La langue malgache, le meilleur ciment de l’unité nationale

Une  presse à main qui date du règne de Ranavalona II.

Nous ne sommes plus une colonie. Nous sommes une Nation libre… Montrons-nous sages et résolus à assurer un bel avenir à notre pays. Nous avons une belle mais lourde charge à mener à bien maintenant, et nous la mènerons à bien nous-mêmes. » Ainsi s’exprime le premier président de la République, Philibert Tsiranana, alors que la République vient de naître, le 14 octobre 1958. Date que le président Andry Rajoelina compte marquer, soixante-deux ans plus tard, dans le cadre de la célébration des soixante années d’indépendance recouvrée, par l’inauguration de toutes les restaurations et construction initiées dans le Rova d’Antananarivo, un symbole de la souveraineté et de l’unité nationale.

À travers les différentes époques de l’histoire de Madagascar, traditions et civilisation malgaches apprennent à vivre côte à côte. Mais cela ne se fait pas facilement. Le XIXe siècle malgache, à partir de Radama Ier (1810-1828) est dominé par l’affrontement de la civilisation ancestrale et des conceptions occidentales. « L’écriture et le christianisme parviennent jusqu’au cœur de l’ile, alors s’affirme la prépondérance du royaume merina» (Histoire de Madagascar, destinée aux classes Terminales, 1967). Toutefois, la réaction conservatrice et souvent violente de la reine Ranavalona Ire pour préserver les us et coutumes nationaux, la révolte de mai 1863 contre son fils Radama II, les efforts tenaces du Premier ministre Rainilaiarivony ralentissent l’occidentalisation. 

Néanmoins, sur les Hautes-Terres, après 1862, année où Ranavalona Ire tourne le dos, les missions chrétiennes, reviennent et multiplient les écoles. Et « loin de disparaitre, la langue malgache, désormais écrite, devient l’instrument de l’administration ». Des revues, des journaux, une littérature déjà importante, dans le dernier tiers du XIXe siècle, constituent la contribution de la première génération d’intellectuels nés dans le pays, à l’enrichissement de la langue malgache. Et dès les premières pages de leurs écrits, « la langue maternelle exprime le patriotisme, l’attachement à la terre des ancêtres ». Parallèlement, les Européens, missionnaires surtout, sont conscients de la « valeur culturelle » de la langue malgache. « La diffusion de la Bible, des catéchismes, des notions élémentaires inscrites au programme des écoles, opèrent dans le même sens. »

En 1895, la conquête française met définitivement fin à l’influence anglaise dans la Grande Ile. Un bilinguisme, malgache-français, s’implante avec la colonisation. Pendant plus de soixante ans, le français est utilisé au même titre que le malgache. Il est surtout considéré comme la « langue du Vazaha, du colon, de l’administrateur, de l’instituteur, du professeur ». Mais c’est aussi le véhicule de la culture occidentale, le cartésianisme, la science et la technique. Quand sonne le retour de l’Indépendance, « la civilisation malgache contemporaine s’épanouit dans le contexte de la souveraineté recouvrée ».

Ainsi, « la langue malgache est le meilleur ciment de l’Unité nationale. Grâce au bilinguisme, le patrimoine culturel, né des sources profondes, peut collaborer à la civilisation intellectuelle ». C’est sur cet héritage traditionnel que repose la civilisation contemporaine, insistent les auteurs de l’ouvrage d’histoire, qui mettent l’accent sur « la longue élaboration des valeurs spécifiquement malgaches. Ils dégagent ainsi l’unité culturelle qui résulte de la force des valeurs apportées par les premières vagues des Proto-malgaches ». Et d’ajouter : « Malgré l’émiettement des groupes dans l’espace, la communauté de la langue, des croyances, des mœurs, malgré la différenciation locale cette unité culturelle est bien réelle. »

Comme l’indique Siméon Rajaona, la langue malgache montre  la force et l’emprise de la tradition et de la société sur le Malgache ( Aspects de la psychologie malgache vue à travers certains traits de kabary et quelques faits de langue , Annales malgaches  de l’Université de Madagascar,  1963). De même, selon les mêmes auteurs, la cohésion du groupe résulte du passé. Des liens puissants, « millénaires peut-être », attachent le Malgache à la terre. 

« Les Malgaches sont attachés à la terre en tant que terre. On l’aime aussi parce qu’elle est vôtre ou la jouissance de la possession. Jamais les Malgaches ne s’étaient imaginé que l’on peut mettre en doute l’éminence de leur droit de propriété. L’ile leur appartenait à tous, et il n’a été reconnu à personne, même pas au roi, le privilège d’en disposer à sa guise, de céder la moindre parcelle à un étranger. Le roi Radama II a payé de sa vie une tentative dans ce sens. Il a fallu les Français pour tout remettre en question… Certes, l’aménagement de l’unité politique connut des fortunes diverses. Mais de l’Ouest au Centre, ou de l’Est, tous les souverains malgaches ont usé d’un même rituel pour proclamer leur sens d’une patrie une et indivisible ! Andriandahifotsy chez les Sakalava, Ramaromanompo chez les Betsimisaraka, Andrianampoinimerina chez les Mer­­ina, Andriamanalinarivo chez les Betsileo, etc. La formule consacrée est celle-ci qui revient avec l’obsession d’un leitmotiv, à chaque kabary : Cette terre, Dieu et les ancêtres me l’ont donnée sans partage…» Et comme le précise le grand monarque d’Imerina, « la mer seule constitue la limite de mon royaume». 

Pela Ravalitera

1 Commentaires

  1. autrefois colonie française Madagascar est devenue depuis Colonie de trente six pays sans que le malgache soit enrichi ,tout au contraire

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