Cours d’histoire, chaque 6 novembre

Entre ceux qui, de bonne foi, se trompent en parlant de «Rovan’i Manjakamiadana», et ceux qui prétendent inventer un «Rova de Madagascar», en totale contravention avec l’histoire, il y a encore du chemin à faire pour que l’histoire du Rova d’Antananarivo soit réhabilitée.

Le 6 novembre 1995, dans la soirée, un formidable brasier était visible depuis les plus lointaines collines de l’Imerina et ses «tendrombohitra roambinifolo» qui ne sont douze que pour le symbole. Tout le monde avait compris, sans accepter d’y croire, que ce rougeoiement suspect ne pouvait signifier que la plus terrible catastrophe depuis février-mars 1897 : quand la Reine Ranavalona III (règne de 1882 à 1897) avait été convoyée nuitamment vers un exil outre-mer et que, dans la foulée, le général Gallieni viola les tombes royales du Rova d’Ambohimanga et du Rova d’Antananarivo.

Ce 6 novembre 1995, c’est le Rova d’Antananarivo qui finissait en cendres. Au matin, seules les carapaces du palais de Manjakamiadana et du temple d’Anatirova se dressaient encore sur l’horizon. 

Si, vingt-huit ans plus tard, l’émotion est toujours aussi forte, il serait temps que les connaissances se mettent au diapason de cette fierté ombrageuse. Prenons cette carte postale: magnifique photo avec son aura crépusculaire, sauf que la légende annonce «Rova de Manjakamiadana» ; pareille méprise pour cette superbe tablette de pyrogravure reproduisant méticuleusement chaque palais d’avant 1995. Ne parlons pas des nouveaux panneaux inventant de toutes pièces un «Rova de Madagascar» qui n’a jamais existé. Il y a quelques semaines, un média réunionnais s’était trompé en parlant du siège de la Présidence de la République sur fond d’image emblématique du palais de Manjakamiadana : bronca vindicative sur les réseaux sociaux ! Mais, comment concilier cette susceptibilité, en l’occurrence parfaitement compréhensible, et une vague indifférence à la précision historique ?

Depuis que Ranavalona II (règne de 1868 à 1881) a fait recouvrir de pierres l’édifice tout en bois hérité de Ranavalona 1ère (règne de 1828 à 1861), Manjakamiadana est le palais le plus visible, le plus monumental, le plus célèbre du Rova d’Antananarivo. Mais, le Rova comprenait d’autres palais (Tranovola, Manampisoa), qu’avaient précédés les cases royales de type «Trano Kotona» (Besakana, Mahitsielafanjaka). Depuis avril 1880, symbole de l’adhésion de Ranavalona II au christianisme et siège d’une église d’État en gestation, un temple protestant s’y dresse également. Mais, ce sont surtout les tombes royales - Fitomiandalana des souverains d’avant le XIXème siècle + tombeau de Radama 1er (règne de 1810 à 1828) + tombe de Rasoherina (règne de 1863 à 1868) - qui sanctifient le Rova. 

Le 22 août 1958, quand le général de Gaulle prononça depuis Mahamasina son célèbre «Demain, vous serez de nouveau un État, comme quand ce palais de vos rois, là-haut, était habité par eux», il désignait le palais de Manjakamiadana que n’ont jamais habité les souverains depuis Ranavalona 1ère. Mais, de simplification abusive en suivisme intellectuel, le nom de «palais de la Reine» s’est installé dans les brochures touristiques et les ouvrages de vulgarisation. 

Chaque 6 novembre devient prétexte à rappel historique. Mais, parce que l’histoire royale est malmenée par les gouvernants républicains, le risque est réel d’un révisionnisme qui ne pourra réussir qu’avec la complicité du grand public.  

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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