DANIEL MARTIN LOSA – SCÉNARISTE - « Tsara Joro rend hommage aux martyrs de l’indépendance »

Le film Tsara Joro, qui retrace certains des épisodes les plus sombres de la lutte pour l’indépendance de Madagascar, a été projeté ce week-end au CanalOlympia Andohatapenaka. Derrière ce scénario poignant, on retrouve un nom inattendu : celui de Daniel Martin Losa, journaliste et scénariste espagnol installé à Madagascar.

Daniel Martin Losa est l’Espagnol qui a écrit le film Tsara Joro.

Avant de parler du film, pouvez-vous nous retracer votre parcours personnel et professionnel ?

Je suis Espagnol, mais j’ai vécu 26 ans en Belgique. Je suis journaliste de formation, spécialisé dans le cinéma, et j’ai aussi étudié le théâtre français. J’ai travaillé dans un quotidien belge, puis je suis retourné vivre en Espagne. Cela fait maintenant quatre ans que je réside à Madagascar.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire un film sur la lutte pour l’indépendance malgache ?

Ce sont les plus de deux cent mille morts lors de cette lutte qui m’ont interpellé. Je me suis dit qu’il fallait absolument se souvenir de ces personnes qui ont été massacrées : des enfants, des femmes, des grands-parents. Ce fut un drame humain immense. Ce n’est pas parce que je ne suis pas Malgache que je ne me sens pas concerné. L’injustice me touche profondément. J’ai voulu être la voix de ces victimes oubliées. Ce film est un hommage, un acte de solidarité, un cri contre l’oubli.

Comment vous êtes-vous documenté pour écrire ce scénario ?

J’ai lu de nombreux ouvrages, interrogé des historiens, en France comme à Madagascar, et effectué des recherches approfondies sur Internet. Je tenais à garantir l’exactitude historique, éviter les approximations, et surtout transmettre une émotion juste.

Le film mêle le français et le malgache. Comment avez-vous géré cette dimension linguistique ?

J’ai rédigé le scénario en français. Dans le film, les Français parlent leur langue, et les Malgaches s’expriment en malgache. Pour cela, j’ai fait appel à un traducteur spécialisé dans l’adaptation cinématographique. Il ne s’agissait pas d’une simple traduction littérale : il fallait adapter le rythme, la musicalité, et parfois laisser les acteurs improviser. Ce qui m’importait, c’était l’authenticité. Et je dois dire que les comédiens se sont formidablement approprié leurs rôles.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors du tournage ?

Le temps, avant tout ! Nous avons tourné en seulement dix jours. C’était un vrai défi, d’autant plus que beaucoup d’acteurs étaient débutants. Mais ils ont su mémoriser leurs textes avec une concentration admirable. Il y a eu aussi des problèmes de coordination, mais l’ambiance sur le plateau — entre vétérans, débutants, enfants, Vazaha et Malgaches — a été exceptionnelle. Tout le monde a travaillé avec cœur. Les costumes étaient d’époque, les décors soignés, et certaines scènes, comme celle dans le wagon de Moramanga, ont été tournées sur les lieux mêmes des événements.

Quelles réactions le film a-t-il suscitées auprès du public ?

Beaucoup, et très fortes. J’ai volontairement choisi de faire un film avec peu de dialogues, mais chargé d’émotion. Moi-même, je pleure encore en regardant certaines scènes, comme celle du massacre dans le wagon. Une dame m’a confié que son grand-père faisait partie des victimes de Moramanga. Elle était bouleversée, et moi aussi. Ces témoignages me rappellent pourquoi j’ai voulu faire ce film : pour que ces morts ne soient jamais oubliés.

Quels sont vos projets à venir ?

Je prépare un film de Noël qui sera tourné ici, à Antananarivo. Je souhaite également réaliser un film historique sur les pirates de Sainte-Marie, un sujet passionnant. Je travaille beaucoup la nuit, je dors peu… Mais l’inspiration est toujours là. J’ai envie de m’ancrer dans le cinéma malgache et de continuer à écrire des histoires qui comptent.

 Nicole Rafalimananjara

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