Du jamais vu sans doute dans le monde entier. Des gens ont fait la queue depuis hier à 18 heures pour voir la cérémonie d’investiture du président de la République ce jour à Mahamasina. Même pour voir un grand match international de football, un concert d’une star internationale ou la cérémonie d’ouverture des Jeux de la francophonie ou des Jeux des Iles, les spectateurs n’ont jamais fait la queue depuis la veille. Chacun peut donner le sens qu’il veut à un tel engouement, l’histoire retiendra ce phénomène dans ses annales.
C’est vrai que l’on se demande qu’est-ce qu’il y a de si différent dans cette cérémonie d’investiture par rapport aux autres dont la dernière avec le même président il y a quatre ans où les spectateurs n’avaient pas à réserver leurs places.
Ils sont peut-être attirés plus par le spectacle offert par plusieurs artistes et le tirage d’une tombola que par la cérémonie officielle. Si c’était le cas, on pourrait alors avoir un indice sérieux de l’état du niveau social de la majorité de la population. La grande ruée vers une lampe solaire distribuée depuis quelques jours dans la capitale a déjà mis à nu le dénuement chronique dans lequel se trouvent beaucoup de foyers. Le bonheur apporté par une lampe solaire dans les lupanars des bas quartiers illustre combien un geste jugé par certains comme avilissant, peut changer le décor lugubre d’un foyer. Certes, une lampe ne pourra pas améliorer les conditions de vie des couches vulnérables mais ceux qui râlent contre le délestage réalisent parfaitement combien il est dur de revivre à l’époque des ténèbres. On peut tout dire sur cette initiative de l’État face à une pauvreté héritée de tous les pouvoirs successifs, personne auparavant n’a pensé au besoin minimal des populations vulnérables à défaut de pouvoir leur offrir une situation sociale confortable. C’est ainsi que le président de la République a annoncé que son nouveau mandat sera particulièrement axé sur les questions sociales après avoir constaté de visu les conditions dans lesquelles vit la population des bas quartiers de la capitale et certainement de la plupart des quartiers et villages des autres villes.
Les spectateurs les plus chanceux rentreront à l’issue de la journée avec un écran plat, un vélo, un frigo solaire ou d’autres lots avec lesquels ils pourront améliorer leur confort de vie mais au-delà de ce « jeu de hasard », ils misent beaucoup sur ce nouveau mandat pour « être plus heureux », pour changer leur destin. Il faudra une politique volontariste de l’État pour sortir la majorité de cette pauvreté chronique qui perdure et s’aggrave depuis plusieurs régimes. C’est le plus grand pari que le nouveau pouvoir devra gagner à partir de cette investiture. C’est l’attente autant des cinquante mille spectateurs du stade Barea que des vingt-cinq millions de Malgaches, électeurs ou abstentionnistes confondus.
Sylvain Ranjalahy