondices à côté desquelles on monte une gargote.
La tâche de la mairie se trouve ainsi multipliée par tant de laisser-aller. Les bacs à ordures sont à peine vidés qu’ils se remplissent dans l’heure qui suit. On a donc l’impression qu’ils n’ont jamais été nettoyés. Il est ainsi impossible de maintenir la propreté de la ville pendant une journée, même si la CUA vient d’acquérir de nouveaux camions bennes remis par la coopération japonaise et que les employés de la voirie travaillent 48 heures sur 24.
Les autorités tentent d’appliquer la décentralisation effective du traitement des ordures au niveau des arrondissements. C’est peut-être un début de solution en théorie, mais dans la pratique, il va falloir briser la Tanarchie en vigueur dans la capitale. Ce qui n’est pas une mince affaire. Et cela a commencé par l’obligation des foyers à disposer d’une toilette. On ignore pour le moment le résultat virtuel de cette mesure, mais il faut un début à tout.
Sylvain Ranjalahy