Lettre à la communauté internationale

Je m’associe à cette lettre collective. 

Par une de ces facéties, que seule la vie sait nous réserver, j’étais tombé (pages 219 et 220) sur ce passage du livre («Vers un monde sans pauvreté», éditions JC Lattès, 1997) de Muhammad Yunus, le «père du micro-crédit», entre autres outils de la lutte contre la pauvreté. C’était en octobre 1983, et le futur Prix Nobel de la paix (2006) réfléchissait à un logo pour la banque Grameen en train de voir le jour : «Pendant que nous définissions le cadre juridique de la banque, je réfléchissais aussi à un logo. Trois thèmes commençaient à se dégager, tous concernant le monde rural. L’un avait trait à la vannerie, belle allégorie où chaque petit élément peut former un tout aussi grand qu’on le souhaite. La disposition des fibres, au premier stade de la fabrication d’un bol en vannerie, avait particulièrement frappé mon imagination». La mienne également et c’est ainsi que je pris en photo un panier des plus banals  : c’était le 15 septembre 2025. Deux jours plus tard, j’envoyai la photo à l’imprimeur pour en faire l’illustration des panneaux d’un ouvrage-expo sur la micro-finance. Je n’aurais jamais imaginé que cette vannerie commune allait, chez la «Gen Z» de Madagascar, donner ses couleurs au couvre-chef d’un héros que je ne connaissais pas, d’un manga qu’il me faudra découvrir. 

(Ralliée à ce satroka ahibano) «La jeunesse malgache vient de renverser un dictateur. Ne la punissez pas pour cela. Dans cette lettre ouverte sans détour, écrivains et artistes malgaches conseillent à la communauté internationale de soutenir Madagascar et non de la sanctionner au lendemain du changement de régime». 

«En trois semaines, un soulèvement populaire a balayé Madagascar. Ce qui débuta par des protestations contre les pénuries d’eau et d’électricité devint une exigence collective de dignité. Le 12 octobre, sans bain de sang, la jeunesse malgache convainquit l’armée de changer de camp. Le président Andry Rajoelina prit la fuite». 

«Ce n’était pas un coup d’État. Ce fut une révolution, le peuple reprenant son destin en main». 

«La Génération Z mena l’assaut — organisé, déterminé, rapide. Les réseaux sociaux amplifièrent ce que le régime ne vit pas venir. Les revendications dépassaient les infrastructures défaillantes : elles réclamaient un avenir confisqué par des décennies de promesses trahies». 

«M. Rajoelina incarnait cette imposture. Arrivé au pouvoir par la force en 2009, réélu dans des scrutins contestés en 2018 et 2023, il promit de transformer Madagascar en économie émergente. Le résultat ? Quatre-vingts pour cent de la population vit avec moins de trois dollars par jour. Les enseignants attendent leurs salaires depuis des mois. Le réseau routier s’est dégradé en-deçà de son état de 1960. Pendant ce temps, son entourage amassait des fortunes tandis que les hôpitaux manquaient de médicaments». 

«Madagascar n’a pas besoin d’un retour à l’ordre ancien. Elle exige une refondation démocratique. La jeunesse l’a formulé clairement : un gouvernement de transition incluant la société civile, des réformes constitutionnelles contre les dérives autoritaires, des mécanismes transparents pour stopper et pénaliser la corruption». 

«Or, la réponse internationale menace de gâcher cette opportunité. L’Union africaine a imposé des sanctions automatiques, sans distinguer les juntes militaires des soulèvements populaires. Elle défend un ordre constitutionnel que M. Rajoelina violait impunément, tout en punissant ceux qui osèrent le tenir responsable». 

«Quelle ironie : lorsque les institutions sont corrompues, leur préservation perpétue l’injustice. Cette diplomatie du statu quo — qui privilégie la stabilité de façade à la justice réelle — alimente la colère d’une génération. Les jeunes, Africains et Malgaches, voient désormais les institutions continentales comme les gardiennes d’un ordre révolu, davantage soucieuses de géopolitique que de démocratie véritable». 

«Le choix est simple : soutenir une jeunesse qui bâtit son avenir, ou protéger le système qui l’a sacrifiée». 

«La jeunesse malgache a fait sa part. Elle s’est organisée, mobilisée et a tout risqué pour reprendre son avenir en main. Il revient désormais au monde de prouver qu’il était sincère lorsqu’il affirmait soutenir la démocratie et la dignité humaine. La révolution a réussi. Ce qui vient ensuite dépendra du courage de la communauté internationale à l’accompagner». 

Par : Soamiely Andriamananjara (écrivain), Fanja Andriamanantena (artiste), Jean Andrianaivo Ravelona (peintre), Hajaina Andrianasolo (écrivain), Hemerson Andrianetrazafy (peintre, ecrivain, musicien), Hobiana Andrianimerina (écrivain), Ny R. Fidimanantsoa (écrivain/musicien), Raharimanana (écrivain), Norbert Eugene Rakotomahafaly (RANOE) (écrivain), Michele Rakotoson (écrivain), Tiana Raparivo (peintre), Nalisoa Ravalitera (écrivain), Johary Ravaloson (écrivain), Mialy Ravelomanana (écrivain), VANF (chroniqueur).  

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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