Rien à déclarer

Je ne vais plus très souvent Antaninarenina : quand on y roule, c’est au pas ; et pour s’y garer, c’est la croix et la bannière. Grand fut mon étonnement ce matin de découvrir cette énorme affiche. 

«Ela tsy miofo, ny fivoarany no porofo» : le visuel a été édité pour le bicentenaire des douanes malgaches, 1820-2020, bicentenaire différé à 2023 en raison de la pandémie Covid-19. À cette même occasion, une plaquette a été également conçue. 

Une chose est une publication à diffusion limitée ; une autre chose est une exposition à Ivato ; une chose encore le court métrage («5000 km - Les gardiens des frontières») : mais une tout autre chose est cette affiche de la hauteur d’un immeuble à Antaninarenina, entre Banque centrale et Société Générale, sur la façade d’un immeuble des Finances.

Sur deux photos, on y voit une représentation du roi Radama (règne de 1810 à 1828) portant fièrement une coupe à ses lèvres. Porte-t-il un toast, lève-t-il son verre à la santé de quelqu’un, trinque-t-il à quelque réalisation, ou s’agit-il d’une de ses libations dont les récits missionnaires rendirent abondamment compte ?

Et quand bien même Radama serait décédé prématurément de ses «excès», était-ce à l’administration des douanes d’en raviver le souvenir et surtout de l’immortaliser grandeur nature, dans le «quartier des Affaires»? L’image d’un souverain se confond avec l’image d’un pays. Quelle image d’Élisabeth II le Royaume-Uni souhaite-t-il pérenniser : celle des soixante-dix ans de règne certainement plus que celle de l’annus horribilis. Quel souvenir de Napoléon la France voudrait-elle que le monde conserve : la victoire à Austerlitz plutôt que la défaite à Waterloo. Ainsi, dans cet ordre d’idées, Radama campé en inventeur de l’alphabet l’abidia plutôt qu’en proie au delirum tremens. 

Il est dommage que cette communication ambiguë ternisse la réalité de la grande ancienneté de certains services dont la création participait de l’invention d’une administration moderne, dès la première moitié du XIXème siècle.  

Les fonctions étaient assumées par des individus responsables de missions précises : suivi des écoles et de leur recrutement, contrôle du culte et recensement des adeptes. On peut supposer, par exemple, que la personne en charge des cultes avait des attributions confondues avec la gestion des premières écoles fondées par les missionnaires britanniques (1820).

Les agents de  «L’Intérieur», sous des vocables comme «Antily», administraient la population. Les «Andriambaventy» rendaient justice. Les «Ira-Panjakana» revenaient d’île de France ou d’Europe. 

Affaires étrangères et Douanes figurent parmi les deux plus anciennes administrations de Madagascar. Sur le mode «l’administration, c’est moi», les fonctions essentielles de relations avec l’Étranger et les étrangers ou de contrôle des «import-export» étaient confiées à une personne de confiance en attendant de pouvoir compter sur une cohorte de fonctionnaires. 

Pour la petite histoire, le gouvernement de 1881, le premier à adopter un formalisme «moderne», comptait huit ministres : Rainitsimbazafy (Intérieur, Ny Ati-Tany), Ravoninahitriniarivo (Affaires étrangères, Ny Amy Ny Vahiny), Rainilambo (Armée, Ny Amy Ny Miaramila), Ralaitsirofo (Justice, Ny Mpitsara), Razanakombana (Lois, Ny Lalàna), Rainimiadana (Commerce, Élevage, Agriculture, Travaux Publics, Raharaha momba ny Fivarotana sy ny Fambolena ary ny Fanaovan-javatra), Rainimahajere (Finances publiques, Ny Amy Ny Volam-Panjakana), Andriamanamizao (Enseignement, Ny Amy Ny Sekoly).  

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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