FEUX DE FORÊT - Un drame environnemental

Cette saison des incendies est particulièrement dévastatrice. Plusieurs zones continuent de s’embraser en ce mois de janvier.

L’heure est grave. Les incendies se multiplient. Le parc national de Ranomafana, les districts de Tolagnaro et d’Andilamena sont en proie aux flammes, actuellement. José Rabemiafara, candidat au maire de Ranomafana, alerte que les feux se propagent à une vitesse grand V dans cette aire protégée de la région Matsiatra Ambony. À Tolagnaro, les départs de feux s’enchaînent dans plusieurs fokontany. À peine l’unité de protection civile, des responsables étatiques et des villageois parviennent à maîtriser les feux dans un lieu que de nouveaux points de feu se déclenchent dans d’autres zones. Rien qu’hier, des feux de brousse ont été observés dans quatre villages différents de ce district. «On peut dire que trois sur ces quatre points de feu sont maîtrisés, actuellement. Vers 15 heures, nous avons encore reçu un signalement d’un nouveau point de feu dans un village à 15 km de la ville. Les origines des incendies ne sont pas connues », informe une source auprès du CCO Feu Tolagnaro. 

À Andilamena, les villageois se mobilisent, depuis hier, pour éviter qu’un feu de brousse ne touche une forêt. Dans la région Alaotra Mangoro, les feux de brousse et les feux de forêt s’enchaînaient également, avec des incendies à Andasibe, à Ambatondrazaka, au Corridor Ankeniheny Zahamena (Caz), entre autres, ces dernières semaines.

Propagation

L’Est de l’île n’est pas épargné par cette catastrophe qui a consumé des brousses et des forêts gérées par des communautés et des associations.  

Les feux ont augmenté cette saison, par rapport aux précédentes années, selon des sources auprès du ministère de l’Environnement et du Développement durable. « Les chiffres montrent qu’à chaque période électorale, les feux de brousse et de forêt se propagent », indique le secrétaire général du ministère de l’Environnement et du Développement durable, Moïse Rasamoelina. Dans la région Atsinanana, par exemple, le nombre de points de feu a augmenté de 25 % par rapport à il y a deux ans, selon l’estimation de la direction régionale de l’Environnement et du Développement durable d’Atsinanana. Cette saison de feux s’est distinguée, par ailleurs, par son prolongement jusqu’en ce début de mois de janvier. D’après des environnementalistes, les feux se terminent au mois de décembre, période à laquelle commence la saison des pluies, mais ils continuent à se multiplier, actuellement. Des paysans profitent de l’absence de pluie pour faire le tavy, alors que la période sèche augmente le risque de propagation des feux.  

Un Centre de coordination opérationnelle (CCO) Feu est mis en place dans les zones où les feux sont considérés comme « une catastrophe ». C’est le cas à Tolagnaro. Ce CCO reçoit les signalements de feux, identifie les points de feu et coordonne l’opération d’extinction des feux. Cette opération se fait avec les moyens du bord, dont des battes à feu, des sceaux à pompe, des pelles, des branches d’arbre. En cette période où l’eau est en pénurie, face à la période sèche, la mission est encore plus difficile. Des autorités dans les zones où il y a feu, demandent la mobilisation d’un canadair pour accélérer l’extinction des feux. «Nous sommes au stade du plaidoyer pour l’acquisition d’un canadair, l’étude technique étant déjà terminée. L’objectif est d’en disposer pendant la prochaine saison des feux », note Moïse Rasamoelina. D’autres mesures seraient prises pour renforcer la lutte contre les incendies, dont le renforcement des collaborations avec les autres départements ministériels, la révision des textes sur les feux afin d’imposer des sanctions plus sévères.

ENVIRONNEMENT - Les feux dévorent la forêt de l’Est 

La forêt d’arbres des voyageurs partie en fumée.

Les feux de forêt ravagent l’Est de Madagascar, transformant des paysages verdoyants en terres stériles. Cette catastrophe écologique menace la biodiversité unique de l’île et les communautés locales.

De la capitale Antananarivo jusqu’à Tamatave, le paysage, autrefois verdoyant, offre aujourd’hui un spectacle de désolation. Partout, des colonnes de fumée s’élèvent, témoignages silencieux d’un désastre en cours. Les feux de forêt ravagent l’Est de Madagascar, transformant des kilomètres de végétation luxuriante en terres stériles et brûlées.

Une catastrophe écologique en marche

La forêt de Mandraka, véritable poumon vert du pays, est aujourd’hui clairsemée. Ce joyau naturel, réputé pour sa biodiversité exceptionnelle, est en train de disparaître sous les flammes. Ce phénomène n’épargne pas non plus les emblématiques forêts d’arbres du voyageur, dont une grande partie est partie en fumée. Ces arbres, symboles de Madagascar et précieux pour les écosystèmes locaux, sont les victimes silencieuses d’un déséquilibre écologique alarmant.

Tout au long de la route reliant Antananarivo à Tamatave, la terre brûle. Ce ne sont pas seulement des arbres qui disparaissent, mais des habitats entiers, des sources de vie pour de nombreuses espèces animales et végétales, ainsi qu’un patrimoine naturel unique au monde.

Mandraka, un des poumons verts de l‘Ile, n‘est plus. 

Les causes : entre facteurs humains et climatiques

Si les feux de forêt sont parfois d’origine naturelle, une grande partie des incendies qui ravagent Madagascar est due à des activités humaines. L’agriculture sur brûlis, bien que pratiquée depuis des siècles, devient de plus en plus destructrice face à la pression démographique. À cela s’ajoutent les feux intentionnels et incontrôlés, souvent liés à des activités d’exploitation illégale de la forêt.

Le changement climatique exacerbe la situation, rendant les forêts plus vulnérables à la sécheresse et à la propagation rapide des flammes. Les autorités locales et les organisations environnementales peinent à contenir cette crise, faute de moyens et de coordination.

Entre Brickaville et Toamasina.

Un appel à l’action

Ce qui se passe dans l’Est de Madagascar est grave. Au-delà des impacts écologiques, ces feux de forêt menacent directement la vie des communautés locales qui dépendent des ressources forestières pour leur subsistance. Les sols, déjà fragilisés, risquent une érosion massive, aggravant encore les défis agricoles et économiques de la région.

Il est urgent de prendre des mesures concrètes pour endiguer cette catastrophe. Une meilleure gestion des forêts, une sensibilisation accrue des populations locales, et des politiques environnementales rigoureuses sont indispensables pour préserver ce qui reste du patrimoine naturel de Madagascar.

Le temps presse. Sans action rapide et concertée, ce spectacle de désolation pourrait devenir la norme, et la richesse naturelle de Madagascar ne serait plus qu’un souvenir.

INCENDIES - Le parc national de Ranomafana en flamme  

Paysage dans une partie du parc de Ranomafana.

En proie aux flammes. Ranomafana, troisième parc national très visité du pays, est broyé par le feu. Jusqu’à hier vers 17h, les habitants locaux estiment qu’une centaine d’hectares sont partis en fumée. « C’est la parcelle numéro un, zone de division une du parc, qui a été en proie au feu et à laquelle nous avons essayé d’éteindre toute la journée. Cette parcelle se trouve du côté de Vohiparara. D’après nos observations, le feu est parti du côté d’Ambalakindresy, à trois kilomètres à gauche sur la Route nationale 25, si l’on vient d’Alakamisy Ambohimaha vers Ifanadiana. Nous estimons qu’une bonne centaine d’hectares sont partis en fumée de ce côté-là. Les flammes, poussées par le vent, ont même réussi à atteindre l’intérieur du parc », raconte Rhodin Rafidimanandray, guide touristique local. Le député Haja Dinah, élu à Ifanadiana, avance que près de 30 ha à l’intérieur du parc sont ravagés par le feu depuis le 26 décembre dernier. En une dizaine de jours, le feu a dévasté les forêts d’Ifanadiana, et ce, jusqu’à Irondro. 

« Près de cinq cents personnes ont participé, avec les moyens du bord, à l’extinction des feux aujourd’hui (ndlr : hier) : Habitants, opérateurs touristiques et éléments du détachement spécial de sécurité. Avant-hier, nous étions trois cents à lutter contre la catastrophe. Nous avons emmené des seaux et des pelles. Demain encore, nous serons plus nombreux », continue Rhodin Rafidimanandray. 

Hélicoptère  

L’intervention des sapeurs-pompiers ne serait pas tellement pratique, selon les explications, car il faut marcher à peu près quatre kilomètres à l’intérieur de la forêt pour trouver les feux.  

Le circuit de Vohiparara, qui est actuellement en feu, est l’un des circuits les plus prisés du parc de Ranomafana. « C’est une importante habitation de lémuriens, reptiles, geckos, amphibiens, insectes, mammifères comme les chauves-souris et les tanrecs. Les espèces d’oiseaux ne pouvant pas voler haut sont sûrement calcinées. Sans parler de la flore qui a tout simplement disparu avec le feu », regrette le guide touristique. 

Les origines du feu, qu’elles soient volontaires ou involontaires, varient entre des feux de brousse, des feux de forêt, la fabrication de charbon, des manifestations de mécontentement entre des communautés rivales ou tout simplement de la pyromanie. Le feu n’a pas été éteint pour la journée d’hier. Bien que les habitants d’Ifanadiana soient motivés, les moyens utilisés sont dérisoires pour faire face aux flammes. « Je fais appel au président de la République et à tous les membres du gouvernement afin de trouver des solutions. La mobilisation d’un hélicoptère pour aider dans l’extinction des feux s’avère plus qu’urgente », réagit le député Haja Dinah. 

Le parc de Ranomafana s’étend sur 41 600 ha et le gestionnaire du parc vient d’entamer des innovations, comme la réhabilitation des pistes dans les divers circuits ou encore la mise en avant de cet atout touristique sur la scène internationale. Le feu risque de faire disparaître à jamais une bonne partie de ce trésor national. 

Miangaly Ralitera / Mirana Ihariliva

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne