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Madagascar doit gagner le pari de la transformation locale de ses noix de cajou. |
À Madagascar, la filière noix de cajou ou anacarde doit encore s’améliorer notablement pour s’aligner sur les performances des autres pays de la région et augmenter ses revenus à l’exportation. Une nécessité dans un contexte marqué par la baisse des recettes en devises.
La noix de cajou, appelée aussi anacarde, est la graine contenue dans la pomme de cajou, le fruit de l’anacardier, arbre originaire d’Amérique tropicale. Le fruit est une drupe dont la coque contient une résine caustique et allergisante, avec à l’intérieur une amande comestible qui, après avoir subi une série d’opérations de séchage, chauffage, décorticage et torréfaction, acquiert toutes ses qualités gustatives. Comme l’arachide, elle peut alors être consommée telle quelle ou servir en cuisine. Dans de nombreux pays, elle est principalement commercialisée grillée et salée, en tant qu’amuse-gueule.
Depuis les années 2000, la demande de noix de cajou sur le marché international a connu une croissance notable. Sur le marché des fruits à coque (non décortiqués), la noix de cajou arrive en tête en tonnage avec plus de 4 millions de tonnes, devant l’amande et la noix commune. Par contre, en valeur de la production, elle est derrière l’amande et la noix. Selon les données disponibles, Madagascar exporte en moyenne 10 000 tonnes de noix de cajou brutes par an, à destination principalement des pays d’Asie.
Les spécialistes de la filière estiment que la Grande Île peut renforcer sa position sur le marché en améliorant sa production et la qualité de son anacarde. L’amande de cajou est en ce moment très appréciée dans les pays développés, qu’ils soient européens, américains ou asiatiques. Ainsi, le prix flambe pour les produits de l’anacardier. Raison pour laquelle plusieurs pays à travers le monde concourent actuellement à la plantation à grande échelle de cet « or brun », son surnom dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Les produits de haute qualité, c’est-à-dire noix et amandes de grosse taille, ont les meilleurs prix sur le marché international.
Produire les amandes de grosse taille
Raveloson André, auteur d’un article scientifique sur l’amélioration des produits de l’anacardier à Madagascar, souligne que les amandes sont de plus en plus appréciées dans les pays développés. Ainsi, le prix ne cesse de monter. Raison pour laquelle plusieurs pays à travers le monde concourent actuellement à la plantation à grande échelle de cet « or brun », son surnom dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Les produits de haute qualité, c’est-à-dire les noix et les amandes de grosse taille, ont les meilleurs prix sur le marché international. Pour Madagascar, l’enjeu est de produire des noix et amandes de qualité supérieure. On sait en outre que l’amélioration génétique est nécessaire pour rehausser la qualité des produits locaux.
Raison pour laquelle une étude sur la sélection et l’amélioration variétale de l’anacardier a été initiée par la société Les Vergers d’Anacardes de Masiloka (Verama). Cela a débuté par l’introduction de 176 lots de bonnes graines fournies par plusieurs pays, dont Madagascar. Basé sur des critères de qualité établis, 15 742 arbres numérotés ont été suivis individuellement. Ce qui a permis la sélection des 180 premiers arbres. Puis s’en est suivi le test des descendants par voie rapide de sélection, utilisant les jeunes greffes clonées des premiers. L’étape finale a retenu les meilleures variétés, clonées et plantées dans des parcelles « parcs à bois ou banque des greffons ». Ces techniques d’amélioration génétique sont applicables aux autres anacardiers de Madagascar.
Mais si Madagascar veut donner une dimension nouvelle à sa filière noix de cajou, il faut aussi que le pays revoie la gestion de ses plantations. À savoir que c’est dans le nord de l’île que se concentre la majorité des plantations. Depuis quelques années, l’ONG Nitidæ s’active pour booster la production et renouveler des plantations vieillissantes. Christian Olivier Mahefa, du projet Madacana, qui soutient 1 500 producteurs dans le district d’Ambilobe, estime que la filière noix de cajou, après avoir été livrée à elle-même, doit relever de grands défis pour rattraper son retard. Il note que la plupart des 11 000 hectares d’anacardiers dans la région Diana sont vieux et datent de 1968. Il faut donc former les producteurs aux bonnes pratiques agricoles, à l’entretien efficace des champs…
Le projet Madacana a permis de renforcer les capacités des producteurs. Il a aussi pu reboiser 317 hectares d’anacardiers et planter 15 000 pieds. Et si les efforts se poursuivent, Madagascar pourrait figurer parmi les 10 premiers producteurs d’anacardes dans le monde. Pour ce qui est de la transformation en amandes, l’objectif est de se professionnaliser, car pour le moment, ces produits sont traités de manière artisanale et sont écoulés dans leur grande majorité sur le marché local. « Il faut mettre en place des mesures incitatives. L’État voit que c’est une filière porteuse, mais il faut qu’il s’implique beaucoup plus sur la chaîne de valeur anacarde. Adopter une politique pour baisser les coûts de la chaîne de valeur, réduire les taxes sur l’exportation du produit et subventionner la transformation en amandes de cajou, surtout au niveau de l’industrialisation », a-t-on aussi soutenu.
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La Grande Île exporte en moyenne 10 000 tonnes de noix de cajou par an. |
Booster la transformation locale
D’après toujours les spécialistes de la filière, l’objectif premier est d’améliorer le revenu des producteurs. Ils sont regroupés en associations ; le but est de les connecter directement avec les entreprises exportatrices pour qu’ils puissent vendre leur produit à un meilleur prix. Dans la région d’Ambilobe, les actions menées ont déjà porté quelques fruits. Si auparavant, le prix du kilo de noix de cajou brutes était à 200 ariary, actuellement les prix varient et peuvent dépasser les 5 000 ariary le kilo. À noter que la saison des récoltes a lieu au mois de septembre et que l’anacarde est catégorisée parmi les produits de rente. Mais il est aussi remarqué que la noix de cajou fait face de plus en plus à un problème d’insécurité. Les vols tendent à se multiplier dans les champs, mais il y a aussi le phénomène de la cueillette précoce.
Selon un rapport publié dernièrement, la filière anacarde à Madagascar est toujours confrontée à des défis liés à la qualité des produits et au manque de soutien gouvernemental. « Des initiatives, soutenues par les partenaires techniques et financiers, notamment l’Union européenne, visent à améliorer la chaîne de valeur, mais les produits sont encore de qualité inférieure. L’absence de politiques publiques soutenant fortement la filière anacarde est un frein au développement de ce secteur », a-t-on souligné. Du côté du ministère de l’Agriculture, on soutient que l’accent est mis sur la transformation des anacardes en amandes pour ajouter de la valeur et créer des emplois. Ce département évoque aussi une stratégie commerciale renforcée pour mieux se positionner sur le marché international.
À savoir qu’au plan continental, les producteurs africains de noix de cajou tablent aujourd’hui sur la transformation de 50 % de leur production localement afin de tripler leurs recettes à l’export. Pour Georgette Taraf, présidente de l’Alliance africaine pour le cajou (African Cashew Alliance/ACA), une organisation qui regroupe près de 200 entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation de l’anacarde sur le continent, la transformation locale permet aux différents acteurs de la filière de maximiser leurs revenus et de diminuer le risque de fluctuation des prix sur les marchés internationaux des matières premières.
Certains pays africains affirment qu’ils pourraient atteindre à court terme l’objectif de la transformation de la moitié de leur production localement. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, qui reste le premier producteur africain d’anacarde avec 450 000 tonnes par an, suivie par la Guinée-Bissau (150 000 tonnes) et la Tanzanie (140 000 tonnes). Le directeur des relations publiques pour l’Alliance africaine pour le cajou, Xenia Defontaine, a soutenu que les autres nations productrices doivent suivre la voie de ce pays de l’Afrique de l’Ouest. De son côté, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) se dit prête à accompagner davantage les autres producteurs africains de noix de cajou, à savoir le Bénin, le Nigeria, le Mozambique, le Ghana, le Kenya, la Guinée, Madagascar, le Sénégal et le Burkina Faso.
MARCHÉ MONDIAL DE L’ANACARDE - Situation et perspectives
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Les noix de cajou de Madagascar doivent monter en qualité. |
Les exportations de noix transformées ont connu une forte croissance depuis l’année dernière. Cette demande en hausse s’explique par deux années consécutives de prix particulièrement bas, combinées à des tendances structurelles comme l’intérêt croissant pour une alimentation saine et moins carnée. Jusqu’en avril 2024, les prix étaient historiquement bas, atteignant leur plus faible niveau en 15 ans, à 2,50 \$ par livre. Cependant, le marché a évolué. Les prix ont rapidement grimpé jusqu’à 3,60 \$ par livre.
Cette hausse des prix s’explique par une demande accrue, mais aussi par une production plus faible en Afrique de l’Ouest et en Inde, et à une suspension des exportations de noix brutes par la Côte d’Ivoire, premier fournisseur mondial. Cette décision, qui était censée durer quelques semaines, a finalement été étendue jusqu’en juillet, ce qui a limité l’approvisionnement des transformateurs au Vietnam et en Inde. Cela a eu pour effet d’augmenter les prix et de provoquer une certaine perturbation sur le marché. Ainsi, durant la seconde moitié de l’année, les prix étaient nettement plus élevés que pendant la première moitié.
Les spécialistes du marché notent qu’il y a toujours un décalage temporel entre l’évolution des prix et son impact sur la demande de noix de cajou. Ce décalage peut varier entre six mois et un an. Ainsi, les consommateurs dans les marchés du monde entier, durant la seconde moitié de l’année dernière, achetaient à des prix qui reflétaient les niveaux bas des prix d’importation ou de gros. Pour 2025, les prix élevés se refléteront dans les ventes au détail. De fait, une légère baisse de la demande est attendue. On fait aussi remarquer que la croissance des ventes au détail a été moins rapide que celle des importations en 2024, laissant penser que les stocks mondiaux de noix transformées ont augmenté en fin d’année.
Globalement, dans l’ensemble, la production mondiale a baissé de 5 % par rapport à 2023, mais la seconde moitié de l’année a vu une amélioration progressive de l’offre. Les premières prévisions pour 2025 sont encourageantes. Des récoltes normales et bonnes sont attendues au Vietnam, au Cambodge et en Afrique de l’Ouest. En Inde, on doit encore attendre avant de pouvoir donner des estimations, mais jusqu’ici, les indications tablent sur une bonne récolte. Cette année, l’offre devrait être environ 10 % plus élevée que l’année dernière, ce qui correspondrait davantage à une récolte normale. À plus long terme, les prévisionnistes tablent sur une production qui augmente plus rapidement que la demande. Le surplus attendu ne devrait réellement avoir d’effet qu’à partir de 2027, car les anacardiers mettent trois ans à commencer à produire et sept ans pour atteindre leur pleine capacité de production.
VERBATIM
Jim Fitzpatrick, expert mondial en ingrédients naturels
« L’année écoulée a été exceptionnelle pour la demande de noix de cajou. Les exportations de noix transformées depuis le Vietnam, principal fournisseur mondial, ont atteint des niveaux record : +13 % vers l’Union européenne, +21 % vers les États-Unis, +18 % vers la Chine. Cette forte demande s’explique par deux années consécutives de prix très bas, combinées à des tendances structurelles comme l’intérêt croissant pour une alimentation saine et moins carnée ».
Christian Olivier Mahefa, spécialiste de la filière noix de cajou
« L’anacarde est un produit à haute potentialité pour Madagascar et s’adapte parfaitement au climat et au sol de la région Nord-est de l’île. C’est un arbre facile à faire pousser, il suffit d’avoir un terrain plat et sablonneux. Il commence à donner des fruits au bout de trois ans. Sur le marché international, il n’y a que deux pays, la Tanzanie et le Mozambique, qui concurrencent Madagascar durant la saison des récoltes sur le produit noix de cajou brute ».
LA FILIÈRE ANACARDE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar