On touche le fond. La culture malgache est réputée respectueuse des morts. Plusieurs proverbes l’attestent. « Ny Malagasy tsy miady amam-paty », « Ny maty tsy arahin-trosa ».
Littéralement on ne se dispute pas avec un mort. Un mort est affranchi de ses dettes.
Ailleurs, on n’absout pas un mort de ses péchés et de ses actes répréhensibles commis de son vivant.
Ces derniers temps, ces valeurs culturelles semblent rejoindre les musées. Les divergences politiques poussent jusqu’à l’oubli ce qu’on a de sacré devant les morts. C’est le moins que l’on puisse dire. Deux personnalités viennent de disparaître en l’espace de quelques jours mais elles ont été victimes d’un traitement « spécial ».
Le député de Faratsiho, Honoré Rasolonjatovo subitement disparu après avoir démissionné de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale, n’a eu droit qu’à l’hommage de ses collègues de l’opposition lors du passage de la dépouille au Palais de Tsimbazaza. Sauf erreur, il n’a eu droit à aucune distinction honorifique à titre posthume. Selon ses amis députés, c’était pourtant un bienfaiteur comme il n’en existe plus beaucoup. C’était également un capitaine d’entreprise qui faisait vivre des centaines de personnes.
Hier, la reine du Salegy Ninie Donia a rendu l’âme dans l’ambulance qui l’a conduite vers un hôpital après avoir eu une crise à la prison de Nosy Be où elle était détenue depuis juin 2022. Elle a succombé à un cancer de pancréas qui l’a minée en prison. Elle était membre du parti TIM.
Sitôt sa mort annoncée sur les réseaux sociaux, des commentaires méprisants fusaient de partout. Certains ont avancé qu’elle a succombé à cause du résultat de l’élection. D’autres proféraient carrément des insultes. On est tombé bien bas.
Au-delà de ses démêlés avec la justice et ses options politiques, son statut de grand artiste méritait un minimum de déférence. Si on en arrive à cette haine viscérale pour des choix politiques, ça craint pour l’avenir. La devise de la République prône plutôt l’amour et non le mépris de ses compatriotes de quelque bord qu’ils soient.
On tient peut-être cette hostilité réciproque du fameux ni…ni de la fameuse feuille de route qui a cloisonné le microcosme politique en deux camps bien distincts. Aujourd’hui, force est de constater que depuis la campagne électorale émaillée de violents affrontements à cette disparition de Ninie Donia qu’il a été néfaste. Paix à son âme.
Sylvain Ranjalahy