Échos du passé

C’est sûrement l’un des films événements du moment, non seulement pour sa qualité consacrée par la critique et le box-office, mais aussi à cause de la polémique qui l’entoure depuis que des traces écrites du passé furent exhumées. Emilia Perez domine, en ce début d’année, l’actualité cinématographique. Les spectateurs sont emportés à la fois dans le récit, l’histoire du personnage principal, et dans son actualité souillée par le scandale. Ce cocktail explosif fait l’actualité des différentes cérémonies où sont couronnés ceux que l’univers du cinéma décide de porter en triomphe.

Aux Oscars comme aux Golden Globes, le film a laissé une empreinte imposante. Longtemps présenté comme un des grands favoris pour ces différentes récompenses, le film a conquis le monde qui a suivi l’histoire de ce chef de cartel mexicain en quête de renouveau concrétisé par une chirurgie de réattribution sexuelle pour pouvoir entrer dans une nouvelle vie. Mais cette puissance magnétique a été amoindrie par la découverte d’anciens tweets de Karla Sofía Gascón, l’interprète du personnage principal, et première personnalité qui se revendique transgenre  à être nominée aux Oscars. Aussitôt, émerge à nouveau, pour certains esprits, le spectre de la «cancel culture».

Le dynamisme prometteur de cette œuvre, qui semblait destinée aux plus prestigieux trophées, est ainsi freiné par les déclarations de Karla Sofía Gascón qui ont resurgi en plein milieu de l’envolée. Comme aujourd’hui, des propos jugés offensants touchant les minorités comme l’Islam valent l’anathème, tout comme s’attaquer à des causes qui bénéficient de l’onction médiatique comme celle de George Floyd en 2020, deux fautes dont s’est rendue coupable Karla Sofía Gascón, qui subit actuellement une exclusion de la promotion du film. Une condamnation populaire qui, dit-on, menace ses chances aux Oscars à deux semaines de la cérémonie.

À l’instar de son personnage en quête de rédemption, Karla Sofía Gascón semble vivre le même drame que Jean Valjean dans Les Misérables (V. Hugo, 1864) ou de l’héroïne de La Lettre écarlate (N. Hawthorne, 1850), des personnages poursuivis par un passé aux griffes acérées qui laissent des stigmates difficilement curables, les exposant en permanence au jugement de la société. Ce fut le cas aussi de Charlie Chaplin quand, en plein Maccarthysme, la rumeur l’a associé au communisme, l’incitant à quitter le territoire américain. Emilia Perez suivra-t-il la même trajectoire ? Les prochains jours seront décisifs.

Fenitra Ratefiarivony

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