DÉLIT DE PRESSE - Une balise contre la dérive pénale réclamée

La refonte de la Loi sur la Communication médiatisée est engagée. Les professionnels de la presse exigent une balise claire pour éviter la requalification abusive des délits de presse en délits de droit commun.

La séance de consultation des acteurs des médias et de la presse dans le cadre  de la refonte de la Loi sur la Communication médiatisée a eu lieu hier.

Le processus de révision de la Loi sur la Communication médiatisée est désormais enclenché. Une première séance de consultation avec les acteurs du secteur s’est tenue hier à Nanisana, marquant le lancement des travaux d’élaboration d’un projet de modification qui sera prochainement soumis au Parlement.

L’enjeu est de taille : clarifier définitivement les zones d’ombre du texte actuel afin de garantir la liberté de la presse et de mieux protéger les journalistes dans l’exercice de leur métier.

Malgré l’existence d’une loi dépénalisant les délits de presse, plusieurs journalistes ont été incarcérés ces dernières années. Poursuivis pour des faits liés à leur activité professionnelle, ils ont été jugés pour des délits de droit commun, notamment en vertu de l’article 85 du Code pénal, relatif aux atteintes à la sûreté de l’État.

Une disposition souvent interprétée de manière extensive — voire abusive — lorsqu’une publication dérange. Au lieu d’amendes, ces journalistes ont ainsi été condamnés à des peines de prison, en contradiction totale avec l’esprit de la dépénalisation.

« Il faudrait mettre une frontière nette entre le délit de presse et le délit de droit commun, en ajoutant des définitions claires afin qu’il n’y ait plus de confusion », plaide Nadia Raonimanalina, membre de l’Association des femmes journalistes de Madagascar (AFJM).

Elle-même a déjà été confrontée à cette dérive pénale consistant à requalifier un acte journalistique en infraction de droit commun.

Harmoniser l’interprétation des textes

Pour y remédier, plusieurs participants ont proposé d’organiser des réunions conjointes entre juristes, magistrats, forces de l’ordre et représentants du ministère de la Justice, afin d’aboutir à une interprétation commune et équilibrée des textes.

Mais des zones grises subsistent, notamment à propos des publications sur les réseaux sociaux, devenus un espace public incontournable. Quelle responsabilité pour le journaliste lorsqu’il s’exprime sur son compte personnel ? Où s’arrête la liberté éditoriale et où commence l’expression citoyenne ?

« Si un journaliste s’exprime à titre personnel, la loi s’applique comme pour tout citoyen. Mais lorsqu’il agit en tant que professionnel pour le compte de son média, la loi doit le protéger, lui et son organe de presse », rappelle Raoto Andriamanambe, journaliste et participant à la consultation.

Après cette première rencontre physique, le ministère prévoit d’organiser des consultations en ligne, ouvertes à l’ensemble des professionnels. Les contributions recueillies seront intégrées dans un projet de texte qui devrait être présenté au vote dès cette session parlementaire.

Fait notable : même les acteurs traditionnellement réticents à participer sous les précédents régimes ont cette fois répondu présent — signe que la profession souhaite parler d’une seule voix pour défendre un droit fondamental : celui d’informer sans craindre la prison.

Tsilaviny Randriamanga


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