JEAN ANDRIANAIVO RAVELONA - « La restitution des Kabeso sakalava est une victoire culturelle »

La remise des Kabeso sakalava, dont celui du roi Toera, a eu lieu à Paris et leur arrivée à Ivato est prévue dimanche, avant des cérémonies à Antananarivo et leur retour à Menabe. Jean Andrianaivo Ravelona, artiste et défenseur du patrimoine, prépare une exposition sur l’Anatirova et commente cette restitution.

L'artiste Jean Andrianaivo Ravelona.

D’après vous, que représente le retour du kabeso du Roi Toera pour Madagascar ?

Le kabeso du Roi Andriamilafikarivo constitue un symbole majeur du patrimoine identitaire, reflet d’une culture patriotique et forte du Royaume Sakalava, et plus largement de Madagascar. Le retour du kabeso symbolise une réappropriation et restitution des biens culturels. Tout objet d’art ou site de patrimoine désacralisé mérite en effet d'être restitué à son état d’origine.

Pouvez-vous rappeler le contexte historique de cette spoliation ?

En 1897, après le massacre d’Ambiky, les colons ont emporté le crâne du Roi, considérant que la tête est le siège du pouvoir spirituel et culturel. Exposé pendant plus d’un siècle au Musée de l’Homme à Paris, il fut présenté comme un trophée de guerre, symbole de défaite et d’humiliation. Aujourd’hui, le kabeso doit incarner pour tous les Malgaches un trophée de résistance et de victoire.

Quelle signification ce retour a-t-il pour la communauté Sakalava et pour Madagascar ?

Il faut saluer la réclamation incessante de la communauté du Menabe ainsi que les démarches administratives de l’État malgache pour ce retour en terre d’origine. La Communauté Sakalava et les descendants royaux du Menabe ont toutes les raisons de revendiquer le kabeso : sa présence est un acte fort de victoire, de patriotisme et de fierté identitaire. Posséder le kabeso du Roi Toera signifie la restitution de leur identité et la réappropriation d’une culture longtemps perdue, transformée désormais en culture de vainqueur.

Quel est l’état actuel du patrimoine à Madagascar ?

Le patrimoine malgache est aujourd’hui très fragilisé. Sous toutes ses formes, il est menacé. Le pouvoir en place mène une politique culturelle aventuriste et inquiétante, au lieu d’entretenir l’héritage culturel. L’État malgache est très actif quand il s’agit de restituer au pays certains objets de patrimoine, entre autres le kabeso du Roi Toera, ou aussi les deniers de la princesse Ramasindrazana, lors d’une vente aux enchères à Londres. Mais, inversement, il tend à détruire tout ce qui est patrimoine existant, à savoir le projet de destruction de plusieurs milliers de baobabs, patrimoine naturel, dans le Base Tulear, la destruction de la fondation du Lapa Masoandro à Anatirova pour mettre un colisée, etc. Il dramatise surtout la manière de restaurer les édifices et les lieux patrimoniaux.

Quel message adressez-vous aux autorités malgaches ?

Toujours dans ce programme de restitution « mamerina @ toerany » des objets patrimoniaux, comme les deniers de la  princesse Ramasindrazana ou le kabeso du Roi Toera, il est du devoir sacré de l’État malgache de remettre à leur état ou à leur forme d’origine les patrimoines désacralisés. Tels que le nom « Kianjan’i Mahamasina » au lieu de « Kianjan’i Barea », « Rovan’Antananarivo » au lieu de « Rovan’i Madagasikara », le site historique d’Ampihaonana à Betafo aujourd’hui remplacé par des toilettes publiques, la fondation du Lapa Masoandro et donc la destruction du « Kianja Masoandro » ou Colisée. Ainsi que de nombreux cas similaires dans chaque Faritany.

Quel serait l’enjeu ultime de ces restitutions ?

Une telle démarche contribue à rendre à Madagascar sa dignité culturelle et nationale.

Nicole Rafalimananjara

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