La hiérarchie circulaire sur la base du « Tenierana »

Tsiory Fenosoa Ranjanirina: Juriste & Financier diplômé en droit public interne et international, Titulaire d'un MBA, Chercheur & Enseignement Formateur à l'ISCAM

La hiérarchie circulaire veut qu’entre collaborateurs il y a cette idée de solidarité humaine permettant de faire des tâches complémentaires et interdépendantes dans l’unique but d’atteindre un objectif réalisable et évaluable.

Par ailleurs, créer des emplois et organiser le travail là où il est bon d’entre-prendre ou investir, c’est aussi faire le choix de comprendre la culture existante et le mode de pensée valable vers lequel s’orientent les mentalités des gens au travail ou des individus à engager. Il y a nécessairement un moteur qui met en vie, puis anime la volonté de travailler au-delà des dimensions du besoin.

Créer ainsi le cercle c’est faire du lieu de travail une boucle : rien ne s’isole et personne n’est inaperçu et, tout se sait. Tout le monde est acteur, tout le monde est conscient. C’est donc créer véritablement une vie où tout est lié et le travail n’est-il pas assimilé à une seconde vie ?

Responsabiliser et impliquer

Il s’agit de répartir les responsabilités, non selon une échelle de pouvoirs de validation, mais plutôt selon un passage de la tâche d’un acteur à un autre à tour de rôle. Pour faire aboutir l’ensemble des tâches à un objectif commun et unique qui peut être la réalisation de profits ou d’activités, tout le monde doit être impliqué, c’est-à-dire avoir une part de décision et, donc, de responsabilité pour définir le rythme du travail. Lorsqu’on parle d’hiérarchie circulaire, il y a forcément un point de départ du travail à réaliser dans le but d’atteindre l’objectif, et pour que tous les collaborateurs soient responsables, chacun d’eux doit avoir son mot à dire et sa tâche à faire à l’étape où le travail passe devant lui avant de passer ensuite vers d’autres jusqu’au dernier maillon de la chaîne. Ainsi la spécialitéen connaissances et en compétences de chacun des collaborateurs, peut être appliquée dans la prise en main et l’exécution du travail. La principale erreur est la spécialisation des tâches pour finir par cloisonner les talents alors que les atouts de tous les collaborateurs doivent être mis à profit dans l’intérêt de la structure pour laquelle ils travaillent. 

Là où les talents sont cloisonnés, ils deviennent soit surestimés ou surévalués, et même le contraire par rapport à d’autres talents mobilisables mais réduits au silence ou endormis. Faire d’une structure un cercle, c’est la raison d’être de la hiérarchie circulaire où tous les collaborateurs se découvrent, se respectent, se valorisent et se comprennent, tout simplement car il existe un capital invisible, mais déterminant, qui pèse sur la productivité de chacun : il s’agit du temps, ou plus précisément du temps de travail. Le rythme ralenti, choisi volontairement ou involontairement par un collaborateur dans la réalisation de sa «part» de travail peut pénaliser un autre collaborateur auquel s’impose un délai imparti également pour permettre à l’ensemble du travail de s’exécuter entièrement à travers la participation de tous. Le même niveau de décision donne un visage humain à la hiérarchie circulaire dans l’unique mesure où elle place chacun devant ses responsabilités et non derrière des privilèges matérialisés par des titres. Faire du lieu de travail un cercle d’échanges et de parti cipation pour faire ressentir à chacun ce sentiment d’appartenance, c’est la clé d’une réussite solidaire.

De la sorte, ce ne seront plus les titres de ceux qui se supposent supérieurs qui serviront à masquer les réalisations véritables de leurs subordonnés, mais plutôt il y aura le degré d’implication constaté à partir de la part de travail «réellement réalisée».

Agir en équipe et défendre l’intérêt commun

L’idée d’hiérarchie circulaire veut que la prise de décision se départage et se profile d’un commun accord à chaque fois qu’une orientation est prise pour arriver à plus de profits ou à plus de réalisations. Cette hiérarchie circulaire traduit la forme réelle de ce qu’est une équipe : au sport collectif, on retrouve la répartition des tâches pour que l’équipe gagne et que la victoire soit le but. La hiérarchie circulaire construit l’art du «travailler ensemble» dans l’espace de travail et que pour l’intérêt commun, les mêmes efforts sont attendus de tous les collaborateurs. Dans une culture prédominante où on privilégie la mise en compétition des collaborateurs par la voie de la promotion ou la récompense ou tout simplement l’éloge, la hiérarchie circulaire vient corriger ce problème. Il est plus humain d’inciter à un travail collectif où chaque jour chacun s’améliore et se sent responsable pour que la prudence physique et intellectuelle devienne une culture quotidienne. Là où cette prudence naît et se développe, on fait sa «part» de travail correctement pour ne pas déranger le rythme établi et convenu devant lequel tout le monde se retrouve garant et responsable. La prudence est l’origine de la conscience professionnelle : le fait de manquer à ses propres responsabilités va conduire le collaborateur conscient à ressentir l’impact négatif de son acte, ce qui va le pousser à s’excuser, par conscience, du préjudice ou du tort créé à l’encontre des autres composants de l’équipe.

Faire naître le sentiment d’utilité

La hiérarchie circulaire responsabilise chaque collaborateur au point de devenir un facteur de développement personnel. Lorsqu’une marge de décision à impact est laissée au collaborateur, il sera vite conscient de la dimension de sa décision ou de son indécision. Laisser le cercle de décision se manifester par l’établissement d’un rayon imaginaire comme lien d’inter- subordination et la circonférence du cercle comme lien vital d’inter-solidarité, c’est créer un cordon interpersonnel entre collaborateurs où la vie humaine prime et tout travail effectué aboutit forcément à une vie humaine. Alors au lieu de rationner les compétences des collaborateurs, quitte à ce qu’elles ne se mobilisent qu’à titre ponctuel, au lieu de continuer, il faut préférer une sollicitation par le travail, c’est-à-dire encourager l’engagement personnel lequel constitue le moteur de la responsabilité.

Effacer les nivellements

Adapter l’encadrement du contingent humain aux usages de la culture locale : il s’agit du point de départ de la conquête des coeurs pour tonifier l’engagement des personnes là où il y a travail à faire afin de parvenir à des réalisations mesurables. C’est en pure conscience de l’enthousiasme qui peut provenir des individus que la démarche d’inclusion et d’implication s’impose pour que tout le monde se sente utile et responsable à la fois. Dans le rythme quotidien où en interne sur le lieu de travail on retrouve que des responsabilités deviennent personnifiées et que des personnes supposées être responsables sont plutôt devenues juste craintes en raison de leur rang. On a tort de prendre en considération la personne, au lieu du travail attendu d’elle. Il est pourtant possible de valoriser une personne à travers le travail dont elle est chargée et, le résultat qui en découle lorsqu’on détache du travail l’idée même de rang ou de titre ou de toute forme sophistiquée de courtoisie basée sur la personnalité, au lieu de la performance. Mettre les gens sur le même rang au moyen d’une répartition équitable des rôles, en fonction de la capacité d’action, tout en quantifiant le poids du travail nécessaire à l’exécution définitif d’un travail, sert à impliquer tous les collaborateurs et, à avoir une visibilité sur le degré d’engagement de tout le monde. Une fois la route à suivre indiquée afin d’arriver à destination et, une fois les coeurs convaincus à aller de l’avant, c’est à la fois sur la solidarité et l’esprit d’appartenance qu’on gagne et qu’on attend de mieux de toute structure à l’échéance d’une période délimitée, pour un objectif à atteindre que de dresser l’état des réalisations sur tous les plans? La pensée malgache est apparue utilitariste depuis la nuit des temps lorsqu’elle nous rappelle que tout succès dépend de l’engagement consenti de tous, d’abord, sans besoin ni d’hiérarchiser les personnes ni de décider d’en haut lieu, en ignorant les idées pouvant être reçues des personnes qui auront à exécuter réellement le travail : « Ny raharaha no lavorary, ny tenierana no tsara».

Cahier du management par l’ISCAM en partenariat avec l’Express de Madagascar

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