Les fêtes de fin d’année jouent un rôle de véritable catalyseur économique. |
Les fêtes qui marquent le dernier mois de l’année ne sont pas seulement une parenthèse de célébration, mais également une période cruciale pour le monde du commerce et l’économie en général.
Pour les fêtes de fin d’année, les entreprises de pratiquement tous les secteurs se positionnent pour répondre à une demande accrue, générant ainsi une dynamique économique exceptionnelle. L’importance du commerce pendant cette période va bien au-delà de simples opérations commerciales, influençant la santé financière des entreprises et contribuant de manière significative à l’économie nationale. Certes, certains diront que la baisse du pouvoir d’achat de la population impacte sérieusement la dynamique de ce que l’on appelle l’économie des fêtes. Cependant, les observateurs soutiennent que, comme par le passé, la hausse de la consommation durant cette période constitue encore pour le secteur privé une manne financière salutaire.
« Les fêtes de fin d’année jouent un rôle de véritable catalyseur économique, stimulant les dépenses des consommateurs à des niveaux qu’aucune autre période de l’année ne peut concurrencer. Les gens sont plus disposés à ouvrir leur porte-monnaie pour acheter des produits alimentaires qui sortent de l’ordinaire, des vêtements, des cadeaux, des décorations... Cette activité accrue crée un flux financier qui bénéficie aux entreprises, grandes et petites, dynamisant ainsi l’économie locale et nationale », explique Herizo Andria, spécialiste en collecte et traitement de données économiques sectorielles.
Mais les fêtes de fin d’année riment aussi avec une hausse du taux d’emploi. La forte demande saisonnière entraîne généralement une augmentation des besoins en main-d’œuvre. Les entreprises cherchent à embaucher du personnel temporaire pour faire face à l’afflux de clients et assurer un service efficace. Cette création d’emplois temporaires offre des opportunités d’emploi supplémentaires, notamment pour les étudiants et les personnes à la recherche d’un revenu supplémentaire pendant les vacances. Mais un nombre non négligeable d’employés temporaires parviennent à être engagés sur le long terme après les fêtes.
Le développement du commerce électronique a aussi sensiblement transformé la façon dont les gens font leurs achats pendant les fêtes. Les plateformes en ligne voient une augmentation significative du trafic, les consommateurs optant pour la commodité de faire leurs achats depuis le confort de leur domicile. Les détaillants en ligne profitent de cette tendance, stimulant ainsi l’évolution du paysage commercial. « Progressivement, le digital a changé les fêtes de fin d’année à Madagascar, même si le pays n’est pas encore au niveau des autres nations de l’Occident ou d’Asie », constate Andy Rakotobe, commerçant de produits vestimentaires et cosmétiques en ligne.
Boom des achats alimentaires
Par ailleurs, les analystes soutiennent que les interactions positives entre les entreprises et les clients pendant les fêtes peuvent conduire à une fidélisation à long terme. Les entreprises qui offrent une expérience client exceptionnelle pendant cette période ont plus de chances de voir leurs clients revenir tout au long de l’année. Les fêtes de fin d’année deviennent ainsi un moment propice pour renforcer les liens avec la clientèle.
Autre constat : si pratiquement tous les secteurs peuvent miser sur la période des fêtes pour booster leurs ventes, c’est le secteur de l’alimentation qui est le plus privilégié. Noël, la nuit de la Saint-Sylvestre et le premier jour de l’année constituent une vraie aubaine pour le secteur du commerce alimentaire. C’est à ces moments que les professionnels de la filière font le plus de chiffres d’affaires. Les ménages y consacrent un budget relativement élevé. Selon une étude réalisée par le cabinet BEN-MG, la classe moyenne débourse en moyenne 560 000 ariary, répartis en deux parts : 300 000 ariary pour les repas et le reste pour les autres achats.
Cependant, ces dépenses moyennes diffèrent en fonction des régions. Les plus dépensiers vivent ainsi dans la région Analamanga et dans la partie Nord du pays. Viennent ensuite ceux de l’Atsinanana. Les moins dépensiers, quant à eux, sont les populations du Sud-Est. Des disparités sont également remarquées entre les différentes catégories socioprofessionnelles. L’étude démontre que les professions libérales et les cadres sont plus à l’aise sur leur budget, puisqu’ils mobilisent jusqu’à un million d’ariary pour les fêtes. Viennent ensuite les salariés du secteur public qui consacrent entre 400 000 et 600 000 ariary pour les fêtes.
Du point de vue économique, le secteur des repas est bien celui qui marche le mieux. Les volailles sont notamment l’un des produits les plus consommés. Près du tiers des ventes annuelles s’effectue durant le mois de décembre. On en consomme plus de quatre cent mille unités à travers le pays. Viennent ensuite les autres produits comme la viande de porc, les poissons ou encore les produits pâtissiers. À part l’alimentation, le marché des vêtements est aussi très dynamique. Selon les estimations, plus d’un million d’unités s’écoulent durant le dernier mois de l’année. Et si le secteur des jouets connaît une baisse de forme depuis quelques années, les incontournables smartphones et autres produits électroniques ne cessent de gagner du terrain
Les produits alimentaires et les articles vestimentaires sont les plus prisés. |
Inflation et spéculations
L’aménagement de nombreux espaces par la Commune Urbaine d’Antananarivo pour accueillir les bazars de Noël contribue aussi à animer le marché. On sait ainsi que cent stands sont dressés du côté du stade Barea et soixante autres au jardin d’Anosy. Deux cent cinquante stands spécialisés en vêtements, chaussures et sacs sont installés à Ambodin’Isotry. Sans oublier les stands pour les enfants installés à Antanimbarinandriana. Le jardin d’Antaninarenina accueille également des commerçants spécialisés dans les produits locaux. Un peu partout, les articles d’habillement pour les femmes et les enfants sont pris d’assaut. De nombreux acheteurs ont aussi été captés par les commerçants en ligne, qui proposent exclusivement des paiements mobiles, opérant du côté du Palais des Ports de Mahamasina.
Mais les fêtes de fin d’année sont aussi une période marquée par une augmentation des prix et par les spéculations en tout genre. Cette année encore, les ménages doivent faire face à une hausse des prix de certaines denrées alimentaires, dont le riz. On constate aussi que la viande de bœuf et les œufs ont vu leur prix bondir. Banky Foiben’i Madagasikara (BFM) a noté pour sa part qu’environ 61,8 % des entreprises ont déclaré ne pas prévoir de modifier leur prix de vente, tandis que 34,1 % ont envisagé de les augmenter, ce qui donne un solde d’opinion de +31,8 %. Cette tendance se répartit comme suit entre les secteurs : +16,7 % pour le primaire, +20,7 % pour le secondaire et +35,6 % pour le tertiaire.
En termes de taille, les grandes entreprises se montrent les plus enclines à augmenter leurs prix (+37,8 %), suivies par les entreprises de taille moyenne (+20,3 %), les microentreprises (+15,2 %) et enfin les petites entreprises (+10,0 %). De l’autre côté, le phénomène de spéculation s’intensifie. Cette pratique, courante en cette période de l’année, a pourtant des conséquences significatives sur l’économie, les marchés et la vie quotidienne des citoyens. Elle se manifeste souvent par une rétention de stocks, une circulation d’informations souvent alarmantes et une augmentation des prix de certains biens et services.
« Lorsque la demande pour certains produits augmente de manière significative à l’approche des fêtes, de nombreux commerçants sont tentés d’augmenter les prix pour maximiser leurs profits. Une augmentation artificielle des coûts est constatée », explique un inspecteur du Ministère chargé du Commerce. Les produits de première nécessité sont les premiers frappés par l’augmentation, en l’occurrence le riz et en particulier les variétés locales. Dans certaines régions, les prix des boissons connaissent aussi une augmentation. Dans tous les cas, ces hausses de prix des produits alimentaires poussent les consommateurs à commenter abondamment sur les réseaux sociaux la question de régulation des prix.
« L’État devrait intervenir en tant que régulateur pour garantir le bon fonctionnement du marché, assurer la protection des consommateurs et prévenir les pratiques abusives », soutiennent les uns. « Il est indispensable que les autorités fassent un travail d’anticipation, car chaque année, on assiste au même spectacle de spéculations », lancent les autres. De son côté, le Ministère de l’Industrialisation et du Commerce (MIC) affirme déployer depuis quelques jours ses commissaires et contrôleurs de commerce dans les marchés, entre autres Analakely, Andravoahangy, Isotry, Anosibe, Tsaralalana et Soamanatombo. « Ils ont pour mission de contrôler et de sensibiliser les détaillants, et aussi de veiller sur la qualité et la consommabilité des produits proposés », a-t-on indiqué.
La période des fêtes rime aussi avec inflation et spéculations. |
Activités des entreprises
Un dernier trimestre prometteur
Selon Banky Foiben’i Madagasikara, dans sa dernière enquête sur la conjoncture économique, un accroissement plus important des activités est espéré au quatrième trimestre 2024. « De meilleures perspectives de vente et une augmentation des commandes se dessinent pour le dernier trimestre de l’année. Une hausse anticipée des ventes (+ 7,3 %) et des commandes (+ 17,3 %) est prévue pour cette période », a noté la banque des banques.
Ce dynamisme des ventes est surtout attendu dans le secteur tertiaire, lequel affiche un solde d’opinion de + 13,4 %. Sous l’angle de l’analyse par la taille, les soldes d’opinion sont respectivement de + 30,3 % pour les entreprises de taille moyenne, de + 10,6 % pour les microentreprises et de + 2,5 % pour les grandes entreprises. Concernant les commandes, les dirigeants des entreprises du secteur tertiaire apparaissent comme les plus optimistes, avec un solde d’opinion de + 25,1 %. Cet avis est également partagé par les entreprises de taille moyenne et les grandes entreprises : soldes d’opinion respectifs de + 24,8 % et de + 18,4 %.
Ces perspectives favorables sur les commandes incitent les chefs d’entreprises à investir, avec un solde d’opinion de + 18,9 %. Néanmoins, ce sont principalement les entreprises des secteurs tertiaire et primaire qui se montrent les plus oncernées, en affichant des soldes d’opinion respectifs de + 30,2 % et de + 20,4 %. Par catégorie d’entreprise, les chefs d’entreprises de taille moyenne (solde d’opinion de + 15,8 %) et les grandes entreprises (solde d’opinion de + 23,9 %) sont les plus enthousiastes à investir.
Par ailleurs, les perspectives d’une hausse des coûts des matières premières sont largement partagées par tous les secteurs : soldes d’opinion respectifs de + 69,8 %, de + 27,6 % et de + 68,2 % pour le primaire, le secondaire et le tertiaire. Cette anticipation à la hausse des coûts des matières premières est également constatée au sein de toutes les catégories d’entreprises, mais à des niveaux différents : + 31,6 % pour les microentreprises, + 28,1 % pour les petites entreprises, + 42,5 % pour les entreprises de taille moyenne et + 71,1 % pour les grandes entreprises. Une hausse des salaires est également envisagée par le tiers des entreprises enquêtées.
VERBATIM
Alexandre Georget, PDS de la Commune urbaine d’Antananarivo (CUA)
« Pendant cette période festive, plusieurs espaces sont aménagés pour permettre aux vendeurs et aux visiteurs de se rencontrer, favorisant ainsi les échanges commerciaux et artisanaux. Un rendez-vous incontournable pour découvrir des produits variés et soutenir l’économie locale, jusqu’au jeudi 2 janvier 2025. La sécurité des visiteurs et la protection de leurs biens seront assurées par la Police municipale et la Police nationale, qui collaboreront pour garantir un bon déroulement de l’événement. »
Dina Rakotonirina, directeur chargé de la Protection des consommateurs auprès du MIC
« Les éléments du ministère de l’Industrialisation et du Commerce (MIC) multiplient les descentes sur le terrain en cette période des fêtes. Nous vérifions les prix affichés, veillons à ce que les marchés soient correctement approvisionnés, que les produits commercialisés se conforment aux normes. Je rappelle que le commerce est régi par la loi de l’offre et de la demande, mais nous restons vigilants quant au respect des règles. »
L’ÉCONOMIE DES FÊTES EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar