C’est en familier de la famille que je souscris aujourd’hui à un devoir presque filial, rendant hommage à une personnalité discrète et méconnue, mais certainement pas effacée. «Ce n’est pas à mon mari de parler de sa chère femme», me dit Yvette Rabetafika-Ranjeva, regrettant avec une amertume amusée l’absence de reconnaissance publique de son vivant.
Née en 1942, Rabetafika Yvette Madeleine Razafimalala, épouse Ranjeva, est un pur produit de la formation malgache. Pourtant, son éducation familiale lui permet d’être tout aussi à l’aise au sein de deux autres cultures: la française et l’anglaise. On oublie trop souvent qu’elle fut, en 1966, la première femme Malgache Agrégée de l’Université, fière d’avoir effectué presque toutes ses études à Madagascar, sauf l’année de préparation à l’agrégation d’anglais à Paris.
Son mari, dont on taira pour une fois le nom, affirme que l’agrégation de lettres en langue vivante est une marque suprême d’intelligence : il faut imaginer, dit-il, le supplice d’une Malgache déjà quelque peu brutalisée dans l’apprentissage du français, mais qui n’en doit pas moins être à la fois une parfaite francophone et une parfaite anglophone.
Bien avant ce «couronnement», «Yvette» avait décidé de se consacrer à l’enseignement. Encore étudiante, elle fut chargée de cours dans un collège protestant. À son retour au pays, elle a travaillé dans un lycée public, avant de «monter» à l’Université, où elle a assumé des responsabilités administratives à côté de ses obligations d’enseignant-chercheur.
En cette «journée internationale des Droits des femmes», il n’est ni anodin ni superflu de signaler les sacrifices que concède très souvent l’épouse pour privilégier la carrière du mari. C’est ainsi qu’Yvette Rabetafika, l’épouse, la mère, la grand-mère, a abandonné la rédaction d’une thèse d’État sur Henry St John, vicomte Bolingbroke, un philosophe politique britannique du XVIII° siècle.
Autre première à son actif, celle d’avoir été la première femme ambassadeure de Madagascar. Ce fut comme Représentant permanent auprès de l’UNESCO, poste qui allait lui permettre de contribuer à la restauration à l’identique de la silhouette extérieure du palais de Manjakamiadana, au Rova d’Antananarivo.
Ses autres titres et tâches ont été ceux de membre du Haut Conseil de la Francophonie et de Représentant personnel du Chef de l’Etat auprès de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie).
Épouse d’un juriste international aux multiples sollicitations, elle a encore ménagé un créneau au sein d’une association militant pour la parentalité responsable et d’autres pour la protection du patrimoine culturel et naturel.
Yvette Rabetafika-Ranjeva est membre de l’Académie Malgache, de l’Académie des Sciences d’Outre-mer et de l’Académie Africaine des Sciences, religieuses, sociales et politiques. Mariée à un catholique, elle revendique un témoignage chrétien à travers l’action pour l’oecuménisme et la diaconie, au sein de l’Eglise Réformée, à Madagascar et aux Pays-Bas où l’avait menée la carrière de son mari (décidément).
Post-scriptum : Ce texte est un manifeste. Il m’était important de rendre hommage à une intellectuelle accomplie alors qu’ailleurs, par exemple Antsohihy, la «journée de la femme» se résume à un concours de «vaiavy be nono sy be vody», Minerve wonderbra et Vénus stéatopyges.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja