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Les acteurs du secteur des assurances veulent élargir leur marché. |
De la révision du code des assurances actée en 2020 à la recomposition du secteur avec la fusion de deux acteurs et l’arrivée d’un nouveau, en passant par l’intensification de la course au lancement de nouveaux produits, les lignes bougent doucement dans le secteur de l’assurance à Madagascar.
Le rapport d’évaluation conjointe du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, effectué il y a quelques années dans le cadre du Programme d’Évaluation du Secteur Financier (PESF), a donné lieu à plusieurs recommandations jugées nécessaires pour réformer le secteur de l’assurance dans le pays. Ces institutions ont notamment souligné l’importance de transférer la supervision du secteur à une autorité indépendante, en l’occurrence la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF). Une mesure devenue effective depuis. Pour rappel, la supervision du secteur des assurances a été confiée par le passé au Service des Assurances au sein du ministère de l’Économie, puis à la Direction du Trésor.
Selon les responsables, les réformes initiées ont surtout consisté en la mise en place du cadre légal et réglementaire du contrôle du secteur. Il en est de même pour le développement de l’approche de la supervision conforme aux standards internationaux. D’après Banky Foiben’i Madagasikara (BFM), l’objectif poursuivi n’est autre que la stabilité de d’écosystème en évolution des assurances, ainsi que ses impacts positifs sur l’économie. La contribution des assurances au développement de l’économie étant appelée à croître significativement. Actuellement, le secteur ne représente que 0,7% du produit intérieur brut du pays, contre 2 ou 3% dans certains pays d’Afrique. Il est constaté également que plus de 60% des adultes à Madagascar n’ont pas encore connaissance du système des assurances et que plus de 90% des Malgaches ne sont souscrits à aucune assurance.
Pour sa part, le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) a souligné que différentes initiatives ont été entreprises pour la mise en place d’un secteur de l’assurance solide et résilient, favorisant ainsi l’inclusion financière. Ce département qui a ajouté que la CSBF collabore avec la Direction des Opérations Financières au sein de la Direction Générale du Trésor et du ministère de l’Économie et des Finances pour que les actions de réformes puissent engendrer les résultats escomptés. De leur côté, les compagnies d’assurances estiment que le secteur monte en dynamisme, les produits s’améliorent et se diversifient et le marché tend à s’élargir. On remarque aussi que les partenariats entre les banques, les opérateurs de mobile money et les assureurs se multiplient. À signaler également l’entrée en scène d’une nouvelle compagnie dénommée AFG Assur Madagascar sur un marché dont le leader demeure la compagnie Aro avec une part de plus de 45% du total des primes souscrites.
Au niveau régional, les acteurs du secteur échangent régulièrement sur les pistes permettant de développer le marché. Avec un taux de pénétration moyen inférieur à 3 % dans la majorité des pays, dont la Grande île, le marché reste en effet largement sous-exploité. À l’occasion de la 49e Assemblée générale de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines (FANAF), tenue au mois de février dernier, la problématique de l’expansion du marché des assurances a largement été débattue par les membres de la Fédération dont Madagascar fait partie des membres actifs. L’objectif est de se rapprocher de la moyenne mondiale qui dépasse aujourd’hui les 9 %.
La réassurance, un domaine encore méconnu
«Les populations dans leur grande majorité perçoivent encore l’assurance comme une charge financière non essentielle. De plus, la méfiance envers les compagnies d’assurance limite l’engagement des ménages et des entreprises. À cela s’ajoutent un pouvoir d’achat limité et une économie informelle prépondérante. Les assureurs rappellent souvent le fait qu’avec plus de 80 % de la population active travaillant dans le secteur informel, les revenus irréguliers et la priorité donnée aux besoins immédiats constituent des facteurs qui ralentissent l’essor de l’assurance», constate Mialy Rakotoarisoa, consultante spécialisée dans les services financiers.
À savoir en outre que le secteur de l’assurance comprend un domaine de premier plan qu’est la réassurance. Celle-ci ne peut pas exister sans l’étape préliminaire du transfert de risque que représente l’assurance primaire. La réassurance fait partie du secteur de l’assurance et de la finance en général. Mais cette activité est encore peu connue du grand public. Selon les derniers chiffres, le secteur de la réassurance totalise 6,2% du total du marché africain, toutes activités confondues. Elle a enregistré une hausse de plus de 20% depuis 2017. Les dix premières compagnies totalisent 75,86% des souscriptions de réassurance.
Pour rappel, c’est par une ordonnance datant d’avril 1988 qu’a été autorisée l’adhésion de Madagascar à l’Accord portant création de la Société Africaine de Réassurance ou Africa Re. Par ailleurs, dans la nouvelle loi sur les assurances, il est stipulé que la réassurance est l’opération par laquelle l’assureur ou cédant transfère à un ou plusieurs réassureurs ou cessionnaires tout ou partie des risques qu’il a lui-même accepté de couvrir. Parmi les principales innovations et améliorations apportées par le nouveau code, notons l’élargissement du paysage du secteur des assurances avec la possibilité de s’établir comme une compagnie de réassurance et l’autorisation pour les entreprises de réassurance étrangères de s’établir comme succursale.
Lors d’un atelier organisé par le Bureau Régional d’Africa Re, qui a vu la participation d’une quarantaine de personnes issues notamment des compagnies d’assurance opérant à Madagascar, des courtiers directs locaux, de la CSBF, du ministère de l’Économie et des Finances et de professionnels étrangers, divers aspects juridiques et techniques de la réassurance ont été abordés. Ils vont des principes de base aux différents types de couvertures de réassurance, en passant par les considérations clés pour l’élaboration d’un programme de réassurance.
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Les initiatives se multiplient pour augmenter le taux de pénétration de l’assurance à Madagascar. |
À l’ère des risques climatiques
Selon un sondage réalisé par le cabinet Faber Consulting pour le compte de l’Organisation des Assurances Africaines (OAA), plus de 90% des dirigeants des compagnies opérant dans le secteur des assurances dans la région ont observé une hausse de la fréquence des risques climatiques ces dernières années. Le constat est clair : les aléas climatiques se multiplient et deviennent plus graves sur le continent, alors que la demande de couverture de ces risques est encore faible, en raison de tarifs élevés, du manque de connaissance des solutions existantes ou encore de l’incapacité des assureurs à proposer des produits attrayants.
Le rapport note que quatre risques ont été cités plus souvent que les autres par les dirigeants interrogés : les cyclones (notamment à Madagascar, à Maurice et au Mozambique), les inondations (Afrique de l’Ouest et Afrique de l’Est notamment), les feux de forêt (Afrique du Nord) et les tempêtes de grêle (Afrique australe). On sait en outre que plus de 80% des sondés ont observé une augmentation de la gravité de ces phénomènes extrêmes, notamment des tempêtes tropicales et des inondations.
Selon la Banque Africaine de Développement (AFD), institution qui tient un rôle de premier plan dans l’appui au développement du pays, les risques climatiques sont devenus un point essentiel pour garantir la durabilité des programmes de développement, notamment pour le secteur agricole. La BAD qui souligne notamment que le Mécanisme d’assurance contre les risques climatiques pour l’adaptation en Afrique (Acrifa) démontre l’importance de l’assurance en tant qu’outil pour favoriser l’adaptation climatique, la résilience et le développement durable dans la région. À savoir que ce mécanisme vise à lever un capital initial de 1 milliard de dollars en capitaux concessionnels à haut risque et en subventions pour stimuler le développement et l’adoption de solutions d’assurance climatique ciblées, délivrées par des assureurs primaires et des réassureurs régionaux à travers l’Afrique.
INTÉGRATION RÉGIONALE - Les assureurs jouent leur partition
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Pour les autorités, la réforme du code des assurances constitue une étape majeure pour développer le secteur. |
La 10e édition du Sommet des compagnies d’assurances et de réassurance s’est déroulée dernièrement à Cape Town, en Afrique du Sud, sur un appel à l’action pour les dirigeants africains du secteur de l’assurance : “adopter l’innovation, cultiver un leadership adaptatif et stimuler la collaboration régionale pour préparer l’avenir de l’industrie”.
Placé sous le thème “L’Afrique en action”, ce sommet a rassemblé plus de 100 dirigeants d’entreprises d’assurance, régulateurs et leaders d’opinion pour un dialogue stratégique et une réflexion tournée vers l’avenir. Le rassemblement de cette année a également marqué une étape importante - le 40e anniversaire de Continental Reinsurance - célébrant quatre décennies d’engagement en faveur de la gestion des risques, du développement des capacités et de la résilience régionale. L’occasion a permis de souligner surtout le besoin urgent de partenariats inclusifs et d’un leadership agile pour naviguer dans la volatilité sociopolitique et environnementale d’aujourd’hui.
«Le leadership dans le secteur de l’assurance en Afrique nécessite un partenariat. Nous devons définir des lignes directrices qui nous permettent de faire face aux divers changements qui se produisent dans nos sociétés», a-t-on fait constater avant d’exhorter le secteur à transformer les défis en opportunités collectives. Mais la rencontre a aussi mis en avant le potentiel de transformation de l’intelligence artificielle (IA). Différentes interventions ont montré comment l’IA peut accélérer la conception de produits en créant une solution d’assurance sur mesure. Par ailleurs, un sondage en temps réel réalisé lors du sommet a révélé que 61 % des dirigeants de compagnies étaient ouverts à l’utilisation de l’IA dans la souscription, bien que 41 % ne l’aient pas encore mise en œuvre.
À savoir enfin qu’une autre session clé a abordé la transition vers les cadres de capital basé sur le risque (RBC). Dirigé par David Kirk, directeur général de Milliman Afrique, avec des contributions de Jooste Steynberg de la South African Reserve Bank et de Cedric Maxwell, Group Chief Risk Officer chez Continental Re, le panel a souligné la nécessité d’une approche progressive et pragmatique de la conformité au RBC qui préserve à la fois la croissance et la protection des assurés.
À l’issue du sommet, le message était clair : il faut s’adapter et collaborer. Le secteur de l’assurance doit se positionner non seulement comme un stabilisateur mais aussi comme un catalyseur de l’évolution numérique et économique de la région. Le sommet a également servi de toile de fond à la 10e édition des prix panafricains du journalisme dédiés au secteur, qui ont récompensé l’excellence journalistique dans le domaine de l’assurance sur tout le continent. Malheureusement, Madagascar n’a pas été représenté à ce concours cette année.
VERBATIM
Andry Ramanampanoharana, secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances
« La raison d’être des compagnies d’assurances est de créer un environnement sécurisant. Mais il y a aussi la nécessité d’adapter les offres assurantielles aux besoins des entreprises et des investisseurs, notamment en matière de coût. Si le coût est supérieur aux bénéfices que l’on pourrait tirer, cela ne présenterait aucun intérêt. Il faut améliorer l’offre de manière à ce qu’on puisse offrir un environnement sécurisant avec un coût supportable »
Gervais Atta, directeur régional pour l’océan Indien d’Atlantic Group
« Bien que la bancassurance soit une pratique établie depuis longtemps en Afrique, son expansion et son efficacité ont varié d’un pays à l’autre. À Madagascar, ce secteur en est encore à un stade précoce de développement. Malgré l’émergence de quelques offres ces dernières années, les acteurs locaux s’efforcent de créer des produits financiers et assurantiels qui répondent spécifiquement aux besoins des particuliers, des entreprises et des institutions de l’île. »
LE SECTEUR DE L’ASSURANCE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar