L’amour flou

Dans un des plus fameux écrits sur l’amour, Platon a présenté ce dernier comme une force qui mène vers l’amour de la Beauté absolue, celle qui transcende les belles choses, à l’éclat fragile et éphémère, qui peuplent le monde sensible. Et quand on fait l’inventaire des différentes formes de la foi en l’amour, on constate l’omniprésence de cet envol vers des délices que ne peut fournir le monde prosaïque où le sacré est occulté par l’omniprésence de l’ordinaire profane. C’est pourtant en surfant sur la vague de l’amour, qui est la tendance de cette semaine, qu’on prend le chemin de l’écrasement de son caractère extraordinaire. 

On retrouvera, des millénaires plus tard, cette même vision de l’amour chez Marcel Proust pour qui la beauté est à chercher dans les œuvres d’art ou dans les qualités de quelqu’un. Les œuvres artistiques qui ont acquis une immortalité, imperméable à la succession des générations, et qui ont mis l’amour au centre l’ont représenté, dans toute son «authenticité», sous cet aspect de puissance qui peut dépasser les attentes sociales. C’est parce qu’ils l’ont expérimenté que Roméo et Juliette finirent par retirer leur vie du monde qui nous est familier. Le même amour «véritable» qui a conduit Orphée jusqu’en enfer pour récupérer Eurydice, la femme qu’il aime. Un visage de l’amour autre que celui que les différents canaux, influencés par la Saint-Valentin, diffusent. 

Le commerce prend le dessus et s’impose en se travestissant sous les habits de l’amour. En s’imprégnant de l’odeur de ce grand moteur de la vie, présent depuis l’aube de l’histoire de l’humanité, le matérialisme a trouvé un ingrédient plus qu’efficace qui lui fait entrer dans une de ses périodes favorites au cours desquelles son attrait s’amplifie. Si on n’y prend garde, le superficiel peut noyer le spirituel intrinsèque de cet amour idéal que les poètes n’ont cessé de célébrer et que des artistes ont sublimé dans des chansons qui l’ont élevé au firmament. 

Pour pouvoir retrouver l’amour dans toute cette dimension suprasensible, les amoureux se doivent de ne pas se limiter à l’appel mercantile de quelques jours pour le vivre, cette standardisation qui le prive de son aura. Il est fait pour dépasser les cadres temporels et être présent en permanence. Et on ne cessera pas de le répéter : la Saint-Valentin, c’est tous les jours.

Fenitra Ratefiarivony

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