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La colline d’Ambohijoky, anciennement appelée Analamasina. |
En se référant à des travaux de Célestin Raparison, gouverneur honoraire, officier d’Académie, Lanto Ratsida, sociologue, mène une étude sur « Les Manisotra d'Ambohijoky: une résistance emblématique dans l'histoire politique de l'Imerina ». Comme il le précise de prime abord, l'épopée des Manisotra d'Ambohijoky, telle qu’elle est rapportée par Célestin Raparison, explore l'histoire et la signification de ce site sacré à Madagascar (Célestin Raparison « Note sur Ambohijoky», « Revue de Madagascar » N°27, 1964). Les travaux de ce dernier abordent la géographie de la colline, ses habitants originels, et les conflits historiques liés au lieu, notam-ment les affrontements entre les Avaradrano et les Manisotra.
En fait, met en évidence Lanto Ratsida, la publication de 1964 « constitue un témoignage singulier de l'historiographie malgache postcoloniale naissante ». Selon lui, elle s'inscrit dans un contexte particulier où les élites malgaches formées à l'école coloniale tentent « de réapproprier leur propre histoire », en naviguant entre traditions orales et exigences académiques occidentales ». Elle révèle aussi « les tensions inhérentes à l'écriture de l'histoire dans un pays nouvellement indépendant, où se mêlent légitimité politique, mémoire collective et objectivité scientifique ».
Lanto Ratsida met en évidence que les Manisotra représentent un groupe social particulier dans la hiérarchie complexe de la société merina. Descendants d'anciens esclaves affranchis, ils occupent une position intermédiaire dans l'organisation sociale de l'Imerina, se situant entre les Hova et les Andevo dans la stratification traditionnelle. Leur installation à Ambohijoky, anciennement appelé Analamasina, remonte à une époque ancienne, quand ils ont conquis ce territoire sous les ordres de la princesse Rasahala, au service d'Andriamasinavalona. « Cette origine militaire explique en partie leur fierté et leur détermination à défendre leur autonomie contre les velléités d'expansion du royaume d'Ambohimanga. »
L'implantation des Manisotra à Ambohijoky témoigne de leur capacité d'adaptation et d'organisation remarquable dans le contexte politique de l'Imerina du XVIIIe siècle. Conscients des leçons du passé, notamment de la conquête d'Analamasina par trente conquérants qui s’y sont introduits par un sentier sinueux, « ils développèrent un système défensif d'une sophistication remarquable ». L'aménagement de sept fossés profonds, séparés par des intervalles de 50 à 200 mètres et atteignant une profondeur de 5 à 7 mètres, révèle une compréhension de l'ingénierie militaire et des stratégies défensives.
Le sociologue apporte une explication supplémentaire. « Le choix du chiffre sept, considéré comme sacré dans la cosmologie malgache, souligne également l'importance des croyances traditionnelles dans l'organisation de leur résistance selon les observations de Célestin Raparison. » Les recherches de ce dernier dévoilent aussi que la résistance des Manisotra s'inscrit dans le contexte plus large de l'entreprise d'unification menée par Andrianam-poinimerina.
Ce souverain d’Ambohi-manga (1787-1810) entreprend de réunifier l'Imerina morcelé depuis la division du royaume entre les quatre fils d'Andriamasinavalona. Sa stratégie politique repose sur une combinaison de conquêtes militaires, d'alliances matrimoniales et de réformes administratives caractéristiques des grands unificateurs de l'histoire malgache.
D’ailleurs, des textes sur des personnalités comme Rafotsirabodo, l’une des épouses d'Andrianampoinimerina et qui donne son nom à Ambohijoky, sont inclus dans la Note de Célestin Raparison, offrant un aperçu des lignages et des coutumes locales.
Cependant, la résistance des Manisotra d'Ambohijoky constitue l'un des défis les plus redoutables de cette entreprise unificatrice. Leur refus de se soumettre à l'autorité d'Andrianampoinimerina s'explique par plusieurs facteurs identifiés avec précision par l'auteur de la Note. « D'une part, leur statut d'anciens esclaves affranchis leur conférait une identité particulière et une fierté qui les rendait réticents à accepter une nouvelle forme de subordination dans le système politique merina. D'autre part, leur expérience militaire et leur organisation défensive leur donnaient confiance en leur capacité à résister aux forces royales malgré la supériorité numérique de ces dernières. Enfin, leur attachement à leur autonomie territoriale et à leurs traditions ancestrales renforçait leur détermination à maintenir leur indépendance face aux transformations politiques de l'époque. »
Pela Ravalitera