Pluie à verse

«Belle opportunité à ne pas rater : rizières, bord de route, accessibles, à remblayer». Que ce soit de la part de particuliers ou d’agences immobilières, ce genre d’annonce se multiplie. Les autorisations complices, de remblayer et d’aménager sur des zones non-constructibles, couronnent une mécanique qui a fait la preuve de son efficacité perverse. 

En dépit du bon sens. Mais, celui-ci n’est manifestement pas la chose la mieux partagée dans un pays qui remblaie un lac pour ériger une station-service. Cette enseigne multinationale ne pouvait pas ignorer l’historique du lac de Dorodosy, tandis que ces Mairies rurales à qui on a confié bien imprudemment des «projets de développement mixte» savent pertinemment qu’elles vendent du mètre carré sur un double ravage écologique et paysager.

Heureusement que les premières pluies vengent le bon sens bafoué. Les maisons bâties sur les rizières remblayées ont pied dans l’eau en ce mois de décembre. Pas faute pour cette Chronique de déplorer que les bypass et rocades ne soient pas sur pilotis pour ne pas entraver la circulation de l’eau et de la faune dont c’est l’habitat. D’autant que les remblais sont à double inconvénient : on rase les «douze collines» pour étouffer des rizières. 

Depuis Ambohimangakely jusqu’à Iavoloha en passant par Ankadihevo et Ifarihy ; empiétant sur ces sites au nom évocateur de leur nature aquatique (Ankorondrano, Andranobevava, Ankerana, Amoron’Ankona) ; défigurant déjà les alentours d’Ambohitrimanjaka et Andranotapahina jusqu’à Ivato. 

Ce qui se passe sur le bypass, se reproduit dans le Laniera, continuera le long de rocades  et se récidivera de part et d’autre de toutes ces nouvelles routes censées être dégagement systolique vers le Grand Tana alors qu’elles assiègent le coeur de la Capitale en un engorgement diastolique. Triple ischémie sociale, économique et logistique dont le symptôme le plus manifeste est cette pénurie structurelle d’eau potable. 

Il y a bien longtemps, à la toute fin du 19ème siècle et au début du 20ème, l’urbanisme à la française avait importé sa conception de l’espace totalement contraire à nos traditions d’habitat collinaire. Incompréhensiblement, la République malgache épuisera cette logique mortifère avec l’opération 67 hectares, donnant naissance à ces bas-quartiers inondés parce qu’inondables. Comble de l’histoire : ceux qui investissent à remblayer les rizières exigent du Fanjakana des digues financées par le Trésor public pour protéger leurs biens contre les crues. Ou comment, toujours en dépit du bon sens, se prévaloir de ses propres turpitudes. 

La mère de tous les remblais avait débuté dans le Betsimitatatra, cette mer de rizières qui avait fait de la colline granitique d’Antananarivo la capitale de l’Imerina. Presqu’île entre Ikopa et Imamba, Antananarivo saturée, ville-Région croulant sous le poids de tout un pays. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja 

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