Quand la Journée mondiale du livre occupe, cette année, le même créneau que la parenthèse de la «sede vacante», ou la vacance du trône pontifical, l’histoire remplie d’ambiguïtés de la relation entre l’Église catholique et la littérature peut facilement surgir dans nos méditations. Alors que différents ouvrages emblématiques profanes ont été malmenés par différents souverains pontifes, le pape François est connu pour sa position, une ouverture qui tranchait avec celle que partageaient beaucoup de ses prédécesseurs.
En 1559, le pape Paul IV a validé une liste de publications interdites à cause de ce qu’on pensait être leur capacité de nuisance sur la foi et les mœurs. Ces livres “hérétiques” ou dangereux ont eu une place, que ne convoite aucune œuvre, dans l’Index Librorum Prohibitorum où figurent les textes et auteurs proscrits, mis au ban de la littérature «correcte». Et parmi ces victimes d’une censure implicite, on y trouvait des classiques dont beaucoup d’improbables comme Victor Hugo, Alphonse de Lamartine... et un nombre considérable de traductions de la Bible. Une histoire qui peut contraster avec la perspective du pape François.
Ayant un passé de professeur de lettres, Jorge Mario Bergoglio, qui se fera connaître au monde entier le 13 mars 2013 quand il prit le nom de François, voyait plus de lumière luire sur la littérature, un éclat qui n’a pas ébloui les yeux de ceux qui eurent une vision plus sombre des livres. Et en 2024, alors qu’il est titulaire du trône papal depuis plus de dix ans, il affirma que «la lecture d’un texte littéraire nous met en position de « voir à travers les yeux des autres » en acquérant une largeur de perspective qui élargit notre humanité.» Une expression claire de cette même conviction présente et vivante dans le cœur et l’esprit de beaucoup de lecteurs conquis et amoureux des livres comme le pape François qui portait en haute estime Marcel Proust, ou encore son compatriote Jorge Luis Borges, Blaise Pascal, le fervent critique des Jésuites qu’il envisageait de béatifier...
Cette assertion du pape sur ce que la littérature peut offrir comme enrichissement à ceux qui s’y adonnent peut aisément être attestée par d’autres qui ont expérimenté et apprécié les voyages dans lesquels la lecture peut embarquer. C’est en lisant Les Frères Karamazov (F. Dostoïevski, 1880) que certains ont pu saisir le libre arbitre ou la complexité du «mal». Conformément à la conception du roman par Stendhal, Guerre et Paix (L. Tolstoï, 1865-1869) est comme un miroir grossissant qui nous offre différents reflets des relations humaines et éveille les consciences sur la nature humaine.
Le successeur de ce pape atypique se décidera à l’issue du conclave qui débutera dans une dizaine de jours. On peut explorer et apprécier le mystère qui entoure cette assemblée des cardinaux qui ont, entre leurs mains, l’avenir de l’Église catholique, en lisant des romans comme Anges et Démons (D. Brown, 2000) ou Conclave (R. Harris, 2016), prouvant l’importance de la littérature dans notre quête de compréhension du monde.
Fenitra Ratefiarivony