L’histoire se rappelle à notre souvenir si elle n’était pas un éternel recommencement. Trois officiers parachutistes ont péri avant-hier à Arivonimamo lors d’un saut d’obtention d’un brevet. Il s’agit de très jeunes officiers de l’armée et de la gendarmerie sortant de l’Académie militaire d’Antsirabe. Cinq autres officiers ont été blessés plus ou moins gravement.
La version officielle de la cause de l’accident mortel de ces officiers serait relative à une météo particulièrement hostile. Le vent aurait soufflé fort et rendu les sauts périlleux.
Ce regrettable accident nous ramène cinquante ans et quarante ans en arrière à l’époque de la révolution socialiste où les accidents d’aéronefs étaient fréquents comme par hasard.
Ainsi le 3O juillet 1976, treize personnes ont péri dans le crash d’un hélicoptère Alouette 3 à Ankazomiriotra. Parmi les victimes se trouvaient le Premier ministre Joël Rakotomalala, le ministre de l’Agriculture et de la Réforme agraire, Pierre Rajaonah, le chef de l’État-major de l’Armée, le colonel Alphonse Rakotonirainy, le chef de cabinet militaire du Premier ministre, le commandant Martin Rampanana, le pilote Angelo Todisoa, le mécanicien, l’aspirant Fernand Andriamananto et le caméraman de la TVM, Victor Randriatsoa. Ils devaient assister à une cérémonie à l’Académie militaire d’Antsirabe.
Le 26 mai 1986, un autre crash d’un DC 3 de l’Armée du côté de la colline d’Ampamoizankova allait également tuer treize personnes dont le ministre de la Défense nationale, le contre-amiral Guy Albert Sibon, le DG de l’Omnis, le général Hubert Randrianasolo, l’Intendant général Jean Jacques Rasolomalala, SG du ministère de la Défense …Tout était verrouillé à l’époque.
Sans oublier l’assassinat du chef de l’État, le colonel Richard Ratsimandrava, le 11 février 1975 dont le procès s’était terminé par la condamnation à cinq ans de prison de cinq larbins, sitôt amnistiés par Ratsiraka.
Le dénominateur commun de tous ces « accidents »
est l’inexistence de la conclusion de l’enquête. Le temps et la mémoire eux-mêmes ont fini par abdiquer, de guerre lasse alors que ceux qui ont vécu à l’époque, la plupart, sont emprisonnés par le célèbre général Alzheimer. La jeune génération est plutôt absorbée par le fait de devenir par enchantement un pacha à trois queues que de ronger la méninge à rattraper l’histoire.
Une enquête est certainement ouverte à propos de l’accident de la base militaire d’Arivonimamo hier, mais à l’image du crash de l’hélicoptère qui a tué deux passagers et à bord duquel se trouvait le secrétaire d’État, le général Serge Gellé, il y a fort à parier qu’il n’en restera que des souvenirs.
L’opinion en général, les proches et les familles des victimes ont le droit de savoir la vérité pour pouvoir au moins faire le deuil une bonne fois pour toutes. On ne peut pas vivre éternellement et dormir sur un matelas bourré de mystère. La vérité finira toujours par éclater aussi longtemps que l’histoire continue.
Sylvain Ranjalahy