Irangate à la malgache

L’expression «Irangate», sur le mode de son précédent «Watergate» qui avait poussé un président des États-Unis (Richard Nixon) à la démission, avait été forgée à la suite d’un scandale politico-militaire ayant éclaté en 1986-1987, sous l’administration de Ronald Reagan : un trafic d’armes avec l’Iran, pourtant sous embargo depuis l’attaque de l’ambassade américaine à Téhéran en novembre 1979, avait été organisé par des officiels américains. 

Le «Irangate» à la malgache concerne la livraison frauduleuse de cinq Boeing 777 à une compagnie aérienne privée iranienne. Le scoop a été livré par le «Le Journal de l’Aviation» qui, dans sa livraison du mardi 22 juillet 2025, révèle que «cinq Boeing 777-200 ER ont rejoint discrètement l’Iran le 15 juillet en provenance de Siem Reap (Cambodge), des appareils temporairement immatriculés à Madagascar (5R) pour leur convoyage».

Au bout d’une grosse semaine, du 22 au 30 juillet 2025, le Gouvernement malgache prend la mesure d’une affaire qui menace les intérêts économiques de Madagascar dans d’incontournables négociations des droits de douanes avec les États-Unis, tout en écornant encore un peu plus l’image déjà guère reluisante à l’international d’un pays classé parmi les plus pauvres du monde.  

Certes, il ne s’agit que du «Monde», mais le quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944 était, du moins dans mes lectures SAS-Malko Linge, la référence francophone comme l’avait pu être l’IHT (International Herald Tribune) pour les anglophones planqués au lobby des Hilton de la guerre froide, de Istanbul au Caire ou Téhéran, mais jamais TNR, contrairement à «Dérive sur Tananarive» de OSS117.  

Dès lors, Madagascar se serait bien passé de cette publicité : «Cinq Boeing 777 localisés en Iran après une immatriculation provisoire à Madagascar: Comment cinq avions de ligne Boeing, un temps immatriculé à Madagascar, ont-ils pu se retrouver en Iran, pays sous sanctions internationales (...) La localisation récente des cinq Boeing 777 en Iran est embarrassante pour Madagascar vis-à-vis des États-Unis»...

Les grands mots, qu’on aurait préféré entendre en amont, ont été prononcés : «Ce n’est pas une erreur technique, c’est une faute lourde». Elle est où l’erreur, elle est où la faute : d’avoir accordé à une société d’import-export de légumineuses un certificat de possible immatriculation, même provisoire, de cinq Boeing 777 ? D’avoir inconsidérément engagé Madagascar à l’international ? D’avoir laissé croire que, décidément, à Madagascar rien n’est impossible et que l’incroyable est vrai ?

Dans les années 1980s, l’Iran des ayatollahs avait besoin de composantes américaines pour maintenir un arsenal d’armes US acquises au temps du Shah d’Iran. En ces années 2025, on suppose que l’Iran a tout autant besoin de pièces bien américaines pour continuer à faire fonctionner ses Boeing. Sauf que, et quoi qu’on puisse expliquer a posteriori, c’est bien un certificat d’immatriculation provisoire délivré par l’ACM (Aviation Civile Malgache) le 17 janvier 2025 et valable jusqu’au 17 avril (validité illégalement prolongée jusqu’au 12 juillet 2025, dit-on), qui aura permis à l’Iran d’entrer en possession de cinq avions complets, en état de fonctionnement. 

Les protestations publiques des officiels malgaches, à tous les échelons, auront au moins eu le mérite de clarifier un positionnement hautement stratégique en ces temps de guerre ouverte entre l’Iran et Israël, sur fond d’échanges aigres-doux entre Washington et Téhéran : Madagascar dans sa neutralité tous azimuts, est aligné sur les sanctions internationales décrétées contre l’Iran. On comprend que l’ambassade d’Iran à Antananarivo faillit fermer en 2020, avant le Covid. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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