L’empereur romain Vespasien aurait-il raison en déclarant « pecunia non olet » en misant sur les recettes de l’urine pour renflouer la caisse de l’État. Certains en ont visiblement fait leur cette maxime.
Les flux financiers illicites ont atteint le montant record de 3.340 milliards d’ariary en 2023. Soit plus de mille milliards d’ariary qu’en 2022. C’est la révélation faite par le Samifin lors de son rapport d’exercice. L’année dernière l’Agence de recouvrement des avoirs illicites a annoncé avoir saisi 6,2 milliards de biens en véhicules ou en comptes bancaires.
Des chiffres astronomiques loin de pouvoir démontrer qu’on se trouve dans un des pays les plus pauvres au monde où à en juger ces révélations, la corruption et le blanchiment de capitaux font tourner l’économie. C’est hélas la réalité. Il suffit pour s’en convaincre de voir les chiffres sur l’importation de ciment, l’essor sans précédent du secteur immobilier, la vente des voitures de luxe chez les concessionnaires…
Quand deux énergumènes se lancent des défis sur les réseaux sociaux et sur les plateaux télé pour faire des runs avec des caisses de star de foot valant plus deux milliards d’ariary, le constat se confirme. Rien de mal à ce que tous les citoyens deviennent des milliardaires. Au contraire, c’est visiblement le rêve de tous les présidents qui se sont succédé. Un ancien président n’avait-il pas promis le paradis socialiste. Un autre avait lancé le défi de faire des pauvres des crésus. Mais la route de l’enfer est plutôt pavée de bonnes intentions comme le disait le moine Bernard de Clairvaux.
Il est patent que certaines sources de revenu sont hors contrôle et que la répartition des richesses et du revenu est déséquilibrée et inéquitable. Face à ce signe extérieur de richesse que d’aucuns n’ont aucun gêne pour le montrer en public, on assiste à une pléthore d’appels SOS de personnes souffrant de diverses maladies sur les réseaux sociaux. Les plus célèbres et les plus chanceux trouvent échos auprès du public et des autorités qui en font un élément de communication. Les autres prennent leur mal en patience et finissent par se résigner à la fatalité et à la volonté divine pour mourir presque dans l’indifférence totale. C’est pour du moins réduire sinon anéantir cette inégalité flagrante et injuste que tous ces organes de lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux ont été créés. Ils ne sont pas là juste pour épater la galerie à travers les chiffres révélés mais pour concrétiser la volonté réelle de l’État de lutter contre ces fléaux et de montrer à l’opinion que l’argent a bel et bien de l’odeur. Il ne doit pas sentir l’effluve d’un bien mal acquis.
Sylvain Ranjalahy